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Sermon de M. le chanoine Mora,
Supérieur du Séminaire,
pour la fête de Saint Benoît

Gricigliano, le 21 mars 2011

 

         Monseigneur,

         MM. les chanoines,

         Rév.de Mère,

         Chers séminaristes,

         T. Chères Sœurs,

 

         Saint Benoît est né à Nursie, dans les Monts Sabins, en 480. Après des études à Rome, où il est choqué par la petitesse et la turpitude de la société romaine de cette fin du Ve siècle, il quitte la ville, se dirige vers les montagnes et les forêts des Apennins, se fixant près de Subiaco, pour y vivre sous le regard de Dieu. Mais il se voit obligé par ceux qu'ont circonvenus des calomnies de quitter son cher Subiaco. Il gagne alors la Campanie pour s'établir sur le Mont Cassin qu'il rendra à jamais illustre par la fin de sa vie tout unie à Dieu et par la rédaction de sa Règle qui fait de lui le patriarche législateur.

         Cette Règle de saint Benoit fut la voie la plus sûre  pour de nombreux moines au cours des siècles, d’atteindre la fin de tout homme ici-bas : la béatitude éternelle.

Nous méditerons aujourd’hui, en cette solennité du Patriarche de l’Occident, bâtisseur de la Civilisation, saint Benoît, notre saint Patron bien-aimé, sur l’esprit de cette Sainte Règle, dont nous aussi, membre de notre cher Institut, voulons être les serviteurs selon le caractère propre de notre état.

         Saint Benoît est le Patriarche des moines d’Occident ; il est plus particulièrement le Père, le Patron, le modèle de ceux qui militent sous sa Règle, mais il n’appartient pas exclusivement aux moines, il est le bien de toute l’Eglise. Et celle-ci le sait bien qui nous fait réciter la prière suivante : « Manifestez, Seigneur, et stimulez dans votre Eglise, l’Esprit auquel a obéi notre Bienheureux Père Benoît : afin que, remplis de cet esprit, nous nous appliquions à aimer ce qu’il a aimé, et à pratiquer ce qu’il a enseigné ».

         Quel est cet Esprit ? C’est l’Esprit-Saint, c’est l’Esprit de Notre-Seigneur, l’Esprit de l’Evangile. Si nous ouvrons la Règle de saint Benoît, c’est à chaque page que nous rencontrons cet esprit et que nous sommes invités à nous en pénétrer. L’Esprit de Notre-Seigneur est un esprit de vérité, de réalisme. Rappel très opportun en nos temps où on a insisté sur la dignité de l’homme au point de faire de lui comme un demi-dieu, et au risque de transformer la religion de Dieu en religion de l’homme. « Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul », avait déjà répondu Notre-Seigneur Jésus-Christ au démon qui le tentait dans le désert.

Saint Benoît, lui aussi, veut nous établir dans la vérité. Nous ne sommes que des créatures recevant de Dieu à chaque instant l’être et la vie. Notre devoir le plus élémentaire, à son égard, est de reconnaître notre situation et de tout faire remonter vers lui dans un continuel élan d’adoration. Hélas ! un tel mouvement ne nous est plus naturel depuis que nos premiers parents se sont laissés séduire par la perspective de devenir « comme des dieux ». Et l’Apôtre saint Jean reconnaît que« tout ce qui dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie : tout cela ne vient pas du Père mais du monde ». (I Jean II, 16.)

         C’est pourquoi Saint Benoît nous montre l’échelle de l’humilité pour parvenir à l’adoration en esprit et en vérité telle que la veut le Père (cf. Jean IV, 23-24.). Et il place la crainte de Dieu au bas de cette échelle : « Le premier degré de l’humilité, dit-il, consiste à maintenir avec constance devant son regard la crainte de Dieu, à fuir absolument l’inattention et à garder le perpétuel souvenir de tous les enseignements du Seigneur. (…) L’homme songera qu’à chaque instant, du haut du Ciel Dieu le considère, qu’en tous lieux le regard de la divinité se pose sur ses œuvres et qu’à tous moments les anges lui en rendent compte ».

         Quoi de plus doux que cette certitude de vivre dans la présence de notre Père des cieux qui nous aime au point d’avoir livré son Fils unique pour nous racheter et nous faire entrer dans sa Béatitude ? Quoi de plus stimulant pour notre Foi et notre Charité ? D’ailleurs cette crainte de Dieu se change en amour. « Ayant donc franchi l’ensemble de ces degrés d’humilité, dit encore saint Benoît, le moine parviendra sans délai à cette charité de Dieu qui, dans sa perfection bannit la crainte ; grâce à elle, toutes ces bonnes œuvres qui s’accompagnaient jusqu’alors d’une certaine crainte, voici que désormais on commence à les accomplir sans nul effort, comme naturellement et par habitude, non plus par frayeur de l’enfer, mais par l’amour du Christ, dans l’entrainement même du bien et l’attrait des vertus. » (Sainte Règle, VII).

Relisons quelques passages du Prologue de la Règle qu’il convient de le méditer souvent, car il en est le résumé et la quintessence...

         « Ecoute, mon fils, les préceptes de ton Maître, prête-moi l'oreille de ton cœur : accueille les avis d'un tendre Père  afin de les accomplir efficacement et de revenir par le labeur de l'obéissance à Celui dont t'éloignait la lâcheté de la désobéissance.

         Cette divine exhortation  je  te l'adresse maintenant, à toi qui, renonçant à tes propres volontés pour militer sous le vrai Roi, le Christ Notre-Seigneur, prends en mains les armes puissantes et glorieuses de l'obéissance.

         Mais au préalable quelque œuvre bonne que tu entreprennes demande-lui, par une très instante prière, qu'il lui plaise de la parfaire, de peur qu'après avoir  daigné nous compter au nombre de ses fils, il ne doive un jour s'attrister de nos mauvaises actions. Oui, il nous faut en tout temps consacrer à son service les biens qu'il a mis en nous, de crainte qu'il n'en vienne, comme un père courroucé, à déshériter ses enfants, ou qu'en maître irrité de nos méfaits chose plus redoutable encore, il ne livre aux châtiments éternels les serviteurs vicieux qui auraient refusé de le suivre à la gloire.

…/… et plus loin saint Benoît précise…

        Que la foi soit donc la ceinture de nos reins, et que, sous la conduite de l'Evangile, la pratique des bonnes œuvres nous entraîne dans ses sentiers, afin que nous méritions de voir un jour Celui qui nous appelle à régner avec lui. Car si nous voulons dresser notre tente dans sa royale demeure, sachons bien qu'à moins d'y courir à force de bonnes œuvres nous n'y parviendrons jamais.

…/… Saint Benoît dit encore…

        Aussi le Seigneur dit-il dans l'Evangile : "Celui qui écoute mes paroles et les fait passer en actes, je le comparerai à l'homme sage qui a bâti sa maison sur la pierre : les fleuves ont débordé, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle ne s'est pas écroulée, parce qu'elle était fondée sur la pierre."

         En somme, le Seigneur attend de jour en jour que nous rendions nos actions conformes à ses saintes ordonnances. …/…

      Nous avons demandé au Seigneur, mes frères, quelles sont les qualités requises pour habiter dans ses tabernacles : nous avons appris de lui à quelles conditions on peut y entrer ; maintenant le tout est de savoir si nous en remplirons les obligations.

         Il s'agit donc de nous préparer, corps et âme, au combat spirituel, celui de l'obéissance aux divins préceptes. Et quand la nature en nous doit s'avouer inférieure à la tâche, supplions le Seigneur qu'il daigne nous prêter le secours de sa grâce. …/…

Dans cette vue nous allons fonder une école où l'on apprenne à servir le Seigneur. Et nous espérons l'établir sans y instituer rien de pénible, rien d'accablant. Encore peut-il s'y présenter quelque norme un tant soit peu sévère, pour la raison bien justifiée de l'amendement de nos vices et du maintien de la charité : garde toi bien alors, saisi d'une belle peur, d'abandonner soudain la voie du salut : sache qu'on ne peut s'y engager que par la porte étroite.

…/…

         Chacune de ces paroles et un trésor que nous devons sans cesse avoir présent à l’esprit. Un contemporain et très ami de Saint Benoît disait de la Règle :"J'ai été fasciné par la Règle ../…  On l'appelle Règle parce qu'elle règle la vie de ceux qui la suivent...la « regula » n'a pas le sens de « contrôle » mais évoque plutôt l'idée de mesure, de rythme, de vies façonnées et formées...La grâce est gracieuse et la vie de la grâce est beauté."

Comment traduire dans notre vie cette Règle de Saint Benoît ? Nous en lisons un extrait tous les soirs au réfectoire avant le souper et nous la lisons tous les jours affichée dans la salle des journaux…cela est très bien, c’est un bref rappel, mais cela ne suffit certes pas. Ce qu’il faut c’est vivifier tout notre être, pensée, parole et action, par cette sève de vie contenue dans la Sainte Règle.

        Nous devons apprendre à toujours mieux connaître, servir et aimer Celui qui nous a appelés à sa suite : Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et pour cela nous devons, selon l’enseignement de Saint Benoît, faire grandir en nous son Amour par l’Obéissance, le renoncement, la prière. Depuis le péché originel notre vie est un combat ; un combat contre l’ennemi de nos âmes, un combat contre notre propre nature déchue qui nous entraîne au péché.

        Mais ce combat est un combat joyeux, un combat plein d’espérance car nous avons déjà vaincu nos ennemis en Celui qui nous sauve par Sa Croix : Notre-Seigneur Jésus-Christ. La plus légère ombre de jansénisme, de pessimisme, de découragement ne doit absolument pas nous effleurer, cela serait un manquement grave à l’Amour miséricordieux, et cela dénoterait en nous l’orgueil et la présomption de celui qui compte davantage sur ses propres forces, sur sa propre volonté pour mener ce combat…

        La sainte Eglise, pour la formation de ses prêtres, dans sa sagesse multi séculaire, sous la conduite du Saint-Esprit, à tout agencé, organisé, prévu dans le moindre détail, dans le seul but de manifester la Personne de Son divin Maître aux jeunes lévites afin qu’ils puissent Le suivre ; afin qu’ils puissent L’aimer, L’imiter, à l’exemple de saint Benoît qui nous dit : « à mesure que l'on progresse dans l'observance régulière et dans la foi, le cœur se dilate, et avec une inexprimable douceur d'amour on marche à grands pas dans la voie des préceptes de Dieu; et c'est ainsi que, sans nous écarter jamais de l'enseignement du Maître, persévérant jusqu'à la mort à pratiquer (dans le monastère) la doctrine qu'il nous a laissée, nous prenons dans la patience notre part des souffrances du Christ et méritons d'avoir part également à la gloire de son royaume. »

          Nous pourrions insister sur d’autres éléments importants de l’enseignement de saint Benoît, tels que, la lecture spirituelle, la révérence dans la prière, la charité : tout cela se trouve dans la Règle, dans la sainte Règle, que nous devons relire souvent afin de la « conserver et repasser dans notre cœur », à l’exemple de la Très Sainte Vierge qui méditait tout ce qu’elle savait concernant son divin Fils (cf. Luc II, 19).

          Que Notre-Dame , parfait miroir de Notre-Seigneur, Celle qui à écouté, plus que toute autre créature « les préceptes de Son Maître », nous aide à « prêter l'oreille de notre cœur : afin d’accueillir les avis d'un tendre Père  afin de les accomplir efficacement et de revenir par le labeur de l'obéissance à Celui dont nous éloignait la lâcheté de la désobéissance ». Ainsi soit-il.