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Sermon pour la fête du Sacré-Cœur

19 juin 2009

Can. Karl Lenhardt

 

 

Sermo in festo Sssm.i Cordis DNJC

 

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Monsieur le Supérieur,

Messieurs les chanoines,

Ma Révérende Mère,

Mes chers séminaristes,

Chères Sœurs,

Mes biens chers frères,

 

1. Cor, arca legem continens,

Non servitutis veteris,

Sed gratiae, sed veniae,

Sed et misericordiae.

 

Cor

La fonction du cœur humain est de faire circuler le sang dans tout notre corps. Le sang nourrit même la dernière cellule de notre corps. Le sang transporte et donne aux cellules l’énergie, l’oxygène, distribue les vitamines et minéraux et par cette activité le cœur maintient l’équilibre de notre existence physique. Si le mouvement du sang et du cœur s’arrête nous mourons.

 

Mais notre cœur est plus que le muscle au centre de notre corps qui pompe le sang. Notre cœur symbolise d’une certaine manière aussi le centre de notre existence. Si on se présente et si on dit « Moi » on ne montre pas du doigt notre tête ou notre visage, on montre notre cœur.  Le cœur n’est pas seulement un organe mais le centre de notre existence et le symbole de l’intégrité de notre existence. Notre cerveau ne peut pas sentir. On peut même faire des opérations du cerveau sans narcose parce que le cerveau même est incapable de sentir la douleur, mais les sentiments de notre cœur reflètent nos expériences les plus profondes : Nos joies et nos tristesses, nos espoirs, nos plus grandes craintes et passions sont reflétés dans les mouvements et les sentiments de notre cœur. Le cœur est le symbole de l’amour parce que l’organe qui maintient toute notre existence et qui se trouve au centre de notre corps est le seul symbole adéquat du plus profond mouvement de notre être intérieur.  Si nous exprimons quelque chose d’aussi profond  que notre amour il est normal que nous le sentions dans notre cœur.

 

Dieu n’a pas de sentiments, mais il nous aime. Il nous a créés selon son image. Et comme il nous a créés selon son image déjà sur le plan naturel nous sommes appelés à nous aimer les uns les autres. Nous devons aimer notre prochain parce que le fait de son existence est le reflet de l’amour de Dieu. Il représente comme nous mêmes tout l’ordre de la création et de sa propre origine en Dieu. Nous pouvons seulement aimer parce que Dieu nous aime et parce que nous avons reçu l’expression de la réalité de cet amour par les autres, par nos parents, grands parents etc. Tout la famille humaine a été appelée à refléter et à communiquer la lumière de l’amour dans son origine en Dieu.

 

L’amour a un aspect un peu paradoxal ; l’amour demande une réponse. Nous aimons aussi pour être aimés, mais si on aime intentione recta seulement pour être aimé, on n’aime point, c’est seulement de l’égoïsme. D’un autre coté nous ne pouvons pas forcer quelqu’un à nous aimer sans détruire ce que nous souhaitons, c'est-à-dire l’amour.  On ne peut pas aimer ad experimentum ; on ne peut pas s’assurer de l’amour d’une amitié, comme si c’était une expérience.  On aime ou on n’aime pas. Point.

 

Le plus grand amour, l’amour de Dieu même demande aussi la plus profonde réponse. Tout l’ordre de la création est une forte exclamation de l’amour de notre créateur envers nous. Le plus grand amour a même le droit de notre réponse, d’une réponse qui n’est pas divisée, mais, en même temps, même Dieu ne peut pas nous forcer à l’aimer.  Nous connaissons bien le résultat ; déjà nos premiers parents ont refusé l’appel de l’amour de Dieu.  Ils ont péché et par leur péché ils ont perdu l’innocence de toute la famille humaine. Comme tous les hommes sont unis dans leur origine, dans l’amour du créateur, ils sont aussi unis entre eux et les péchés des premiers parents ne restent pas sans effet pour tous leurs enfants. Nos premiers parents ont eu la vocation de communiquer la vie, mais tous leurs enfants ont hérité de leurs dettes, de la mort et de la perte de l’amitié de Dieu. 

 

Cor, arca

L’hymne des Laudes de cette fête appelle le cœur de Notre Seigneur « arca », l’arche.  Le mot latin est utilisé également pour l’Arche de Noé et pour l’Arche d’Alliance ; car, l’arche dans le monde de la sainte écriture signifie l’instrument du salut.

 

Cor, arca legem continens

Le cœur est appelé l’arche qui contient la Loi et fait référence à l’arche d’alliance, l’arche qui contient la Loi et les commandements de Dieu.

 

Non servitutis veteris

Et non comme celle de l’antique servitude 

 

Le cœur est une arche, mais l’arche de la nouvelle alliance. Il ne contient plus une loi qui manifeste la servitude sous le péché, mais une nouvelle loi. Nous nous rappelons des mots que nous avons chantés il y a une semaine : Vetustatem novitas, umbram fugat veritas, noctem lux eliminat : L’ancien fait place au nouveau ; l’ombre à la réalité, et le jour chasse la nuit.

 

Sed gratiae, sed veniae,

Sed et misericordiae 

C’est la loi de la grâce, du pardon,

Et de la miséricorde.

Le Cœur de notre Sauveur contient la nouvelle Loi, la Loi de la grâce, du pardon et de la miséricorde. Nous pouvons entendre l’écho des mots de notre Sauveur à la dernière cène :Mandatum novum do vobis, ut diligatis invicem sicut dilexi vos : Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres.  A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l'amour que vous aurez les uns pour les autres.

Le cœur de Notre Seigneur est le centre de tous les cœurs. Tous ceux qui étaient unis à l’origine dans l’amour du Créateur, mais qui étaient dispersés par le péché sont à nouveau réunis dans le cœur du Sauveur sous la nouvelle loi. 

 

2. Cor sanctuarium novi

Intemeratum foederis,

Templum vetusto sanctius,

Velumque sciss(o) utilius.

 

Cœur, sanctuaire inviolé

De la nouvelle alliance,

Temple plus saint que l’ancien,

Voile plus utile que celui qui fut déchiré.

 

Le cœur de Jésus est vraiment un sanctuaire. Il est humain, il est fait de chair et de sang, mais il est en même temps le siège et le trône de la majesté divine. Notre Seigneur même a appelé son corps « temple » devant les juifs, mais son cœur est le « sancta sanctorum », le tabernacle de ce temple. Son cœur est le « tabernaculum Dei cum hominibus » de l’apocalypse parce que la plénitude de la divinité habite dans ce cœur avec son peuple représenté dans la nature humaine du Christ. Dans cet unique et vrai temple nous ne voyons pas seulement sa traîne qui remplit un bâtiment comme le prophète Isaïe, mais nous voyons le vrai Dieu voilé et révélé en même temps par la vraie humanité de notre Seigneur. Nous avons accès à Dieu, mais nous, pauvres pécheurs, sommes protégés d’une réalité qui est encore trop dangereuse pour nous : l’amour dévoilé de Dieu.

   

3. Te vulneratum caritas

Ictu patenti voluit,

Amoris invisibilis

Ut veneremur vulnera.

 

Ton amour a voulu que tu fusses blessé

Par un coup visible,

Pour que d’un amour invisible

Nous vénérions tes blessures.

 

Par les blessures visibles de la passion de notre divin maître nous recevons la révélation de l’amour de l’invisible Dieu qui a voulu guérir les blessures de nos péchés et de notre désobéissance par les blessures de l’obéissance de son fils.  Le Sacré Cœur est blessé par nos péchés, mais il est blessé parce qu’il a voulu être blessé. Dieu n’a pas de sentiments, Dieu qui ne peut pas souffrir s’est créé un cœur dans son Fils, Notre Seigneur Jésus Christ.  Il a rempli ce cœur avec tout son amour divin et avec l’amour le plus noble et le plus élevé de la nature humaine du Rédempteur. Il a rempli ce cœur avec l’amour de sa passion et il a permis à nos péchés de transpercer ce cœur par la lance de Longin. Comme dans la vision du prophète Ezéchiel qui a vu de l’eau coulant du coté droit du temple ; les coulées de la grâce sont sorties du cœur blessé et transpercé par nos péchés. 

 

4. Hoc sub amoris symbolo

Passus cruent(a) et mystica,

Utrumque sacrificium

Christus Sacerdos obtulit.

Sous le symbole de l’amour,

Le Christ en tant que prêtre

Offre en sacrifice

Sa souffrance aussi cruelle que mystique

 

Dieu a voulu s’humilier en descendant dans la nature humaine, mais encore plus en descendant dans la sensualité délicate du cœur. Il a voulu souffrir pour nous et il a payé le prix pour notre salut, c'est-à-dire sa vie. Sur l’autel de la croix Notre Seigneur a offert au père céleste son cœur plein de souffrance, de la souffrance physique et morale d’une intensité que nous ne pouvons pas imaginer.  Dans tout ce qui se passe durant sa passion, il est toujours le Dieu Homme Jésus Christ qui agit et rien ne peut se passer contre sa volonté.

 

Le cœur de Notre Seigneur est un cœur sacerdotal parce que c’est lui-même qui s’offre en sacrifice pur, saint et immaculé. Il est Cœur sacerdotal parce qu’il est l’instrument et le modèle pour la transformation de nos propres cœurs. C’est un cœur sacerdotal qui nous communique la miséricorde et la grâce de Dieu.  C’est un cœur sacerdotal qui nous console dans nos souffrances. C’est un cœur de prière parce que dans ce cœur nous trouvons la conversation la plus intime entre Dieu et l’homme, une prière incessante. Et ce cœur de prière nous permet de participer dans nos prières à cette conversation céleste. C’est un cœur liturgique parce que dans son sacrifice le Souverain et Eternel Prêtre en représentant la famille humaine rend le culte à Dieu qui est la seule et unique expression de la vénération qui est due à Dieu. C’est un cœur eucharistique, qui nous communique la vie divine et qui rend grâce à Dieu, du plus profond possible de ce cœur.

 

5. Quis non amantem redamet ?

Quis non redemptus diligat,

Et Cord(e) in isto seligat

aeterna tabernacula?

A celui qui nous aime qui ne rendrait son amour ?

Quel racheté ne le chérirait pas

Et dans ce Cœur ne se choisirait pas

Une demeure éternelle.

 

Le Sacré Cœur est le cœur de l’église qui unit et anime tout le corps mystique. Le cœur de notre Rédempteur, transpercé par nos péchés est devenu pour nous l’entrée à notre nouvelle vie comme membre du corps mystique de notre Seigneur. Nous sommes incorporés à son corps mystique et c’est son cœur sacerdotal et royal qui nous unit et nous nourrit. Nous sommes créés selon l’image de Dieu, mais nous sommes sauvés selon l’image du Fils de Dieu, selon l’image de son cœur.

 

Dans le cœur de notre Rédempteur nous voyons déjà les « aeterna tabernacula ». Notre Seigneur qui a créé un lien entre son cœur et nos cœurs, nous permet de trouver et d’anticiper dans son cœur la vie céleste. Son cœur nous unit. Son cœur nous élève ici sur terre et éternellement dans la communion des saints au ciel qui entourent et adorent le cœur du Roi céleste qui est tout en tous.

 

Pour connaître ce cœur, pour découvrir la richesse de ce cœur, pour y rentrer et s’unir avec lui nous avons besoin de communicateurs, de représentants et d’instruments de ce cœur. Nous avons besoin de prêtres, de prêtres qui sont prêtres selon l’image de ce cœur sacerdotal et royal. Aujourd’hui commence l’Année Sacerdotale proclamée par Sa Sainteté le pape Benoît XVI à l’ occasion du 150eme anniversaire de la mort du Saint Curé d’Ars, comme année de prière pour la sanctification des prêtres et d’un renouvellement du clergé.

 

Le cœur de Notre Seigneur n’est pas seulement un cœur sacerdotal, mais le sacerdoce est le don de l’amour du Sacré Cœur. Le Saint Père écrit en citant Saint Jean Marie Vianney :

« Un bon pasteur, un pasteur selon le cœur de Dieu, c’est là le plus grand trésor que le Bon Dieu puisse accorder à une paroisse, et un des plus précieux dons de la miséricorde divine »[3]. Il parlait du sacerdoce comme s’il ne réussissait pas à se convaincre de la grandeur du don et de la tâche confiés à une créature humaine : « Oh ! que le prêtre est quelque chose de grand ! s’il se comprenait, il mourrait… Dieu lui obéit : il dit deux mots et Notre-Seigneur descend du ciel à sa voix et se renferme dans une petite hostie… »[4]. Et, pour expliquer à ses fidèles l’importance des sacrements, il disait : « Si nous n’avions pas le sacrement de l’Ordre, nous n’aurions pas Notre-Seigneur. Qui est-ce qui l’a mis là, dans le tabernacle ? Le prêtre. Qui est-ce qui a reçu notre âme à son entrée dans la vie ? Le prêtre. Qui la nourrit pour lui donner la force de faire son pèlerinage ? Le prêtre. Qui la préparera à paraître devant Dieu, en lavant cette âme pour la dernière fois dans le sang de Jésus-Christ ? Le prêtre, toujours le prêtre. Et si cette âme vient à mourir [à cause du péché], qui la ressuscitera, qui lui rendra le calme et la paix ? Encore le prêtre… Après Dieu, le prêtre c’est tout… Le prêtre ne se comprendra bien que dans le ciel »[5]. Ces affirmations, jaillies du cœur sacerdotal du saint curé, peuvent nous sembler excessives. Elles manifestent toutefois en quelle haute considération il tenait le sacrement du sacerdoce. Il semblait submergé par le sentiment d’une responsabilité sans bornes : « Si l’on comprenait bien le prêtre sur la terre, on mourrait non de frayeur, mais d’amour … Sans le prêtre, la mort et la passion de Notre-Seigneur ne serviraient de rien… C’est le prêtre qui continue l’œuvre de Rédemption, sur la terre… A quoi servirait une maison remplie d’or, si vous n’aviez personne pour ouvrir la porte ? Le prêtre a la clef des trésors célestes : c’est lui qui ouvre la porte ; il est l’économe du Bon Dieu, l’administrateur de ses biens…. Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre : on y adorera les bêtes… Le prêtre n’est pas prêtre pour lui… il est pour vous. »

 

Nous sommes tous ici grâce aux prêtres qui nous ont introduits au cœur de notre Sauveur qui est ce même cœur qui nous a appelés. Nous sommes ici grâce aux innombrables fidèles qui ont uni leurs prières et leurs sacrifices avec les intentions du Sacré Cœur. Nous sommes ici parce que les saints au ciel qui entourent, voient et adorent le Sacré Cœur intercèdent pour nous sans cesse. Ceux d’entre nous qui sont prêtres connaissent bien la nécessité de chaque prière et de chaque sacrifice pour nous et aussi de notre part. Cette année dédiée au sacerdoce est une grande obligation et un encouragement à prier pour les prêtres, et à intensifier la préparation au sacerdoce, mais aussi à rendre grâce à la générosité du Sacré Cœur. Cette année en elle-même ainsi que l’inspiration de notre Saint Père sont déjà une manifestation et une preuve de la générosité du Sacré Cœur parce que même si nous connaissons bien les tristes raisons de la nécessité de cette année, le Saint Père les voit aussi et il est décidé à utiliser les moyens nécessaires. L’Eglise n’est jamais simplement la victime des circonstances d’une époque, mais elle est toujours vivifiée et renouvelée par les grâces qui découlent du cœur royal de Notre Seigneur.

 

Dans notre cher Institut nous avons toute raison de rendre grâce à Dieu pour l’abondance de cette divine générosité, qui se manifeste chez nos prêtres et dans nos apostolats, dans nos vocations ici présentes et les ordinations dans quelques jours, dans le droit pontifical, les Sœurs Adoratrices et l’Association du Sacré Cœur,  mais aussi, j’ose le dire, du fait que dès le commencement de cette année sacerdotale nous avons la belle occasion de rendre grâce à Dieu pour les 30 ans de sacerdoce de nos fondateurs bien aimés, le Très Révérend Monseigneur le Prieur Général et le Révérend Monsieur le Supérieur.  Nous rendons grâce à Dieu pour nos Supérieurs qui n’ont pas  hésité à souffrir et à se sacrifier avec le cœur sacerdotal et royal de Notre Seigneur et qui sont des exemples pour la transformation du cœur du prêtre selon le cœur sacerdotal de notre Divin Rédempteur.     

 

6. Jesu, tibi sit gloria,

Qui Corde fundis gratiam,

Cum Patr(e) et almo Spiritu

In sempiterna saecula.

Amen.