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Fête de Notre-Seigneur Jésus Christ Roi

Gricigliano, 25 octobre 2009

 Sermon de Monseigneur le Prieur Général

 

Mes bien chers amis,

 

Dixit itaque ei Pilatus : Ergo Rex es tu ?

Voila la question qu’avec Pilate, le monde se pose aujourd’hui. Le monde, l’Église ou les hommes d’Église, et peut-être chacun d’entre nous prêtres, séminaristes, consacrés et chrétiens.

 

Est-Il Roi ? Une fois de plus, la liturgie de l’Église répond à cette question en acclamant le Christ comme « Seigneur », Kyrios, comme Roi Messie, et toute l’année liturgique rend hommage à cette royauté. Dans le Gloria, toute l’Église proclame cette royauté : Tu solus Dominus, Tu solus Altissimus Jesu Christe. Elle a déjà été annoncée dans l’Ancien Testament par les paroles du prophète Daniel : « Je vis le Fils de l’Homme qui venait dans les nuées du Ciel et Il reçut la royauté ; et tous les peuples et toutes les nations de toutes les langues Le serviront, sa puissance est une puissance éternelle qui ne Lui sera pas ôtée et son royaume ne sera pas détruit ». Dans les psaumes nous chantons ce que le Père dit au Fils : « Je te donnerai les nations pour héritage et ton pouvoir s’étendra jusqu’aux extrémités de la Terre ». C’est pourquoi Saint Jean, quand il décrit la venue du Christ, dit qu’Il est « venu dans ce qui était à Lui ». Aussitôt après la naissance du Christ, les Mages viennent affirmer et reconnaître sa royauté.

 

Quant à ce Jésus de Nazareth, Il affirme lui-même sans cesse sa royauté :

-         « tout m’a été donné par mon Père » (Mt XI, 27 et Lc X, 22)

-         « le Père a donné au Fils tout pouvoir de juger » (Jn V, 22)

-         « tout ce qu’a mon Père est à moi » (Jn XVI, 15)

-         « Tout pouvoir m’a été donné dans le Ciel et sur la Terre »
(Mt XXVIII, 18)

 

Et puis ce fut l’affirmation la plus solennelle, que nous venons d’entendre chantée ce matin par le diacre ; à la question de Pilate, Jésus répond : Tu dicis, quia Rex sum Ego. « Oui tu le dis, je suis Roi, je suis né et je suis venu dans le monde afin de rendre témoignage à la Vérité. Quiconque est de la Vérité écoute ma voix ».

 

Et Pilate, pour se moquer, fait afficher sur la Croix : « Jésus, Roi des juifs » en hébreu, en grec et en latin. Ainsi, instrument de la Providence sans le savoir, il adresse à l’univers entier et jusqu’à la consommation des siècles la proclamation de la royauté du Crucifié. Cette royauté est affirmée en hébreu : Il est roi dans le domaine religieux ; elle est affirmée en grec : Il est roi dans le domaine de l’intelligence et de la culture ; elle est affirmée en latin : Il est roi dans le domaine politique, juridique et social.

 

Le grand saint Paul, à son tour, enseigne la royauté du Christ (Eph I, 20-23) : « Dieu a ressuscité le Christ et L’a établi dans sa puissance, dans le Ciel au dessus de toute principauté et de toute puissance et de toute vertu et de toute domination et de tout ce qui a un nom et une réalité dans ce siècle comme dans le siècle futur ; et Il Lui a tout soumis et assujetti ; et Il L’a placé comme tête au dessus de toute l’Église, qui est son corps et sa plénitude, qui absorbe tout en tous. »

 

Le Concile de Nicée en 325 affirme : « Jésus-Christ est le Fils de Dieu, né du Père, unique engendré, c’est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ».

 

Cette royauté est donc affirmée par la liturgie, par les textes sacrés, par Celui qui se présente comme tel et par le Magistère infaillible de l’Église.

 

Oui mes bien chers frères, Jésus est Roi, Jésus est le Fils de Dieu, et c’est au monde qu’il faut Le proclamer haut et fort aujourd’hui.

 

Voilà la vérité qui semble gêner de nos jours. Le monde la refuse, il a trop d’idoles pour suivre Notre-Seigneur. Quant à certains hommes d’Église, perdus qu’ils sont dans l’anthropologie moderne, trop souvent ils n’en font pas la raison première de leur vie et la substance de leurs prédications.

 

La royauté du Christ est niée aujourd’hui parce qu’en fait, c’est sa divinité qui est d’abord et avant tout rejetée. Le Christ n’est plus à l’honneur dans les sociétés civiles ; le Christ Roi est trop maltraité par certains, même dans l’Église ; le Christ est oublié par beaucoup trop de chrétiens.

 

Le Christ n’est plus roi de nos jours parce que s’impose un peu partout une terrible apostasie qui n’est en fait que le triomphe du royaume des ténèbres, le triomphe du péché originel et de ses conséquences qui nous font retourner au chaos, aux ténèbres des esprits, des cœurs et des corps. La fureur de l’orgueil contemporain triomphant a découronné Notre-Seigneur Jésus-Christ parce que, pense-t-il, Il n’est pas, Il ne peut pas être et Il ne sera jamais l’unique et vrai Fils de Dieu, ni le Sauveur du monde, LE Sauveur !

 

Le monde voue une haine à l’empire de grâce, de liberté et d’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, tout comme ceux qui, il y a 2000 ans, ont crucifié Jésus.

 

La plupart des exégètes et des théologiens contemporains s’acharnent depuis plusieurs décennies à refuser et à nier les prérogatives divines et royales de notre Jésus ; et souvent avecNihil Obstat et Imprimatur.

 

Le constat est fait : Jésus est vrai Dieu et vrai Roi et c’est pour cela qu’Il est détesté et c’est pour cela qu’Il est rejeté. Lorsqu’il y a quelques années, un cinéaste de nos amis a réalisé un admirable film sur la Passion de notre Roi Sauveur, n’avons-nous pas vu se déchaîner avec une haine féroce les forces du mal ?

 

Alors ! Avons-nous, nous ses disciples, un devoir envers Lui ? Devons-nous écouter et croire la réponse qu’Il donna à Pilate ? Pouvons-nous annoncer à la face du monde que Jésus est vraiment le Fils de Dieu, le Sauveur, le Libérateur, le Roi des rois ? Qu’Il est venu instituer un royaume qui n’est pas de ce monde, mais qui est éternel ?

 

Et bien oui ! Et je dirai même que c’est notre premier devoir, notre unique pensée, notre raison d’être et spécialement pour nous, prêtres, séminaristes et religieuses de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre.

 

En effet, par son Incarnation, le Fils de Dieu a appelé tout le genre humain à la participation de son Corps. Il a rapproché dans sa personne ceux qui étaient loin, loin de Dieu, loin les uns des autres, les réunissant en un seul corps, en son Corps. Sur Lui-même et en Lui-même Il a fondé une grande communauté, une société dont Il veut être en même temps la tête et la base, en qui Il veut continuellement travailler et régner, par laquelle Il veut réunir le plus d’hommes possible avec Lui-même et avec son Père céleste. Cette société, ce royaume, vous l’avez compris, c’est son Corps Mystique, c’est l’Église, c’est notre chère Église, hors de laquelle il n’y a point de salut.

 

Notre devoir est donc de porter le plus possible d’âmes auprès de notre Roi dans le bercail de son Église. C’est le baptême, en nous introduisant dans l’Église du Christ, qui nous communique cette richesse d’être des membres du Corps du Christ. Nous devons -chrétiens !- avoir haute estime de cette grande dignité, nous devons brûler de zèle pour en faire bénéficier le plus grand nombre, et étendre ainsi le royaume de notre Roi.

 

En effet, seule notre Église enfante à Jésus et à son Père des Fils pour le Ciel. Elle nourrit ses enfants de la substance et de la lumière de son Époux et les conduit par-delà toute la nature créée dans le sein du Père éternel. En cette année du Sacerdoce proclamée par notre Saint Père le Pape Benoît XVI, soyons toujours plus convaincus que l’Église de notre Roi est la communauté la plus intime et la plus réelle des hommes avec l’Homme-Dieu telle qu’elle a dans l’Eucharistie son expression la plus réelle et la plus parfaite. Si l’Homme-Dieu, Jésus-Roi, habite de façon merveilleuse dans le sein de l’Église, pour s’unir en un Corps avec tous ses sujets, tous ses membres, l’unité qui les relie est manifestement si élevée et si mystérieuse qu’aucun esprit humain ne peut la soupçonner, ni la comprendre. Seule la foi et l’humilité peuvent nous porter à adorer les desseins magnifiques de notre divin Roi. En effet, ce Jésus Roi, cet Homme-Dieu élève à Lui et s’incorpore par cette unité, tous ses sujets bien-aimés, baptisés membres de l’Église, pour les pénétrer de sa vertu et de sa gloire divine, pour les offrir en Lui et avec Lui comme un sacrifice agréable à Dieu son Père.

 

Ah mes bien chers frères ! Quel grand mystère que celui de l’Église ! Quel grand mystère que le royaume de Jésus qui dépasse tout sens et toute conception humaine ! Jamais nous ne pourrons nous faire une idée assez élevée de l’essence et de la réalité de son royaume c’est-à-dire de son Église, que ce soit celle du Ciel ou celle de la Terre, Église militante ou Église triomphante.

 

Vous aurez donc à prêcher à nos contemporains le Christ Roi, que bien souvent ils refusent parce qu’ils refusent sa divinité, parce qu’ils refusent son royaume c’est-à-dire son Église ; et c’est pourtant le seul salut pour l’humanité, pour les nations, pour les sociétés, pour les familles de se soumettre au joug doux et suave de notre Roi, au risque de périr !

 

Écoutons saint Jérôme : « Tous les royaumes, toutes les puissances et les dignités viendront au Christ, se soumettront à Lui et Lui offriront les dons d’une vie sainte, ce que nous voyons commencé dans les présents offerts par les Mages. »

 

C’est ce à quoi nous devons travailler inlassablement, à la suite de l’enseignement des plus grands papes de notre histoire : œuvrer dans l’Église du Christ pour répandre partout le royaume de notre Dieu trois fois Saint. Œuvrer pour une organisation du monde où toutes les nations, où toutes les sociétés, les corporations -comme nous le chantons dans l’hymne des vêpres de ce jour-, où toute les grandeurs humaines soient soumises au Christ et reconnaissent sa royauté : c’est la chrétienté, qui est bien plus -notez-le mes bien chers frères- que la civilisation. La civilisation est une plénitude d’ordre naturel ; la chrétienté, c’est la nature humaine transfigurée par l’incorporation au Christ.

 

Il ne faudrait pourtant pas confondre la chrétienté avec le royaume de Dieu. Le royaume de Dieu n’est pas de ce monde, mais il est dans ce monde, à l’intérieur des âmes, sans être du monde. La chrétienté était de ce monde, imparfaite et périssable comme lui, mais en soumettant ce monde au royaume de Dieu, elle le rendait habitable et lui donnait quelque chose de la paix du Christ qui est l’effet de son règne. La chrétienté, c’était le monde tourné vers le royaume de Dieu et marchant vers Lui. Aujourd’hui, par folie, par orgueil, nous avons perdu depuis longtemps la chrétienté et nous sommes maintenant en train de perdre la civilisation, pour entrer sous le règne terrifiant de Lucifer, qui gouverne par le fer, par le sang, par le feu.

 

Voilà en peu de mots ce que nous avons à affirmer, à témoigner.

Voilà en peu de mots ce qu’il nous faut combattre.

 

Opposons notre Roi à cette culture de la mort, brandissons à la face du monde l’étendard du Christ Roi.

Mais prenons bien garde, Il ne peut régner efficacement autour de nous s’Il ne règne d’abord en nous ; Il ne peut être proposé au monde comme Roi, si nous ne sommes pas déjà ses fidèles sujets ; son royaume ne peut se répandre si nous n’en sommes pas de zélés et saints propagateurs.

 

Que chacun de nous réfléchisse ce matin s’il ne sacrifie pas un peu à l’humeur du siècle en Le détrônant sans cesse. Règne-t-Il vraiment en nous ? Notre âme, nos pensées sont-elles bien toutes imbibées de l’odeur du Christ ? Sommes-nous soumis à son autorité suprême ? Avons-nous dans nos mœurs tout restauré dans le Christ ? Avec nos confrères, nos consoeurs, agissons-nous comme le Christ le ferait ? Nos communions fréquentes sont-elles vraiment une union avec notre divin Roi ? Nos confessions sont-elles telles qu’elles touchent le cœur de Dieu ? Nos prières, plus des louanges et des remerciements que des retours sur soi-même ? Nos cœurs tout désireux d’être auprès du sien et de brûler d’amour ? Tout court, je vous dirai : avant d’être le Roi de l’univers, de l’Église, du monde, est-il bien le vôtre ?

 

Et pour qu’Il le soit, il faut que nous disparaissions. « Il faut que je disparaisse pour qu’Il grandisse », proclamait saint Jean-Baptiste.

 

Pour conclure, laissez-moi vous citer sainte Marguerite-Marie dans son petit livre de conseils et de pensées pour tous les jours de l’année. En date du dernier jour du mois d’octobre, elle écrit : « Il n’y a aucune consolation pour moi que celle de voir régner le Cœur Royal de mon Adorable Sauveur, lequel me gratifie de quelques souffrances extraordinaires lorsque cette dévotion prend quelques accroissements ».

 

Puissions-nous donc à la suite de la sainte de Paray-le-Monial souffrir un peu plus pour que « Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat » !

 

Ainsi soit-il.