ICRSP

ŒUVRES

DE SAINT FRANCOIS DE SALES

 

Tome I. LES CONTROVERSES

 

Edition d’Annecy, 1892

 

 

 

INTRODUCTION GÉNÉRALE

 

 

L'auréole du Doctorat, en jetant un nouveau lustre sur les écrits de saint François de Sales, leur donne une autorité plus grande, leur imprime un caractère distinctif, une sorte de consécration. Le Vicaire de Jésus-Christ, distingue ce grand Saint comme une nouvelle lumière dans la multitude de pieux et illustres écrivains qui ont éclairé de leur science les dix-neuf siècles du Christianisme. Il le place au rang de ceux qui, « semblables à des flambeaux brillants et ardents, rayonnent sur le chandelier dans la Maison de Dieu[1]. » Désormais, d'après la parole du Souverain Pontife, aux Œuvres du nouveau Docteur est assuré le privilège spécial d'être « citées, produites et employées dans les Ecoles » comme répandant une vive clarté sur la croyance que l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine a pour mission d'enseigner à ses enfants.

 

Le désir de correspondre aux intentions et aux décisions d'une aussi sainte autorité fut le premier inspirateur de la présente Edition. Il importe, en effet, que la doctrine proposée aux fidèles soit aussi complète que possible, et offre un texte absolument authentique, débarrassé de tout alliage : d'une part, les enfants de l'Eglise, empressés de suivre l'impulsion donnée par leur Mère, réclament les plus petites parcelles de ce précieux trésor ; d'autre part, les moindres atomes de substances étrangères doivent être éliminés de l'or pur de ce riche fonds d'enseignement.

 

On a le droit d'attendre une exactitude plus rigoureuse d'un texte destiné à l'étude, appartenant à la science, que d'un livre où l'homme privé, le fidèle, va chercher la dévotion et la vie spirituelle. Les éditions précédentes ne sont plus à même de satisfaire à la nécessité qui s'impose à l'heure actuelle : elles reproduisent assez fidèlement, il est vrai, les ouvrages publiés par le Saint lui-même, mais ceux-ci ne représentent que la quatrième partie de ses Œuvres ; un bon nombre sont encore inédites, et la plupart des écrits posthumes de notre grand Docteur exigent une exacte et soigneuse comparaison avec les originaux, vérification indispensable pour assurer leur parfaite authenticité. Le principal de ces ouvrages, les Controverses, est encore inconnu dans son excellence réelle, tellement il a été défiguré jusqu'ici par l'incompétence du premier éditeur : cette lacune est d'autant plus regrettable qu'elle n'a pas permis d'apprécier à sa juste valeur la science doctrinale du saint Evêque de Genève ; ses œuvres ascétiques même perdent une partie de leur vigoureuse efficacité si elles ne sont appuyées par leurs bases sur ce grand traité fondamental.

 

Telles sont les raisons qui ont déterminé l'Edition complète des Œuvres de saint François de Sales. Il reste à présenter aux lecteurs les titres de crédit de celles qui l'offrent au public, en témoignage de filiale vénération envers leur bienheureux Père et Fondateur. Ces titres seront brièvement énoncés, et, pour le dire en un mot, ils consistent presque exclusivement dans la possession des manuscrits originaux.

 

Entreprendre une telle publication, c'est évidemment jeter quelque ombre sur les éditions antérieures, mais non atteindre d'un blâme leurs auteurs : les éléments de ce grand travail leur ont fait trop souvent défaut. Il n'en est pas de même des Religieuses du Ier Monastère de la Visitation Sainte-Marie d'Annecy : le dépôt original était entre leurs mains, et, malgré les diverses circonstances qui ont amené la dispersion partielle de ce précieux trésor, une partie considérable leur en est demeurée. De plus, depuis bientôt trois siècles, les diverses Maisons de l'Institut recueillent partout où elles peuvent les rencontrer, avec une pieuse avidité et une filiale jalousie, les moindres fragments de ce bien de famille, et leurs relations continuelles avec la Sainte Source facilitent grandement les recherches de ce premier Monastère de l'Ordre. Les Religieuses de la Visitation d'Annecy sentent toute la responsabilité qui pèse sur elles, de satisfaire aux aspirations légitimes des admirateurs de leur bienheureux Père. Placées auprès de son glorieux tombeau, au centre du culte et de la dévotion envers ce grand Docteur, encouragées et stimulées par les désirs et l'approbation de leur digne Evêque, Mgr Isoard, le vénéré successeur de saint François de Sales, tout semble favoriser leur filiale entreprise. Chaque jour amène de nouvelles découvertes de documents importants ; partout des secours intelligents leur sont offerts ; l'ardent désir qu'elles ont d'augmenter la gloire accidentelle de leur saint Fondateur, par la diffusion de ses écrits, ne leur permet plus de reculer. Elles sont résolues à n'épargner aucune peine, à ne s'arrêter devant aucune difficulté, jusqu'à ce qu'elles soient parvenues à élever un impérissable monument à la bienheureuse mémoire de Celui dont elles ont reçu « les lois de leur bonheur ».

 

Les Filles de saint François de Sales ne prétendent à d'autre mérite qu'à celui de reproduire les écrits du nouveau Docteur dans leur primitive beauté : la part qu'elles s'attribuent dans cette œuvre est la patience, la scrupuleuse fidélité ; elles ont été heureuses de bénéficier des travaux entrepris par tous ceux qui ont cherché à répandre la doctrine de leur bienheureux Père, et elles s'efforceront d'utiliser les leçons de leur expérience.

 

Après ces réflexions préliminaires, il convient de revenir au but de cette Introduction : donner un aperçu général des Œuvres du saint Docteur. Pour se faire une juste idée du mérite et de la portée de ces admirables écrits, il est indispensable de les envisager sous tous les points de vue. La première partie traitera de la formation intellectuelle et morale du saint auteur, et des circonstances qui ont amené et favorisé la production de ses ouvrages ; la seconde, en fera ressortir les caractères généraux et particuliers ; dans la troisième partie on examinera les éditions précédentes, et la quatrième donnera le plan de la présente publication.

 

 

I

 

Formation intellectuelle de saint François de Sales

 

Aperçu historique de ses Œuvres

 

 

Pour bien saisir la nature et la corrélation des Œuvres de saint François de Sales, il est nécessaire de les étudier parallèlement avec l'Histoire de sa vie. Le saint Evêque de Genève était essentiellement communicatif, et l'on peut dire de lui, plus peut-être que d'aucun autre Docteur de l'Eglise, que ses écrits découlent spontanément de ses actions, et des évènements dont le cours s'est trouvé mêlé à celui de son existence. Il ne suffit pas de considérer la seule période de sa vie en laquelle ses principaux ouvrages ont vu le jour : pour apprécier leur excellence, pour voir l'homme plus grand que ses œuvres, il faut connaître les qualités naturelles du Saint, les circonstances de sa naissance les caractéristiques de son pays et de son époque.

 

L'histoire de son éducation, qui est pour ainsi dire celle de la formation de son esprit et de son cœur, offre surtout un spécial intérêt : c'est l'aurore de la mission du Docteur, où l'on voit poindre les premiers feux de son génie. Ces considérations générales demandent à être développées au début de cette Introduction.

 

François de Sales, issu d'une famille noble, naquit à Thorens (Savoie), l'an 1567[2]. Cette date rappelle une période importante d'un siècle qui occupe une si grande place dans la civilisation moderne. Le torrent de révolution religieuse et sociale dont les flots dévastateurs avaient envahi l'Europe, perdait son impétuosité par la mort des premiers réformateurs. Sans doute, les régions du Nord, une partie de la Suisse et la ville de Genève avaient été soustraites à l'unité religieuse, mais l'Eglise reprenait ses droits, et contenait désormais par de puissantes digues les vagues menaçantes. Elle s'était assuré la fidélité de l'Italie, de l'Autriche et de la péninsule Ibérique, et regagnait le terrain pied à pied, en certaines contrées qui n'avaient cédé qu'à la violence ou à la surprise. La France commençait les trente années de luttes intestines par lesquelles elle devait affirmer son existence comme nation catholique. L'erreur n'avait pas pénétré en Savoie, si l'on en excepte la frontière septentrionale, confinant avec Genève, et en butte aux attaques de la Suisse protestante. Allié politiquement avec l'Italie et l'Espagne, ce pays était imprégné d'une vigoureuse sève catholique, que le voisinage de l'hérésie, loin d'affaiblir, tendait plutôt à fortifier ; et, d'autre part, le triste tableau des malheurs de la France, à laquelle l'unissent la situation, le langage, la littérature et cent autres affinités, rendait plus sensibles à tous les cœurs les bienfaits de l'unité religieuse dans la foi orthodoxe.

 

La Savoie avait acheté par bien des luttes cette paix et cette prospérité que devait lui assurer, quelque temps encore, la paternelle administration d'Emmanuel-Philibert. M. de Boisy, père de notre Saint, avait suivi son Prince à la guerre et à la victoire, et revenait avec lui à son pays natal. Résidant désormais au château de Thorens, situé dans la solitaire vallée de ce nom, il remplissait noblement, mais sans ostentation, les devoirs d'un seigneur chrétien, consacrant les fruits de son expérience au bien de sa famille et de tous ceux qui dépendaient de lui. Madame de Boisy rivalisait avec son époux dans la pratique de toutes les vertus, et surtout dans la piété envers Dieu et la charité envers les pauvres ; mariée fort jeune et privée pendant sept ans des joies de la maternité, elle accueillit François, son premier-né, comme un dépôt sacré que lui confiait le Seigneur.

 

L'enfant reçut, avec les bénédictions prévenantes de la grâce, les plus riches dons de la nature : une âme impressionnable comme un luth à toutes les influences religieuses, ouverte aux grandes pensées et à tous les sentiments purs et élevés, une intelligence vive et pénétrante, une imagination de poète, un cœur tendre et sympathique. Non moins admirable que ces qualités elles-mêmes était la proportion, l'harmonie qui existaient entre elles : la résistance des puissances modératrices équilibrait l'activité des forces créatrices ; une douceur et une docilité parfaites tempéraient l'ardeur martiale qu'il tenait de son illustre race ; la fertilité de l'imagination ne nuisait aucunement en lui à l'exactitude d'appréciation d'un esprit observateur ; son exquise sensibilité s'alliait à cette sobriété, cette solidité de jugement, apanage particulier du caractère savoyard. Les charmes extérieurs de sa personne rayonnaient la lumière intérieure de la grâce qui illuminait son âme.

 

En suivant le développement des dons intellectuels du jeune François de Sales, il faut tenir compte de la secrète, mais puissante influence que devait exercer sur lui le spectacle de l'admirable nature au milieu de laquelle s'écoula la plus grande partie de son existence. L'aspect grandiose des montagnes neigeuses s'étageant en amphithéâtre, la douce vie rurale s'abritant dans leurs plis ; les flots argentés des cascades se détachant sur les sombres couleurs des gorges boisées ; plus bas, les fertiles vallées ou les lacs d'azur dormant entre leurs rives verdoyantes ; - de semblables tableaux se rencontrent à chaque pas dans la pittoresque Savoie, et, tour à tour, Thorens, La Roche, Annecy, Ballaison, les Allinges, Chamonix offrent ces ravissants points de vue qui élevaient, nourrissaient, stimulaient l'âme et l'imagination de notre Saint; lui-même parle des beautés de son pays comme de l'une des sources principales de son inspiration[3].

 

Ce fut à la piété et à la sollicitude de sa mère que le futur Docteur dut son initiation à la science et à la sainteté ; aussi, dans son analyse de droit civil à Padoue, se plaît-il à la nommer, par un élan de filiale tendresse : Optima et carissima et prudentissima mater. De concert avec M. Déage, digne ecclésiastique des environs, elle l'instruisit d'une manière complète et méthodique des sublimes mystères de notre foi et des faits importants de l'Histoire Sainte, base de toute sagesse ; et à peine François avait-il appris la leçon de chaque jour, qu'assemblant les enfants du village il se hâtait de leur communiquer les vérités saisies par sa jeune intelligence. Aux premières études, la science du maître est moins nécessaire que l'application de l'élève ; toutefois, M. de Boisy ne négligea rien pour cultiver les dispositions de son fils et lui procurer les meilleurs moyens d'éducation qu'offrait son pays natal. Après deux ans passés au collège de La Roche, où l'avaient précédé le bienheureux Pierre Le Fèvre et le P. Claude Le Jay, François dut, sous la tutelle de M. Déage, suivre les classes du collège nouvellement établi à Annecy ; il y passa environ quatre ou cinq années, jetant les fondements de sa profonde connaissance de la langue latine et de son idiome maternel. Son éloquence naturelle s'exerçait par de fréquentes déclamations ; et, dès lors, pendant les longues soirées d'été, tandis que ses condisciples se livraient aux bruyants divertissements de leur âge, notre jeune écolier se familiarisait avec la vie des Saints ; déjà, il confiait à de « petits livrets manuels[4] » le fruit de ses lectures et les réflexions qu'elles lui inspiraient.

 

Les espérances que donnait François déterminèrent M. de Boisy à l'envoyer continuer ses cours supérieurs à Paris, l'un des grands centres d'études de l'époque : il y résida de 1581 à 1588[5]. Il ne sera pas inutile de jeter ici un regard rapide sur l'état intellectuel et religieux du milieu où s'écoulèrent les années les plus importantes de son éducation.

 

Les crimes commis alors par les personnages les plus en vue de la capitale font trop oublier la richesse de sa vie chrétienne. Dans une aussi nombreuse réunion d'hommes de toute sorte, il y avait sans doute beaucoup de mal, amené à la surface par l'exemple et la sanction d'une cour corrompue ; mais le bien, quoique moins apparent, était réel et fécond. Montaigne rappelle dans son journal de cette même année 1581, que l'espagnol Maldonat avait coutume de dire à ses élèves du Collège Romain qu'il y avait « plus d'hommes vraiment religieux en la seule ville de Paris qu'en toute l'Espagne ensemble. » L'hérésie et la fausse morale avaient été bannies de l'enseignement des chaires publiques, et des professeurs dont la piété égalait la science en occupaient plusieurs ; d'excellents pasteurs se dévouaient avec succès à la garde des brebis fidèles et à la recherche des égarées ; la discipline florissait en plusieurs monastères ; la cour même renfermait des âmes d'élite, et donnait de loin en loin d'éclatants exemples de pénitence et d'expiation.

 

Au milieu de cette société, notre jeune gentilhomme, sous le contrôle de son gouverneur, jouissait d'une certaine liberté et formait d'importantes relations[6]. Tout en ayant pris la détermination d'embrasser l'état ecclésiastique, et de n'envisager les choses transitoires qu'à la lueur de l'immuable éternité, il ne menait pas une vie retirée ; l'expresse volonté de M. de Boisy était que son fils aîné fréquentât la bonne société et se perfectionnât dans toutes les connaissances convenables au rang que lui assignait sa naissance. Ce n'est donc pas entre les murs du Collège de Clermont qu'il faut le considérer à cette époque de sa jeunesse : le saint jeune homme en suivait les cours, et sa vie spirituelle et intellectuelle s'y rattache essentiellement, mais il n'y résidait pas comme interne. Il poursuivait dans le monde l'accomplissement des desseins de Dieu sur son âme, en acquérant une science bien autrement utile que la rhétorique ou la philosophie ; c'était l'humanité qu'il apprenait à connaître avec ses coupables faiblesses, ses profondes misères et ses immenses besoins ; déjà son grand et noble cœur répondait à la compassion divine, source toujours jaillissante des œuvres que le zèle lui inspirera. Ces paroles ne doivent pas sembler excessives eu égard à la jeunesse de notre Saint ; les hommes d'alors arrivaient à la maturité plus rapidement que de nos jours. La docilité presque enfantine de François envers ses supérieurs provenait de la virilité de sa vertu plutôt que de la conscience de sa faiblesse. Celui que nous considérons à vingt ans, sera, Prévôt du Chapitre de Genève à vingt-cinq, et aura imprimé un nouvel élan à la foi catholique de son pays ; il n'aura pas trente ans que déjà l'Eglise lui devra les Controverses et la conversion du Chablais. Ajoutons enfin que la grâce devançait l'œuvre de la nature, car ce jeune homme était un Saint. Il est d'autant plus important d'insister sur cette considération, que la sainteté avait non seulement donné une impulsion, mais un but spécial aux études de François de Sales, tandis que ses dispositions intérieures lui méritaient les grâces célestes et la tendre protection de Celle que l'on se plaît à nommer « le Trône de la divine Sagesse ». Et, même à un point de vue tout humain, rien ne pouvait être plus favorable à la culture de l'esprit du jeune étudiant que sa conduite austère, recueillie, la retenue, la modération qu'il s'imposait sans cesse.

 

            La vie intellectuelle de la capitale était arrivée au plus grand épanouissement qu'elle dut atteindre au XVIe siècle : l'établissement du Collège Royal en 1535 et du Collège de Clermont en 1550 avait rendu à la vieille Université la vigueur et l'animation. Perionius, en ramenant la vraie philosophie, releva la langue latine ; Pierre Danès et Jacques Billy en firent autant pour le grec ; Vatable, suivi et même surpassé par Génébrard, y introduisit l'enseignement de l'hébreu, avec l'étude critique des Saintes Ecritures ; Maldonat rendit la chaire de théologie du Collège de Clermont l'une des plus illustres de la Chrétienté. Les défauts de Ronsard et de son école, les erreurs de Ramus, n'avaient pas empêché l'essor, qu'avec d'autres, ces auteurs donnèrent à l'étude de l'éloquence et de la littérature française : les Vies d'Amyot parurent en 1559 et les Essais de Montaigne en 1580. Une fièvre d'étude et de publication s'était emparée des écoles parisiennes - « Ses toits mêmes et ses murailles semblent vouloir philosopher, » disait le Saint[7]. Génébrard, parlant de l'achèvement du Collège des Grassins en 1577, écrivait[8] : « Et ainsi il se trouve à Paris cinquante-quatre collèges ; l'histoire ne parle peut-être d'aucune autre académie qui en ait eu autant, et de si insignes. »

 

            Parmi ces collèges, celui de Clermont fut le plus illustre : on y rencontrait, mieux que partout ailleurs, l'enseignement religieux et scientifique le plus éclairé, sans qu'on eût à y redouter, pour la foi et les mœurs, les dangers dont certains autres établissements n'étaient pas exempts. Dans ce Paris, et surtout dans le Paris des jésuites, l'esprit de François reçut une empreinte ineffaçable. Ce ne fut pas sans un dessein spécial de la divine Providence que, pendant les années les plus dangereuses de sa vie, à Paris comme à Padoue, le jeune étudiant dut suivre la direction de ces hommes aussi pieux que savants. Sans doute, il y avait en lui cette force qui eût triomphé des circonstances les plus défavorables, on ne peut oublier non plus ce qu'il dut à Pancirole, Génébrard et à d'autres professeurs ; mais aux jésuites appartient l'honneur principal de sa formation. Ils étaient alors dans l'élan glorieux de leurs premiers jours, également recommandables par l'admiration des bons et la haine des mauvais ; Montaigne dit en parlant du Collège Romain en 1581 : « Ils possèdent bientôt toute la Chrétienté, c'est une pépinière de grands hommes en toute sorte de grandeurs. »

 

            François cultiva l'éloquence et perfectionna ses études littéraires sous les PP. Castori et Sirmond, et devint un latiniste consommé ; mais il semblerait ne s'être pas familiarisé avec le grec au-delà de ce qui lui était utile pour la parfaite intelligence du Nouveau Testament. Il étudia la philosophie pendant quatre ou cinq ans sous les PP. Jean-François Suarez et Jérôme Dandini, le grand commentateur d'Aristote. C'était pour de semblables études et pour acquérir tout ce qui pouvait lui assurer de brillants succès dans le monde que M. de Boisy l'avait envoyé à Paris ; mais le saint jeune homme ne trouvait pas dans la philosophie un aliment capable de satisfaire pleinement son esprit et son cœur. Il avait soif de connaître Dieu d'une manière plus excellente ; et, aussitôt qu'il put en obtenir la permission de son gouverneur, il se jeta, avec toute l'ardeur de son âme dans l'étude de la théologie, des Saintes Ecritures et des Pères. A Paris, disait-il, j'ai appris plusieurs choses « pour plaire à mon père, et la théologie pour me plaire à moi-même. » Son professeur dans les lettres sacrées fut Génébrard, au Collège Royal[9]; il lui enseigna également les éléments de la langue hébraïque, et gagna, par son cœur chaleureux et sa science profonde, l'amour et l'admiration de son jeune élève. L'histoire n'a pas gardé le souvenir du nom de ses professeurs de théologie morale et de théologie positive ; les PP. Gordon-Huntley, Tyrius et Saphore enseignaient le dogme et la morale au Collège de Clermont. Ces maîtres, et d'autres encore, mettaient sans doute leur érudition à son service; M. Déage lui communiqua ses notes, et le fit assister aux disputes théologiques de la Sorbonne. Toutefois, il s'était surtout instruit lui-même et avait puisé la science sacrée à ses propres sources : les Saintes Ecritures, les Œuvres des Pères et des grands Scolastiques. La terrible tentation de désespoir, qui devait faire époque dans sa vie, donna une direction particulière aux recherches de son esprit et, pendant plusieurs années, ce fut avec une sorte de passion qu'il étudia les profonds mystères de la grâce.

 

            Les Œuvres de cette période de sa jeunesse consistent principalement en certaines études philosophiques latines que l'on pourrait appeler Essais sur l’Ethique chrétienne, et quelques Observationes Theologicæ, selon la dénomination du Procès De non-cultu de 1648[10]. On reviendra plus tard sur ce dernier travail qui fut continué à Padoue ; quant aux Essais sur l'Ethique, on en connaît deux volumes manuscrits, qui portent les dates de 1585 et 1586. Outre leur importance intrinsèque, ils ont le spécial intérêt de montrer la manière de travailler et la maturité précoce de l'intelligence du futur Docteur - celui-ci expose les principes d'Aristote et des autres philosophes païens sur des sujets tels que la béatitude, le devoir, la fin de l'homme ; puis il éclaire, corrige, supplée par des enseignements tirés de la Sainte Ecriture et des moralistes chrétiens.

 

            Rien ne semblait manquer à l'éducation du jeune gentilhomme, mais M. de Boisy voulait que son fils pût légitimement aspirer aux plus hautes fonctions de la magistrature ; aussi se détermina-t-il à lui faire prendre le grade de docteur en droit à l'Université de Padoue. Cette université, pour l'enseignement de la jurisprudence et de la médecine, jouissait d'une réputation européenne. C'était l'Athènes de la grande République vénitienne, qui n'épargnait aucun frais pour donner de l'éclat au siège principal de sa vie intellectuelle ; des émoluments considérables et des distinctions éclatantes y attiraient les maîtres les plus célèbres. L'usage d'assigner pour chaque science deux professeurs, l'un indigène, l'autre étranger, et la présence de plusieurs corps enseignants excitaient une émulation extraordinaire; la réunion d'environ vingt mille étudiants au milieu d'une population de soixante mille âmes donnait à la ville de Padoue un aspect studieux qui devait nécessairement stimuler au plus haut point l'activité de l'esprit. Quarante monastères, parmi lesquels on distinguait la Maison Mère des Bénédictins réformés d'Italie, le grand Couvent franciscain attaché à l'église de saint Antoine de Padoue (il Santo), et le Collège des jésuites, provoquaient un courant vigoureux de vie spirituelle, et facilitaient aux étudiants vertueux la résistance contre l'entraînement des plaisirs et la dissolution des mœurs.

 

            Plus que jamais, le Saint se livra au travail : arrivé à Padoue dans l'automne de 1588, ou peut-être au printemps de 1589, il prit ses grades en droit canon et en droit civil le 5 septembre 1588, avec le plus brillant succès, bien qu'il poursuivît ses études jusqu'en janvier 1592[11]. Ses maîtres en jurisprudence furent principalement Pancirole, Mattheaci et Jacques Menochius l'ancien ; secondairement, Castellanus, Trevisanus, Otellius et Saxonia. On ne trouve pas de traces de la continuation de ses études en littérature ancienne ; mais au pays classique des Muses et au foyer de la Renaissance, son style et son goût durent nécessairement acquérir de l'élévation et de la pureté. La langue italienne lui devint familière, et plusieurs fragments intéressants de littérature espagnole, avec quelques mots explicatifs italiens intercalés entre les lignes du texte, montrent qu'il ne négligea pas l'idiome de cette grande nation avec laquelle son propre pays entretenait alors des rapports si intimes. Ses connaissances en histoire naturelle et en médecine datent probablement, en grande partie, de son séjour à l'Université de Mattioli.

 

            Mais, à Padoue comme à Paris, l'application que François apportait aux études profanes, de l'ordre même le plus élevé, était bien inférieure à celle qu'il donnait aux sciences sacrées ; c'est à l'acquisition de ces dernières qu'il tendit de toutes ses forces, et consacra la plus grande partie de son temps. L'opuscule connu sous le nom de Combat spirituel doit être rappelé ici comme l'une des bases fondamentales des principes ascétiques de notre Saint. « Il porta ce petit volume dans sa pochette l'espace de seize à dix-sept ans[12], » c'est-à-dire jusqu'à la publication de l'Introduction à la Vie dévote, et, pendant tout ce laps de temps, il s'en était prescrit chaque mois la lecture intégrale[13].

 

            Il faut encore signaler une influence qui devait exercer un remarquable empire sur le cœur et l'esprit du jeune étudiant. L'illustre Possevin -fixa sa résidence à, Padoue pendant une notable partie du séjour qu'y fit notre Saint, et, admirant en lui les dons merveilleux de la nature et de la grâce, il comprit de suite quels services immenses l'Eglise pouvait en attendre ; non seulement le célèbre jésuite accepta volontiers la direction spirituelle de François de Sales, mais il lui communiqua, autant qu'il lui fut possible, tout ce qu'il avait acquis de science et d'expérience des hommes. Déjà notre Saint possédait une connaissance profonde des Saintes Ecritures et des Pères de l'Eglise; pour la théologie il suffisait de lui en indiquer les sources, et depuis longtemps saint Thomas, Scot et saint Bonaventure lui étaient familiers. Mais l'auteur de 1'Apparatus Sacer et de la Bibliotheca selecta pouvait lui apprendre beaucoup sur la valeur des livres et de leurs auteurs, et bien plus encore, sur les moyens à employer pour sauvegarder les intérêts du service de Dieu et de la religion au milieu du tourbillon des affaires politiques et mondaines. On ne saurait assez apprécier l'avantage que 1e saint jeune homme dut nécessairement retirer de ses relations familières avec le conseiller et l'ambassadeur des Papes et des Rois, le défenseur prudent et intrépide des intérêts spirituels et temporels de la France, l'homme dont la sagesse consommée avait effectué, dans les vallées du Piémont, des merveilles de conversion dignes d'être comparées à celles que la divine Providence préparait au futur Apôtre du Chablais.

 

            Il existe trois monuments des progrès que notre Saint fît dans les sciences et la sainteté sous une telle direction. C'est en premier lieu l'admirable Règle de conduite qui sortit seulement alors de sa plume, mais qui était sans doute depuis longtemps la base de ses actions. Parmi ses écrits ascétiques il en est peu d'aussi remarquables : ce règlement condense en quelques pages les premiers principes et les pratiques fondamentales de son système de spiritualité, formant une ébauche de la Vie dévote et du Directoire spirituel, exhalant d'avance les suaves parfums du Traité de l'Amour de Dieu.

 

On ne retrouve pas de traces directes des études de François de Sales en droit canon, bien que leur influence se fasse sentir presque à chaque page de ses écrits. Pour en comprendre pleinement la nature et la solidité, quelques notions de cette branche importante de la science ecclésiastique seraient nécessaires. Quant au droit civil, il existe de lui, en latin, une analyse des Pandectes, commencée vers la fin de 1590 et terminée le 10 juillet 1591, suivie d'une analyse de sept livres du Code : c'est le second des ouvrages mentionnés plus haut. Les notes sont brèves, mais elles montrent une minutieuse considération du texte et de la glose ; il ajoute les remarques des anciens commentateurs, celles de ses professeurs actuels et quelques rapprochements entre le droit Canon et « les Controverses du grand Bellarmin ». Souvent on y rencontre un mot de fine critique, et plus souvent encore, une remarque qui, au milieu de ces froides annotations, est toute une révélation intime de l'âme du Saint. Ainsi, de loin en loin, une exclamation lui échappe : c'est une louange à Dieu, « la Règle infaillible, rectissime, première et éternelle de tout bien et de tout droit ». A chaque division principale du sujet, il invoque la Très Sainte Vierge, son bon Ange et ses saints Patrons ; il transcrit tout au long les preuves de l'autorité du Pape, des honneurs dus à la Croix, de la détestation de l'hérésie; et à la fin de tels passages, il s'exclame « Regardez, hérétiques ! » OU, « Voilà, Iconoclastes » Ses sympathies instinctives pour les intérêts matériels de l'humanité et les grandes questions de moralité publique s'expriment avec non moins de vivacité : après avoir noté les pénalités sévères réservées aux oppresseurs, exploiteurs, corrupteurs de la jeunesse, il ajoute : « Titre d'or ! » ou encore, «Titre à écrire en majuscules ! » Souvent il rappelle avec une profonde pitié les dissensions religieuses de la pauvre France, déchirée par les luttes de la succession au trône.

 

            Le troisième ouvrage de cette période des études de François de Sales est celui dont il a déjà été question, les Observationes Theologicæ commencées à Paris. Au moment du Procès De non-cultu de 1648, six cahiers de ces notes, « écrites en caractères extrêmement fins », et tirées des Archives du Ier Monastère de la Visitation d'Annecy, furent présentés à l'examen ; on se contenta d'en prendre quelques extraits, le notaire remarquant « qu'il faudrait six mois pour tout copier ». On ne retrouve aujourd'hui que ces extraits et quelques fragments de l'autographe : il y est traité exclusivement des questions de la grâce et de la prédestination, et ils sont du plus haut intérêt. Quelques-unes de ces observations sont inspirées au pieux étudiant par les leçons de ses maîtres et directeurs ; la plupart sont le fruit de ses réflexions[14]. Il dit lui-même en un de ces cahiers : « Ce qui est placé entre ces signes, je le tiens du Père Gesualdo ; le reste je l'ai moi-même médité devant le Seigneur. » Plus loin se trouve cette remarque frappante : « Tout ceci je l'ai écrit pour l'honneur de Dieu et la consolation des âmes. » Ailleurs se rencontre le passage souvent cité : « Toutes ces choses soient dites avec doute (Hœc omnia forsan), prosterné aux pieds des Bienheureux Augustin et Thomas, » etc.    

            Les lignes suivantes, tirées d'un autre cahier, terminent dignement ce court aperçu de l'éducation de notre Saint ; elles montrent combien la foi et l'humilité avaient jeté de profondes racines dans son âme, et quel esprit éminemment sérieux présidait à toutes ses études : « Ces choses je les ai écrites avec crainte et tremblement, en l'année 1590, le 15 décembre, étant prêt à abandonner non seulement les conclusions, que j'ai prises ou prendrai, mais la tête même qui les a conçues, pour embrasser l'opinion qui est, ou qui sera à l'avenir, adoptée par l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, ma Mère et la colonne  de vérité, et jamais je ne dirai aucune chose, tant que Dieu me donnera l'intelligence, que ce qui sera le plus conforme à la foi Catholique. Car j'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, et non, j'ai parlé parce que j'ai cru ; ce qui vient à dire : la foi doit être la règle de la croyance ; mais que l'humilité soit la conclusion de tout, et je suis grandement humilié. Amen, Amen. Le premier mois du Pontificat de notre très saint Seigneur, Grégoire XIV[15]. »

 

            François de Sales revint à son pays natal pendant l'été de 1592, après avoir visité Rome et les principales villes d'Italie. Ses talents naturels avaient atteint leur complet développement, grâce à un travail soutenu, aux ressources exceptionnelles dont il avait été favorisé, grâce surtout aux illuminations surnaturelles de sa précoce sainteté. Son cœur pur et affectueux comme à l'âge où, tout petit enfant, il recevait les baisers et les leçons de sa mère, était maintenant embrasé de la plus généreuse et ardente charité. La sévère abnégation de lui-même avait réduit en telle sorte sa fougue naturelle qu'elle s'était transformée en une forte et persévérante douceur, accompagnée d'un zèle de feu pour la destruction du vice et l'avancement du règne de Dieu. Son ardeur intellectuelle ne devait pas se borner aux brillantes études universitaires : Deshayes témoigne[16] lui avoir entendu dire qu'après avoir reçu les saints Ordres « il allait continuellement prêcher par les villages pour instruire le pauvre peuple et se perfectionner dans la prédication » ; même étant Evêque de Genève, malgré les travaux accablants de la charge pastorale, il consacrait chaque jour deux heures à l'étude de la théologie. Chacun de ses actes renforçait la faculté productrice , et les grandes leçons de l'expérience lui étaient familières ; il le dit lui-même dans la préface de cet incomparable Traité de l'Amour de Dieu,  résumé et couronnement des travaux spirituels et intellectuels de toute sa vie : « J'ai touché quantité de points de théologie, mais sans esprit de contention, proposant simplement, non tant ce que j'ai jadis appris dans les disputes, comme ce que l'attention au service des âmes et l'emploi de 24 années en la sainte prédication m'ont fait penser être plus convenable à la gloire de l'Evangile et de l'Eglise. »

 

            Il resterait à étudier les résultats d'une préparation aussi complète, mais ce serait dépasser le but de cette Introduction. La publication des ouvrages du grand Docteur donnera souvent l'occasion de revenir sur sa personnalité si attachante ; car le rayonnement de cet idéal de perfection s'étend sur le moindre comme sur le plus important de ses écrits. Il suffira, pour le moment, d'esquisser à grands traits les lignes principales de la vie de saint François de Sales, au point de vue de l'influence que les événements qui les produisent et les tracent ont exercée sur les travaux de sa plume apostolique.

 

            A son retour d'Italie, le saint jeune homme, reçu avec grande joie au foyer paternel, l'édifia un an à peine par ses fortes et aimables vertus. Réalisant bientôt le choix que son cœur avait fait depuis longtemps, il dit adieu à toutes les espérances d'un brillant avenir, afin de posséder exclusivement le Seigneur comme la Part de son héritage. N'étant encore que sous-diacre, il dresse les remarquables Statuts de la Confrérie de la Sainte Croix, et, dès cette époque, on peut signaler comme prémices de son zèle plusieurs Lettres et Sermons.

 

            Deux sphères d'action bien distinctes se partagent désormais l'existence de notre Saint, et leurs diverses influences s'étendent sur les productions de son génie et de sa piété : comme Apôtre du Chablais il est envoyé aux brebis égarées, avec mission de les ramener au bercail; comme Evêque de Genève ses soins doivent surtout être consacrés aux brebis fidèles, bien que, durant toute sa vie, il acquière des droits sans cesse renaissants aux titres de défenseur de la foi et de vainqueur de l'hérésie. De là, deux grandes divisions dans les écrits du saint Docteur : ses Œuvres polémiques, qui appartiennent plus particulièrement au début de sa vie sacerdotale, et ses Œuvres ascétiques, fruits de l'expérience et des belles et pleines années de son âge mûr. Cette dernière dénomination comprend tout ce qu'il écrivit pour le bien des âmes comme Evêque, prédicateur, directeur spirituel et maître de la vie intérieure.

 

            A la période de la mission du Chablais (1594-1598) se rattache la composition de deux ouvrages de grande importance. Les Controverses, écrites sur des placards ou feuilles volantes destinées à être communiquées de main en main parmi le peuple, datent des premiers temps du laborieux apostolat de François de Sales. La Défense de l'Étendard de la Sainte Croix fut composée dès l'année 1598, bien qu'elle n'ait été publiée qu'en 1600. Le Saint écrivit encore à la même époque un Traité sur la Démonomanie, des Dissertations sur la Sainte Eucharistie et sur la Virginité de la Sainte Vierge, et plusieurs Sermons, Lettres et Mémoires. Le Premier titre du Code Fabrien, commencé à cette époque, ne fut terminé qu'en 1605[17].

 

            Avec le séjour de saint François de Sales à Paris en 1602, s'ouvre la série des nobles travaux que lui fit entreprendre son zèle infatigable envers les fidèles enfants de la sainte Eglise. Cette ville, qui avait eu l'honneur de jeter dans l'âme du futur Docteur les premières semences de la science sacrée, avait le droit d'être la première à moissonner les gerbes de ses enseignements ascétiques. Le Roi et ses courtisans, aussi bien que le peuple, furent subjugués par la merveilleuse éloquence du Coadjuteur de Genève et, dès lors, les personnes les plus adonnées à la vie intérieure se rangèrent sous sa direction[18]. Sans doute ; ses instructions étaient surtout orales, et, comme documents de cette importante période, on ne retrouve guère aujourd'hui que l'Oraison funèbre du duc de Mercœur et le Sermon du jour de l'Assomption ; mais la correspondance de notre Saint, aussitôt après son retour à Annecy, et en particulier sa Lettre aux Filles-Dieu, indique assez clairement quel avait été le caractère de ses enseignements. La fin de cette mémorable année devait être signalée par un des événements les plus marquants de la vie de saint François de Sales sa consécration épiscopale, le 8 décembre 1602. Pendant la retraite préparatoire à son sacre, il rédigea le Règlement de vie qu'il s'imposa dès lors comme Evêque de Genève : ce document renferme en peu de pages une profonde substance.

 

A partir de cette époque les écrits de notre Saint se subdivisent encore en deux courants distincts : la correspondance et les enseignements publics ou officiels ; les lettres intimes et les instructions privées. Le premier comprend : l'Avertissement aux Confesseurs, publié à la suite du synode tenu en octobre 1603 ; plusieurs décrets synodaux, des lettres et d'autres documents concernant l'administration du diocèse ; le Rituale Sacramentorum, publié en 1612, dans lequel se trouvent comme enchâssés le Formulaire du Prosne et quelques autres pièces de peu d'étendue.

 

            Son action comme maître de la vie intérieure et directeur des âmes est surtout saillante dans sa correspondance privée, qui prit des proportions de plus en plus considérables à mesure que le cercle d'influence du saint Evêque s'élargissait davantage ; elle en vint à remplir une notable partie de son temps. De cette multitude de lettres on n'a encore retrouvé que seize cents environ, dont la plupart traitent de sujets de spiritualité ; c'est aussi la matière d'un bon nombre de « petits avis » et autres « écrits dressés pour la conduite des âmes[19] ». Ces avis et lettres spirituelles s'adressent à deux classes de personnes : celles que l'habile Directeur conduit par les voies ordinaires, et celles qu'il s'efforce de nourrir « des sentiments plus délicat de la dévotion[20] ». Les deux admirables traités, qui demeureront à jamais les chefs-d’œuvre de la science et du génie du saint Auteur, présentent la même démarcation sous la forme la plus gracieuse et la plus élevée : l'Introduction à la Vie dévote est l'essence de ses enseignements aux âmes qui tendent à la vraie et solide piété, le Traité de l'Amour de Dieu, à l'échelle de ceux qui aspirent à la perfection[21].

 

            Ces conseils de perfection furent surtout adressés par le saint Prélat à ses Filles de la Visitation, et ce fut encore pour elles qu'il écrivit la Déclaration mystique du Cantique des Cantiques[22]. De très particulières affinités de sentiments et de tendances attiraient notre grand Docteur vers les âmes consacrées à Dieu : il leur dédia une grande partie de ses travaux apostoliques et intellectuels, et laissa de nombreux monuments de son zèle dans ces hautes régions de la vie spirituelle. Parmi les écrits les plus remarquables de cette catégorie, se placent au premier rang les Constitutions pour les Sœurs Religieuses de la Visitation, que le saint Evêque élabora pendant des années entières. Outre cet admirable code de législation monastique, on peut encore citer les Statuts qu'il dressa pour les prêtres de la Sainte-Maison de Thonon, pour les Chanoines réguliers de Sixt, pour les Ermites du Voiron et pour les Bénédictines du Puy-d'Orbe ; règlements qui, à eux seuls, suffiraient pour placer saint François de Sales au nombre des fondateurs et réformateurs d'Ordres religieux.

 

            Ces âmes, vouées à la vie parfaite, étaient aussi les plus fréquemment gratifiées des instructions orales de notre Saint : les religieuses de la Visitation en furent favorisées entre toutes, et recueillirent de mémoire bon nombre de ses Sermons ; tout spécialement, et avec une rare fidélité, ses Entretiens, inimitable chef-d’œuvre en son genre. Mais la charité du saint Prélat ne savait se refuser à personne, donnant avec largesse la Parole de Dieu à tous ceux qui la lui demandaient; constamment engagé dans la prédication, il avait l'usage d'écrire des notes préparatoires à ses discours. L'un des témoins du Procès de Béatification[23] dépose avoir vu sur la table du saint Evêque deux volumes de sermons écrits de sa main, « aussi gros que deux missels ». Une partie considérable de ces autographes a été récemment retrouvée : par le charme des pensées et la profondeur de doctrine qu'elles renferment, ces pages laissent deviner ce que devait être l'onction pénétrante des discours de saint François de Sales. Elles rendent, en effet, tout ce que la plume peut exprimer ; toutefois, on ne saurait .oublier que « le coup est bien plus justement porté dans le cœur par la vive parole que par l'écrit[24]. » Cette vérité s'applique d'une manière spéciale à notre bienheureux Prélat et son propre témoignage, rapporté par saint Vincent de Paul[25] en est la meilleure preuve : « Quand je prêche, » lui dit un jour le saint Evêque, « je sens que quelque chose sort de moi que je ne comprends pas, et non par mon propre mouvement, mais par une impulsion de Dieu. »

 

            Avant de terminer cette rapide nomenclature des ouvrages sortis de la plume de notre grand Docteur, il ne sera pas sans intérêt d'entendre la déposition de son chapelain, le respectable M. Michel Favre. Interrogé sur les œuvres inédites du saint Prélat, il répond ainsi[26] : « Il a encore fait plusieurs petits traités de dévotion qui ne sont pas imprimés, de confession et communion et autres ; et avait décidé d'en faire encore plusieurs, comme celui de l'Origine des curés, duquel j'ai vu le projet et le commencement, celui de l'Amour du prochain, l'Histoire théandrique en laquelle il voulait décrire la vie de Notre Seigneur humanisé et proposer les moyens de facilement pratiquer les maximes évangéliques. »

 

Telles sont les principales productions du zèle ardent et consumant de ce grand Serviteur de Dieu, saintement passionné pour la gloire de son Maître et pour le salut des âmes de ses frères. Il importe maintenant d’examiner, aussi succinctement que peut le comporter un tel sujet, les excellences de ce grand corps d’enseignement.

 

 

II

 

Caractère des Œuvres de saint François de Sales

 

            Un célèbre critique moderne, parlant de saint François de Sales, a dit avec beaucoup de justesse que « l’on n’a pas encore envisagé ce grand homme dans l’ensemble de ses Œuvres. [27]» Les préfaces particulières à chaque volume de la présente publication sont destinées à combler quelque peu cette lacune, en attendant que l’Histoire complète du saint Docteur puisse entièrement satisfaire de légitimes désirs. Nous nous bornerons donc ici à grouper les caractères généraux de ses Œuvres, quant à la doctrine qu’elles renferment et à la forme qu’elles présentent, donnant, en premier lieu, un aperçu rapide des innombrables témoignages qui sont autant de preuves extrinsèques de la supériorité de ses enseignements.

 

            Même de son vivant, saint François de Sales était considéré par les Pontifes Romains comme un Maître dans l’Eglise : le Bref du Doctorat rappelle que, déjà en 1596, Clément VIII confia au jeune Prévôt la mission délicate de convaincre l’hérésiarque de Bèze et de l’amener à la rétractation ; que, plus tard, Paul V demanda l’avis de l’Evêque de Genève sur la question brûlante et vivement disputée De Auxiliis, et voulut que le sentiment du saint Prélat terminât la discussion. Sainte Jeanne-Françoise de Chantal considérait son saint Directeur comme inspiré de Dieu et lisait ses lettres à genoux. Saint Vincent de Paul le nomme « l’Evangile parlant, (Evangelium loquens)[28] , dénomination la plus magnifique qui ait été donnée à un aucun homme depuis les temps apostoliques. Les directeurs les plus éminents tels que Suffren, Bérulle et le docteur Duval ; des prélats illustres, comme de Marquemont, de Villars, Camus, Fenouillet, attribuaient leurs lumières à la céleste sagesse de ses conseils. L’autorité de saint François de Sales n’était pas moins grande auprès des séculiers : Antoine Favre, l’oracle de la Savoie, se constitua son humble disciple dès leur première entrevue en 1593, et la considération dont jouissait l’Evêque savoyard à la cour de Henri IV et à celle de Louis XIII n’est pas moins frappante. Non seulement les hommes les plus recommandables par leur piété, tels que Deshayes et le duc de Bellegarde, l’avaient en haute estime, il était également apprécié par Henri IV lui-même, par Richelieu[29], Marie de Médicis et le rusé connétable de Lesdiguières.

 

            En somme, le saint Docteur « a été consulté par les masses comme l’un des plus éminents parmi les anciens Pères de l’Eglise, et l’excellence de sa doctrine, loin de diminuer après sa mort, reçut toujours de nouveaux accroissements. »[30] La Bulle de Canonisation, les dépositions des témoins et les lettres postulatoires qui la sollicitèrent sont les preuves les plus éclatantes de cette assertion ; les innombrables panégyriques du Saint, de 1623 à 1668, en sont encore un magnifique témoignage. Le Procès De non-cultu de 1648 mentionne spécialement une centaine d’ouvrages, au milieu d’une infinité d’autres, où les conclusions du futur Docteur sont adoptées comme règle en matières de foi et de morale.

 

            L’appréciation des belles et grandes intelligences du XVIIe siècle est bien résumée dans le recueil de panégyriques donné par Blaise en un des volumes supplémentaires de son édition[31], et les paroles du sage et profond Bourdaloue sont la plus juste expression de ce concert de louanges : « Après les Saintes Ecritures, il n’y point d’ouvrages qui aient plus entretenu la piété que ceux de ce saint Evêque… pour former les mœurs des fidèles, nul n’a eu le même don que l’Evêque de Genève.[32] » Tous les témoignages du XVIIIe siècle s’effacent devant celui de saint Alphonse de Liguori : dans plusieurs de ses traités il cite notre Saint presque à chaque page, et, comme l’affirme le P. Mauron, Supérieur Général des Rédemptoristes[33], « il l’a toujours considéré comme son guide ». Ce document nous amène au XIXe siècle, où une nouvelle gloire, d’éclatants hommages saluent le nouveau Docteur. Il faudrait citer toutes les Lettres postulatoires des prélats les plus distingués de l’Eglise universelle, mais les paroles de Mgr Pie sont l’écho le plus autorisé de cette grande voix[34] : « …Pour quiconque a étudié l’histoire et la vie intime de la société chrétienne depuis trois siècles, » dit cet illustre Prélat, « n’est-il pas clair comme l’évidence même, que saint François de Sales n’a pas été seulement un personnage docte dans l’Eglise, mais qu’en beaucoup de points doctrinaux et pratiques de ses écrits ont fait loi comme étant l’expression de la doctrine même de l’Eglise ? Partout où s’est produite en ces derniers âges la sainteté héroïque que l ‘Eglise a placée ou qu’elle songe à placer sur les autels, chez tous les prêtres et les fidèles en qui la science et la vertu ont été éminentes, dans le monde comme dans le cloître, peut-on disconvenir que les livres du saint Evêque de Genève n’aient exercé une influence marquée, et que le plus vif et le plus pur éclat de toutes les âmes ne soit un rayonnement de la lumière et de la chaleur émanée de lui ? Ce sera donc justice de lui décerner l’auréole doctorale, qui est la reconnaissance authentique de cette puissance de communication et de cette vertu diffusive de science et de piété. Pour moi, Très Saint Père, je fais acte de justice comme de gratitude en le déclarant : parmi les préjugés d’école, qui avaient cours encore dans la première moitié de ce siècle, notamment en ce qui est de la constitution monarchique de l’Eglise et du Magistère suprême de son Chef, c’est l’étude familière des Œuvres de saint François de Sales qui a écarté de moi les ténèbres de plus d’une erreur, qui a éclairé dans mon esprit plus d’une obscurité, résolu plus d’un doute, et si j’ai pu avancer tant soit peu dans le mystère de la grâce et dans le sanctuaire secret des Ecritures, je l’ai appris principalement à l’école de ce grand Maître. Combien d’autres que moi ne sont-ils pas dans le cas de rendre le même témoignage ?… »

 

Les littérateurs modernes, tels que Godefroy, déjà cité, libres-penseurs même, tels que Sainte-Beuve, rivalisent avec les auteurs religieux dans les élogieuses appréciations d’un homme qui n’a pas moins honoré la littérature profane que les lettres sacrées. Le titre de Docteur de l’Eglise universelle, décerné à saint François de Sales d’après les vœux et aux acclamations de la Chrétienté toute entière, fut, pour ainsi dire, la canonisation de ses écrits, la plus grande gloire qui puisse être rendue à la divine Sagesse manifestée dans les Saints.

 

 

§ 1. – La doctrine des Œuvres de saint François de Sales

 

La première qualité qui doit être signalée dans cette doctrine de laquelle « s’épanche l’universelle persuasion de la science excellente de saint François de Sales » est  l’étendue, « l’abondance et la variété des matières », dans les trois branches qui se partagent ses Œuvres : « la partie ascétique, la polémique, la prédication de la parole de Dieu[35]. »  Dans l’Introduction à la vie dévote et le Traité de l’Amour de Dieu, le saint Docteur trace les règle précises et pratiques de la conduite des âmes, soit pour diriger leur marche dans les sentiers unis de la dévotion, soit pour guider leur vol vers les plus hautes cimes de la perfection angélique. Ses Lettres appliquent les mêmes principes à tous les cas particuliers qui peuvent se présenter dans la vie spirituelle ; et non seulement il est Maître de la piété, mais il enseigne l’art de la communiquer aux autres (magisterium pietatis), méritant ainsi, dans toute son acceptation, les titres de « Docteur de la dévotion » que Tournemine lui assigne[36].

 

Le corps d’enseignement pratique du saint Evêque revêt une excellence particulière, acquiert plus d’ampleur et de force, par l’exposition, à la fois familière et profonde, des grandes vérités dogmatiques sur lesquelles reposent tous les préceptes de la perfection. La nature et les attributs de Dieu, les mystères de la Sainte Trinité et de l’Incarnation, les prérogatives de la Très Sainte Vierge, la chute et la rédemption de l’homme, la grâce et le péché, les vertus et les vices : - tous ces sujets entrent dans le vaste cadre du Traité de l’Amour de Dieu, saint François de Sales y touche « quantité de points de théologie » ; il parle de la « racine » de la charité aussi bien que de ses fleurs et de ses fruits[37]. Avec l’instinct prophétique que donne la sainteté, le futur Docteur suit les principes de la théologie jusqu’à leur entier développement : l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie est déjà un dogme pour lui, et le Bref du Doctorat rappelle de quelle manière « il a semé les germes du Sacré-Cœur de Jésus ».

 

On ne saurait cependant apprécier toute l’étendue des productions du génie de notre Saint, si l’on considérait seulement les Œuvres destinées aux fidèles enfants de l’Eglise ; il est également nécessaire de parler de ses écrits qui ont eu pour but de la défendre de ses ennemis. Le Bref signale les Controverses comme un livre qui contient « »une complète démonstration de la foi catholique », et « prélude aux définitions du Concile œcuménique du Vatican sur la primauté et l’infaillibilité du Pontife Romain ». La Défense de l’Étendard de la sainte Croix est une revendication triomphante du culte de cet instrument de notre rédemption et une apologie de tout le principe sacramentel ; c’est-à-dire de l’usage des choses matérielles dans les rapports entre Dieu et l’homme.

 

Quelque vaste que soit cet horizon, il s’élargit encore quand, d’après les paroles du Bref, le saint Docteur est offert à noter admiration comme « Maître et restaurateur de l’éloquence sacrée ». Son Épitre sur la Prédication[38] est un chef-d’œuvre dans son genre, et contient tous les éléments de l’art qu’elle enseigne. Traduite et répandue en Espagne bientôt après la mort du bienheureux Prélat, cette Épitre a toujours été extrêmement estimée par les orateurs de cette nation. Saint Alphonse de Liguori en faisait personnellement usage et forma le clergé d’Italie d’après les principes qu’elle renferme[39]. De nos jours, la traduction allemande qu’en a publié Sailer a fait donner au saint Evêque de Genève le titre de « Maître et Docteur des Prédicateurs de l’Allemagne[40].

 

Le second grand caractère de l’enseignement de saint François de Sales est la solidité : le nombre, le poids, l’à-propos de ses arguments, et la logique serrée qui les dirige vers leur but. La Sainte Ecriture est la principale source des preuves qu’il allègue. C’est, en effet, le propre du Docteur chrétien d’enseigner la Parole de Dieu et non la sienne, et les Œuvres de notre grand Docteur consistent, pour ainsi dire, uniquement dans la divine Parole, citée, appuyée par de vigoureuses démonstrations, et envisagée au point de vue pratique : tout le surplus n’en est que le développement et l’illustration. Il ne se trouve guère de chapitres dans l’Ancien et le Nouveau Testament, dont le Saint ne tire quelques verset ; de plusieurs, il cite presque chaque ligne. Son texte, comme celui du « cher saint Bernard », n’est plus qu’un tissu de la Parole sacrée, avec de courtes explications et déductions : ici les passages convaincants se succèdent rapidement ; ailleurs une seule vérité ou un seul fait alimente tout un chapitre. Il aime à pénétrer jusqu’à la moelle du sens des Saints Livres par cette « méditation des paroles » qu’il révèle au prédicateur comme un secret particulier[41] ; il possède éminemment ce don « d’interpréter les mystères des Ecritures, donnant la clef des énigmes, jetant une nouvelle lumière sur les passages obscurs[42] ». Le saint Docteur suit toujours la Vulgate, mais il se sert souvent du grec ou de l’hébreu pour en rendre plus clair. La traduction française lui appartient en propre : c’est son langage aussi langage aussi gracieux que précis, sauf dans le Traité de l’Amour de Dieu où, de loin en loin, il emploie la version métrique des Psaumes par Desportes.

 

Saint François de Sales se plaisait à dire que les Œuvres des Pères de l’Eglise ne diffèrent de la Sainte Ecriture sinon comme « un pain mis en pièces, d’un  pain entier », et que les histoires des Saints sont, par rapport à l’Evangile, ce qu’ »une musique chantée » est à une « musique notée »[43] ; aussi exploite-t-il volontiers ces sources comme corollaire du Texte sacré. Quelquefois il n’en donne que l’essence, comme dans les quatorze lignes du Traité de l’Amour de Dieu qui lui coutèrent la lecture de douze cents pages infolio ; d’autre part, peu de maîtres dans l’Eglise de Dieu ont plus explicitement fondé leur enseignement sur les traditions des Pères, des scholastiques et des historiens ecclésiastiques. Il suffit de jeter les yeux sur la longue liste des auteurs qu’il cite pour apprécier l’étendue de ses recherches ; le plus souvent, c’est de sa vaste mémoire, du répertoire formé par de sérieuses études, que le Saint Docteur tire les trésors d’érudition dont il parsème ses écrits. Son choix est sans doute dirigé par son sujet ; mais, on le sent, mes préférences de l’Auteur le portent vers saint Augustin, le Père de la théologie, saint Grégoire le Grand, saint Chrysostome, le prince de l’éloquence chrétienne ; les expressions énergiques de saint Jérôme l’attirent non moins que la douceur du langage de saint Bernard ; il faut ajouter, pour la partie polémique, saint Cyprien, Tertullien et, tout particulièrement, Vincent de Lérins.

 

Parmi ces nombreuses citations il peut se trouver, très rarement cependant, un texte douteux : le saint Docteur devait quelquefois se fier à des autorités secondaires et ne pouvait, d’ailleurs être en avance sur la critique de son temps. L’exactitude, néanmoins, ne lui fait jamais défaut lorsqu’il lui est possible de remonter aux sources ; ses arguments, admis par ses adversaires même, sont décisifs ad hominem. Du reste, ce n’est jamais sur des témoignages incertains qu’il établit une affirmation positive ; tout au plus les emploie-t-il comme un appendice aux preuves incontestables tirées de la Sainte Ecriture et de la Tradition universellement reçue.

 

Ces Livres sacrés ne sont pas seuls à raconter les gloires de Dieu à l’aimable Evêque de Genève ; toutes les pages du grand livre de la nature lui sont un vivant commentaire de la divine Parole, et leurs secrets lui sont révélés, dans toute leur étendue et leur admirable beauté[44], par cette même méditation qui lui fait pénétrer les mystères cachés sous le voile des Saintes Ecritures. Les sciences naturelles, dans le vaste cadre qu’elles remplissent d’après les auteurs tels que Pline et Mattioli, étaient familières à notre Saint ; cependant, les plus intéressantes comparaisons, les images naïves dont il émaille ses récits sont, pour la plupart, le fruit de ses observations personnelles, et n’ont pas moins d’exactitude que de charme. Ici le saint moraliste ne se trompe jamais ; si ailleurs il fait parfois fausse route, c’est en se basant sur les données imparfaites de la science de l’époque. Toutefois, quand il avance un fait douteux, ce n’est jamais lorsque la vérité de ses arguments d »pend de la supposition, mais seulement lorsque les similitudes sont l’explication ou l’illustration du raisonnement, et qu’un hypothèse peut appuyer sa pensée avec autant d’avantage que le ferait une certitude absolue.

 

Quant à la raison humaine et au témoignage des auteurs profanes, il leur donne, sous de justes réserves, tout le poids qu'ils méritent ; les philosophes anciens, les proverbes des nations, l'histoire des peuples viennent tour à tour appuyer ses affirmations : dans le Traité de l'Amour de Dieu, il entre dans son dessein de faire rendre témoignage, par le paganisme lui-même, de la supériorité de la morale chrétienne. Aristote, Platon, Epictète, Sénèque, Plutarque sont appelés à jouer un double rôle : d'une part, le bien naturel qui est en eux confirme les vérités de l'ordre surnaturel ; d'autre part, leurs raisonnements incomplets, leurs faux principes, leurs mœurs dépravées, prouvent la nécessité de la révélation divine, la perfection de la vertu chrétienne. Dans son commerce avec l'antiquité, le saint Auteur ne dédaigne pas de se servir quelquefois de traits familiers de la littérature classique de nos jours, cette licence produit une sorte de contraste avec l'élévation ordinaire de son style ; mais ce qui semblerait maintenant un hors-d'œuvre littéraire ne l'était pas alors, et le goût de l'époque exigeait cette condescendance. Il est intéressant de constater les emprunts que saint François de Sales fait aux auteurs profanes ses contemporains, surtout à Montaigne dont il- goûtait les Essais[45] : la virile éloquence de cet auteur, son mépris des idées basses, son amour pour le peuple, « ceste condition d'hommes qui a besoin de notre aide[46] », le rendaient sympathique à notre Saint qui, dès sa jeunesse, partagea ses généreuses aspirations.

 

Les travaux polémiques de saint François de Sales l'obligèrent à consulter une série d'auteurs d'un genre bien différent. Il ne lui suffisait pas de se pourvoir d'armes utiles auprès d'écrivains savants et orthodoxes, tels que Bellarmin, Génébrard, Canisius, Sanders, Cochlée, mais il dut encore approfondir les « raisons déraisonnables[47] » de ses adversaires hérétiques, et le catalogue de livres prohibés qu'il avait permission de lire[48] montre que, même de ce côté-là, son érudition n'était pas en défaut. C'est surtout en de semblables luttes et lorsque l'ardent Apôtre combat pour la défense de la vérité, que l'on peut admirer la solidité de sa doctrine.

 

Les subtilités purement spéculatives de quelques scholastiques lui sont totalement étrangères, et, quand il emploie le raisonnement et la dialectique, c'est surtout pour anéantir les conclusions de ses adversaires et pour faire ressortir la force du témoignage qu'il tire de la Sainte Ecriture ou de quelque preuve supérieure. Quelquefois cependant l'intrépide polémiste rive le clou de l'argument d'un ordre plus élevé par un raisonnement humain, mais irrécusable, qu'il emprunte à saint Thomas, aux livres de Droit, à Aristote, ou qu'il tire du riche fonds de sa propre expérience et de sa profonde connaissance de la nature humaine.

 

La sûreté de la doctrine contenue dans les écrits de saint François de Sales est une question plus importante encore que celle de leur étendue et de leur solidité; elle est déjà, sans doute, suffisamment démontrée par les preuves exposées dans les pages précédentes, mais il ne sera pas hors de propos d'y ajouter le témoignage du saint Docteur lui-même : sa grande humilité donne à ses expressions une valeur exceptionnelle. Sainte Jeanne-Françoise de Chantal affirme lui avoir entendu dire « que Dieu l'avait gratifié de beaucoup de lumières et de connaissances pour l'intelligence des mystères de notre sainte foi, et qu'il pensait bien posséder le sens et l'intention de l’Eglise aux mystères qu'elle enseigne à ses enfants[49] ». La promotion de saint François de Sales au rang de Docteur de l'Eglise universelle ne laisse plus de doute sur ce point ; mais il ne sera pas inutile de rappeler deux objections qui ont été faites, l'une, contre l'enseignement dogmatique, l'autre, contre l'enseignement moral du saint Evêque de Genève. Chose étrange ! c'est Bossuet qui fait la première de ces objections et s'élève ici contre une doctrine dont ailleurs il exalte si hautement le mérite. Tout en prouvant jusqu'à l'évidence que le faux mysticisme de Fénelon ne trouve aucun appui dans le Traité de l'Amour de Dieu ou dans les Entretiens, Bossuet lui-même reproche à saint François de Sales de s'être servi d'expressions peu orthodoxes sur la question de la grâce, et d'être inexact en quelques points de sa théologie morale. L'autorité de l'Evêque de Meaux, donnant à ces accusations un poids qu'elles étaient loin de mériter, a jeté une ombre momentanée sur la doctrine de notre Saint ; mais il sera clairement démontré ailleurs[50] que Bossuet s'est complètement mépris sur le vrai sens des paroles attaquées, et que le bienheureux Prélat n'a pas plus failli en ce qui concerne la vérité elle-même qu'en l'exposition de cette vérité.

 

La seconde objection faite contre la sûreté de l'enseignement de notre grand Docteur c'est, qu'en voulant rendre accessible à tous le difficile sentier de la vertu, il en est arrivé à rabaisser le niveau de la perfection évangélique. On peut répondre, sans craindre un démenti, que si saint François de Sales rend la vertu plus facile, ce n'est pas dans un sens absolu, mais relatif. Tout en indiquant aux âmes de bonne volonté une voie de sanctification plus suave et en apparence plus douce, il est bien loin de favoriser la corruption de la nature. Aussi la sainte Eglise, dans les éloges qu'elle donne aux enseignements du saint Docteur, réunit toujours deux pensées : elle le loue « d'avoir su mettre, sagement et suavement, la vraie piété à la portée des fidèles de toute condition, » et encore, d'avoir « indiqué à tous les chrétiens un chemin de perfection sûr, facile et doux[51]. » S'il est vrai de dire que notre aimable Docteur écarte de l'idéal de la sainteté la rigidité pharisaïque qui tendait à le défigurer, il ne l'altère ni ne le rabaisse aucunement.

 

Bossuet, toujours en complet accord avec saint François de Sales en tout ce qui concerne la direction pratique des âmes, lui rend ici pleine justice[52] : « Il a ramené la dévotion au monde, » dit-il, « mais ne croyez pas qu'il l'ait déguisée pour la rendre plus agréable aux yeux des mondains : il l'amène dans son habit naturel, avec sa croix, avec ses épines, avec ses souffrances. » L’austère M. Olier exprime la même pensée lorsqu'il appelle saint François de Sales « le plus mortifiant de tous les Saints », parce qu'il demande, non seulement, dans de justes limites, la mortification de la chair elle-même, mais encore une abnégation totale et ininterrompue des désirs de la chair, une entière crucifixion du cœur[53]. Et comment ne serait-il pas mortifiant, au suprême degré, celui dont tous les enseignements n'ont d'autre but que d'unir sans intermédiaire l'esprit de l'homme à l'esprit de Dieu, à ce Dieu qui s'est appelé un feu consumant, un Dieu saint et fort jaloux !

 

Le saint Docteur ne rabaisse donc pas le niveau de la vertu, mais il inspire plus de force à l'âme pour s'élever vers les hauteurs de la perfection ; il presse la volonté par de « suaves insinuations » ; il lui propose des motifs efficaces, des moyens à la fois sûrs et pratiques. Sans doute, on pourrait extraire de ses ouvrages, comme de la Sainte Ecriture elle-même, des passages où le relâchement croirait trouver une excuse ; néanmoins, il ne faut jamais perdre de vue, que les principes et les règles de conduite du saint Evêque de Genève constituent un système complet qui doit être envisagé dans son ensemble : ainsi considéré, chaque partie sert de contrepoids à l'autre ; la liberté est accordée, mais sous des conditions qui la rendent inoffensive ; un rempart n'est enlevé que pour être remplacé par un autre, aussi effectif et plus pratique. Ses préceptes de spiritualité, malgré leur modeste apparence, élèvent à l'héroïsme de la vertu par la continuité de leur application et par la captivité à laquelle ils soumettent l'homme tout entier.

 

En résumé, pour répéter le mot sublime de saint Vincent de Paul, l'Evêque de Genève est, dans ses livres comme dans ses prédications, l'Evangile parlant : l'Evangile, avec son code d'abnégation parfaite, mais aussi l'Evangile avec ses douces promesses, avec la présence, l'amour et la grâce du Sauveur ! Cet adorable Sauveur était sur le point de révéler au monde les richesses infinies de son Sacré-Cœur : saint François de Sales fut choisi pour être le Précurseur de cette nouvelle manifestation de la divine charité ; aussi la sainte Eglise dit de lui[54] qu'il est venu aplanir les sentiers escarpés, et qu'il a eu pour mission spéciale de faire expérimenter à tous les fidèles la vérité de la parole divine : Mon joug est doux et mon fardeau léger. Saint Jean-Baptiste, au milieu des ombres, de l'ancienne Loi, devait faire ressortir l'insuffisance des préceptes mosaïques par le contraste de ses rigides vertus avec la bénignité de son divin Maître ; saint François de Sales devait donner, par le précepte comme par l'exemple, le secret de réaliser la ressemblance parfaite de la créature avec le Dieu fait homme, ce qui est, à la fois, le privilège et le sublime devoir du chrétien.

 

 

§ 2.  La Forme des Œuvres de saint François de Sales

 

Sous cette dénomination, la forme des Œuvres de saint François de Sales, nous ne comprenons pas seulement l'apparence extérieure des traités, discours, lettres, dont se compose le corps d'enseignement de notre grand Docteur, mais encore ce mode de concevoir et d'exprimer, aussi nécessaire que la matière même, à la substance de la pensée. Mieux que personne le saint Evêque nous rend cette idée palpable ; il s'adresse ainsi à son disciple dans l'art oratoire[55] : « C'est ici ou je désire plus de créance qu'ailleurs, parce que je ne suis pas de l'opinion commune et que néanmoins ce que je dis c'est la vérité même. La forme, dit le Philosophe[56], donne l'être et l'âme à la chose. Dites merveilles, mais ne les dites pas bien, ce n'est rien - dites peu, et dites bien, c'est beaucoup. » Cette question, d'une importance capitale, sera envisagée sous trois points de vue : le mode particulier au saint Auteur de présenter et de développer le sujet de ses discours parlés ou écrits, selon la fin qu'il se propose d'atteindre ; les qualités de son style proprement dit ; son langage dans les éléments rudimentaires, le choix des mots et les principes de grammaire.

 

Le but de cet Homme apostolique n'était pas seulement d'exposer et de défendre en général la doctrine catholique, mais surtout et principalement de rendre sensible à chaque âme l'obligation de croire les dogmes de notre foi et de pratiquer les vertus chrétiennes. L'application des principes à la pratique est le trait distinctif, le caractère particulier de notre Saint, parmi les théologiens les plus remarquables de son époque ; bon nombre d'entre eux avaient déjà défendu victorieusement la vérité contre les novateurs, mais leurs énormes volumes latins étaient sans intérêt et presque inaccessibles pour le vulgaire. La grande nécessité de l'heure actuelle s'imposait d'elle-même : il fallait trouver un homme  réunissant un double mérite ; d'une part, possédant la science doctrinale dans toute son étendue, et sachant choisir dans l'arsenal des démonstrations de la foi catholique les preuves les plus fortes et les plus convaincantes et, au besoin, suppléer de son propre fonds ; et, d'autre part, capable de présenter ces vérités au monde sous une forme qui, sans rien enlever à leur solidité, les rendraient attrayantes et populaires dans le plus vrai sens de ce terme. Cet homme doué d'une telle supériorité, formé par la divine Providence, enrichi par elle encore des vertus, des aptitudes qui devaient le rendre propre à sa sublime mission, fut notre grand Docteur.

 

C'est toujours d'après ce principe, de se mettre à la portée de toutes les intelligences, que le saint Evêque choisit et développe ses arguments, donnant un tour pratique aux raisonnements les plus abstraits. Souvent obligé, par la vaste étendue de la matière qu'il traite, de présenter des sommaires où chaque ligne contient une preuve nouvelle, il préfère, lorsque le sujet le permet, ne prendre qu'une ou deux pensées, les suivre jusqu'au bout, les épuiser, pour ainsi dire, afin d'en tirer une application finale bien définie - c'est le conseil qu'il ne cesse d'inculquer aux prédicateurs[57]. Parlant des sentences des Pères, « ... Il faut, » dit-il, « les ayant citées en latin, les dire en français avec efficace, et les faire valoir, les paraphrasant et déduisant vivement. » « Les exemples, » ajoute-t-il, « ont une force merveilleuse et donnent un grand goût au sermon; il faut seulement qu'ils soient propres,- bien proposés et mieux appliqués. Il faut choisir des histoires belles et éclatantes, les proposer clairement et distinctement, et les appliquer vivement; comme font les Peres... » Et pour mieux toucher et convaincre le lecteur ou l'auditeur, il s'identifie, pour ainsi dire, avec lui, et se plaît à le personnifier, non seulement dans ses lettres et ses sermons, mais encore dans ses Traités généraux, qu'il adresse soit à Théotime, soit à Philothée. Il suit, sans doute, un usage généralement admis à son époque, mais bien plus encore le penchant sympathique de son propre cœur. On doit « parler à son homme, (alloqui hominem), » disait-il à son ami Vaugelas[58] ; et cet « homme » c'est celui de ses lecteurs qui a le plus besoin d'être instruit, d'être aidé : aussi se met-il à son niveau autant que le sujet le permet, il adapte ses leçons à son ignorance, tandis qu'en même temps, avec un art consommé, il captive l'intérêt des intelligences les plus éclairées. L'éminente supériorité du saint Docteur ne se fait jamais mieux sentir que dans cette apparente simplicité, chef-d'œuvre de son génie et de sa charité, qui le rend vraiment tout à tous Pour les gagner tous.

 

« Il est peut-être plus difficile, » disent les Bollandistes[59], « d'écrire d'une manière exacte sur les matières de dogme, de morale et d’ascétisme, de façon à être compris par les ignorants sans être méprisé des savants, que de composer les plus grands traités de théologie : c'est une difficulté qui n'est vaincue que par les hommes de premier ordre (summis viris). »

 

Outre l'élévation du génie et la puissance de la pensée qui distinguent notre grand Docteur parmi les écrivains les plus remarquables de son époque, l'élégance et le charme de son style lui assurent un autre genre de mérite. Saint François de Sales, placé à l'aurore du grand Siècle, apparaît comme l'une de ses plus belles figures. Suscité du ciel pour réchauffer les cœurs au souffle divin de l'amour, il devait aussi entraîner les esprits par les attraits irrésistibles de sa parole et de ses écrits.

 

Dans cette supériorité de style qui caractérise notre Saint, il faut distinguer le rôle qu'exercent à la fois l'intelligence, l'imagination et le cœur. La culture intellectuelle qu'il reçut, fait rayonner sa diction de trois qualités fondamentales : le naturel, la clarté et la force. Il faut avouer, toutefois, que cette première qualité, le naturel, moins saillante dans certains ouvrages de sa jeunesse, se développe progressivement dans le cours des années. C'est cette nuance que le saint Evêque semble surtout vouloir indiquer lorsque, parlant du style de l'Introduction à la Vie dévote et du Traité de l'Amour de Dieu, il le qualifie de « grandement divers  de celui qu'il a  employé en la Défense de la Croix[60]». Dans ce dernier ouvrage, en effet, ainsi que dans quelques-unes de ses Lettres de 1593-1598 et dans l'Oraison funèbre du duc de Mercœur, le saint Auteur paraît accorder trop d'attention au choix des mots et à la mesure des phrases : c'était là une réminiscence de ses études académiques, mais il s'en affranchit bientôt, d'abord par la nécessité même, puis par la pureté de son goût littéraire. Déjà dans les Controverses, écrites à la hâte, pour le peuple, avec un zèle ardent, presque passionné, il s'était élevé au-dessus du formalisme de son époque : quelques années plus tard il avait définitivement compris que « le souverain artifice c'est de n'avoir point d'artifice[61] », et il arrive, non à une négligence affectée, mais à une gracieuse et naturelle simplicité.

 

La clarté, la netteté et la propriété des termes, essentielles à la démonstration de l'idée, ne sauraient faire défaut à notre saint Docteur ; toujours il va droit au but qu'il se propose. « Je n'ay jamais ouï parler si hautement et si clairement tout ensemble des mystères de la foi, qu'il faisait. » dit Vaugelas[62]. La simplicité des conceptions, la justesse des définitions et distinctions, l'ordre et la division logique des matières, la transition graduée du connu à l'inconnu, les illustrations parlantes sont autant de rayons de lumière éclairant le chemin du lecteur, à travers les ombres des mystères de la foi et les obscurités de la vie spirituelle.

 

La force de ses discours est fondée sur la solidité et l'heureuse disposition des matières qu'il traite ; elle paraît surtout dans la concision de sa parole décisive et pleine d'autorité, et provient de la manière dont il se rend maître de son sujet et du sentiment de la dignité de son office. Non seulement il explique les difficultés, mais, comme dit Sainte-Beuve[63], « par sa manière élevée, douce et calme, il les empêche de naître. » C'est surtout dans ses Œuvres polémiques, et particulièrement dans les Controverses, telles qu'elles sont sorties de sa plume de feu, qu'il faut étudier l'énergie de notre Saint : il y prend une attitude martiale, également propre à inspirer la confiance à ses compagnons d'armes et la terreur à ses ennemis. En parcourant ces pages on peut se faire une plus juste idée de ses autres Œuvres, où la force est non moins réelle, bien qu'elle revête une forme différente et soit toute détrempée de douceur. Il ne faut donc jamais perdre de vue cette qualité qui demeure une des principales caractéristiques du style de saint François de Sales : tels, des enfants qui ont toujours suspendue devant les yeux la vaillante épée de leur père, et la regardent avec une respectueuse vénération au milieu des douces familiarités et de la paisible assurance de la vie domestique.

 

L'imagination du saint Evêque de Genève, colorant et embellissant sa pensée, lui donne un nouvel éclat et une plus grande puissance. Les comparaisons abondent sous sa plume, depuis la métaphore produite par une seule expression pittoresque, jusqu'à l'allégorie dont la durée embrasse tout un chapitre : elles sont particulièrement employées, soit pour rendre plus intelligible une conception abstraite ou métaphysique, soit pour ennoblir une pensée vulgaire, soit encore pour faire ressortir la beauté de sentiments semblables ou opposés, par les rapports ou les contrastes qu'ils présentent. C'est bien cette qualité qui soutient constamment l'intérêt du lecteur, lors même que les sujets sont moins capables de l'attirer : sous la plume de l'aimable Ecrivain, jamais rien de monotone, rien de fastidieux ; grâce aux descriptions, aux narrations, aux dialogues, le récit devient une série de tableaux et acquiert souvent un charme presque dramatique. L'imagination joue encore un rôle important dans la construction de certaines phrases incisives, bien cadencées, et parfois même dans un seul mot où la pensée du saint Docteur est enchâssée comme un diamant dans l'or : « Rien de beau, de fort, de touchant, » disait un jour Pie IX, « comme un mot de saint François de Sales. »

 

Ce don d'imagination est si remarquable dans le style du bienheureux Prélat, qu'on est allé jusqu'à dire que c'était « la qualité prédominante » de l'Introduction à la Vie dévote[64]. Cette assertion a le double tort de subordonner le principal à l'accessoire, et d'être inexacte lors même qu'il s'agirait seulement de qualités littéraires. Le Saint possède un mérite supérieur et bien plus rare, celui de faire vibrer son cœur à travers les mots, s'élevant, des accents les plus tendres, les plus suaves, jusqu'au pathétique le plus sublime. Il recommande ce style affectif, même dans les traités de théologie[65] ; il y incite puissamment les prédicateurs[66] : « Il faut que nos paroles soient enflammées.... qu'elles sortent du cœur, plus que de la bouche. On a beau dire, mais le cœur parle au cœur, et la langue ne parle qu'aux oreilles. » Et ce ne sont pas des sentiments humains qui dirigent sa plume, c'est l'onction de l'Esprit d'amour, la charité surnaturelle : ce feu qui consume le saint Ecrivain, il veut qu'il s'allume et qu’il brûle dans toutes les âmes. « On sent qu'il aime et qu'il doit être aimé, » dit Tournemine[67], « mais qu'il veut que Dieu seul soit aimé. » Il faut remonter à cette source divine pour juger le style de notre saint Docteur : il parle le langage de l'Eden, le langage de l'innocence originelle ; ce qui, selon l'appréciation d’un monde corrompu et corrupteur, serait une douceur d'expression trop molle, une tendresse fade et exagérée, n'a chez lui rien que de vrai, de noble et de pur.

 

Il reste à signaler une qualité qui résume tout, et caractérise en un seul mot la manière d'écrire et de parler de saint François de Sales : cette qualité est la persuasion, mais la persuasion sous son aspect le plus aimable, provenant de « cette éloquence familière et de conversation, plus effective que les discours étudiés et sublimes[68]. » Le saint Docteur n'est pas un écrivain ordinaire, même la plume en main il est orateur : cette forme oratoire se retrouve, non seulement dans ses Sermons et ses Entretiens, mais plusieurs autres de ses ouvrages, tels que ses Lettres, ses Controverses, son Traité de l'Amour de Dieu, en présentent l'allure. La persuasion, qui est le but de tout discours, est bien le dessein que se propose le saint Auteur dans tous ses écrits ; de là proviennent, comme de leur source, l'exposition claire, les fortes déductions de la vérité, l'indication des moyens à prendre pour aplanir les obstacles, la puissance et la majesté de la parole. C'est pour arriver à cette fin que l'imagination est captivée, l'intérêt soutenu ; c'est encore dans ce but que le cœur du grand Ecrivain déborde, et pénètre toutes les productions de sa plume avec une puissance irrésistible qui entraîne la volonté, lors même qu'il semble n'avoir d'autre motif que d'éclairer l'intelligence : en un mot, pour employer son propre témoignage, il est « effectif » parce qu'il est « affectif ».

 

            Il importe maintenant de considérer le langage proprement dit, dans ses termes et ses principes, tel qu'il a été si habilement employé par notre saint Docteur comme réflecteur de sa pensée. Les développements qu'exige ce sujet s'appliquent évidemment en premier lieu à l'idiome maternel de saint François de Sales, mais, en une certaine mesure, ils peuvent également se rapporter à l'italien, et surtout au latin, dont notre Saint fit un fréquent usage. La langue italienne ne lui servit guère que dans ses rapports avec le Nonce du Pape, à Turin, et les Princes de Piémont; mais le latin a toute sa prédilection. Il le manie avec autant d'élégance que de pureté, et ses lettres au Président Favre montrent à quel point il possède les secrets de la langue maîtresse, et avec quelle grâce il s'en sert pour rendre jusqu'aux moindres nuances de sa fertile pensée. Toutefois, lorsqu'il s'agit des Œuvres du Docteur qui a illustré la langue française, c'est dans l'emploi de celle-ci qu'il faut surtout étudier l'épanouissement du génie littéraire de notre Saint.

 

            La langue du XVIe siècle, pleine de verve et de caractère, d'harmonie et de couleur, manquait cependant d'un code fixe qui pût sauvegarder son existence indépendante. Bientôt enlacée par des théories plus étroites, elle perdit ses allures franches et libres, et, au milieu des richesses et des clartés de la littérature moderne, on peut justement regretter ces expressions naïves et pleines de vie, représentant les êtres ou les choses tels que la nature elle-même nous les montre, Les différences qu'offre la langue du XVIe siècle, avec celle du XIXe, ne constituent pas pour la première une infériorité : ce principe une fois posé, il sera plus facile d'apprécier les charmes et la beauté des écrits de saint François de Sales, le haut rang qu'ils occupent dans la littérature française. Ce maître écrivain sut éviter les écueils de l'indépendance, et trouver dans la liberté un essor pour son génie; tandis que sa plume élégante, par sa souplesse et sa noble simplicité, nous conservait le beau langage de l'époque de Henri IV, si justement admiré de nos jours.

 

« Il importe beaucoup de regarder en quel âge on écrit, » dit le Saint lui-même, dans sa préface du Traité de l'Amour de Dieu ; d'après ce principe, il sut utiliser les travaux de ses devanciers, s'approprier les grâces de leur style, sans imiter leurs défauts. Les latinismes, néologismes, emprunts à l'italien, beaucoup moins fréquents chez lui que chez la plupart de ses contemporains, deviennent sous sa plume, non plus une expression exotique, mais une tournure pleine de charme, rendant toute la netteté de sa pensée et la force de son argument.

 

            L'Académie française apprécia la supériorité de saint François de Sales, n'hésitant pas à le placer parmi les auteurs « qui avaient écrit le plus purement notre langue », et à présenter ses Œuvres comme modèles. Vaugelas rend cet irrécusable témoignage à notre Saint[69]. : « Son langage était net, nerveux et puissant en persuasion, mais surtout il excellait en la propriété des mots, dont il faisait un choix si exquis que c'était ce qui le rendait ainsi lent et tardif a s'expliquer. » De nos jours, M. Godefroy assure[70] que saint François de Sales « doit être placé tout au premier rang de ceux qui dénouèrent notre langue, et qu'il est de ce petit nombre de maîtres qui ne sauraient être lus de trop près ni trop étudiés. »

 

            La littérature du XVIe siècle est trop connue dans ses grandes lignes, dans ses moindres nuances, pour qu'il soit nécessaire d'en faire ici une étude spéciale qui s'écarterait du but de cette Introduction. Quelques mots suffiront pour dessiner les traits caractéristiques de notre saint Auteur, les particularités personnelles qui le distinguent.

 

            A l'époque où vivait saint François de Sales, les principes de la grammaire, n'étant pas encore fixés, permettaient à la pensée de se mouvoir avec plus d'élasticité et de souplesse : sacrifier la forme à la logique de l'expression, telle était la loi plus généralement suivie ; les rigides théories de la syntaxe étaient aussi, le plus souvent, laissées à la discrétion de l'auteur, les détails minutieux de l'orthographe, livrés à son caprice ; de là, ces nombreuses variations se retrouvant même jusqu'à la fin du XVIIe siècle.

 

            Habitué à manier le latin avec élégance et sûreté, le saint Docteur adopte souvent, de préférence, l'orthographe de l'étymologie latine, lorsque le choix lui est laissé. De même, pour les noms dont le genre varie à son époque, il suit fréquemment celui du latin ; il s'y rattache souvent aussi pour les différents accords des adjectifs et des verbes. On sait combien les règles des Participes différaient alors des règles modernes ; toujours ami de l'ordre, saint François de Sales les suit avec beaucoup d'à-propos : toujours il se range au parti de la raison et du bon goût. Anticipant sur notre langue actuelle, il devance souvent ses contemporains, sait éviter leurs défauts, donne, en un mot, une première impulsion au grand siècle littéraire.

 

            Quelquefois, cependant, un contraste semble se produire sous la plume du saint Auteur, à côté d'un principe que la pénétration et la vivacité de son génie a su découvrir et adopter, on remarque une sorte d'irrégularité : fautive en apparence, cette irrégularité, cette variation est en réalité le trait distinctif de son époque, elle permet au savant Ecrivain de suivre la pente de son instinct naturel. Libre et dégagé de l'attention minutieuse qu'imposent nos règles multiples d'orthographe, son esprit concentre son effort dans la netteté de l'expression, la clarté des arguments, la grâce des peintures vives et colorées. Ainsi s'explique cette licence si fréquente chez notre Saint - écrire le même mot de différentes manières, souvent même à des intervalles très rapprochés ; il laisse courir sa plume sous l'inspiration du moment, aucune entrave ne comprime l'essor de son génie.

 

            L'emploi de la syllepse, si fréquent au XVIe siècle, convient spécialement à la trempe d'esprit du saint Docteur : c'est l'idée qui domine chez lui, il sait à propos lui sacrifier les mots ; une froide et sèche théorie ne paralyse pas l'action de sa pensée, elle apparaît au lecteur avec tout le charme et l'intérêt de sa naïve expression. Le même principe d'accord se retrouve sous toutes les formes dans les écrits de saint François de Sales, mais toujours dans la limite des licences permises par son siècle. Toujours logique, l'orthographe de notre Saint n'a rien de choquant : entraîné par le charme du style, le lecteur oublie les variations et la difficulté, s'identifie avec son Auteur, trouve la clarté et la lumière au milieu des obscurités mêmes.

 

Quelques détails relatifs à cette orthographe personnelle de saint François de Sales seront donnés dans la quatrième partie de cette Introduction, où il sera traité des diverses particularités de la présente Edition ; mais il importe de jeter tout d'abord un coup d'œil sur celles qui l'ont précédée.

 

 

 

 

III

 

Editions antérieures des Œuvres de saint François de Sales

 

           

Il ne suffirait pas d'avoir envisagé les Œuvres de saint François de Sales selon l'ordre historique et chronologique de leur composition, et d'en avoir examiné succinctement les caractères généraux et particuliers; pour en avoir une idée complète, il convient d'étudier la manière dont elles ont été présentées au public et les circonstances qui ont déterminé ces éditions successives. La division logique de ce sujet s'impose d'elle-même : elle comprendra, les ouvrages. du saint Docteur imprimés séparément, et les Œuvres complètes ou données comme telles.

 

 

§ 1. - Œuvres imprimées séparément

 

Les ouvrages que saint François de Sales a fait imprimer lui-même sont au nombre de neuf, et comme l'authenticité du texte est incontestable, sauf en ce qui regarde les fautes d'impression, il suffira d'en indiquer les titres selon l'ordre de leur publication.

 

I. - Simple Considération, sur le Symbole des Apôtres, pour confirmation de la Foy Catholique, touchant le Très Saint Sacrement de l'Autel. 1597 ou 1598. Réimprimé dans une brochure appelée La Conférence accordée, etc., Binet, Paris, 1598.

 

2. - Défense de l'Étendard de la sainte Croix de Notre Sauveur Jésus-Christ. Divisée en quatre Livres. Par François de Sales, Prévost de l'Eglise Cathédrale de Saint Pierre de Genève. A Lyon, par jean Pillehotte, à l'enseigne du nom de Jésus, 16oo.

 

3. – Oraison funèbre sur le trépas de très haut et très illustre prince Philippe Emmanuel de Lorraine, Duc de Mercœur et de Penthevre... Faite et prononcée en la grande église de Notre Dame de Paris le 27 avril 1602 par Messire François de Sales Coadjuteur et élu Evêque de Genève.

 

4.- Constitutiones Synodales Diœcesis Gebennensis, a Francisco de Sales, Ebiscoho et Principe Gebennensi latce, die 2 octobris 1603. Tononii, Marcus de la Rue.

 

5. - Avertissement aux Confesseurs. (Imprimé en suite du même Synode.)

 

6. - Introduction à la Vie Dévote, Par François de Sales, Evêque et Prélat de Genève. A Lyon, chez Pierre Rigaud, en rue Merciere, au coin de rue Ferrandiere, à l'Horloge, MDCIX[71]. Avec approbation des Docteurs, et Privilège du Roy.

 

7- - Rituale Sacramentorum ad prœscriptionem Sanctae Romanae Ecclesiae, Jussu Reverendissimi Patris, Francisci de Sales, Episcopii et Principis Gebennensis editum. Lugduni, apud Joannem Charvet, 1612.

 

S. - Traité de l'Amour de Dieu, par François de Sales, Evêque de Genève. A Lyon, chez Pierre Rigaud, rue Merciere, au coin de rue Ferrandiere, à l'enseigne de la Fortune, MDCXVI.

 

9. - Règles de Saint Augustin, et Constitutions pour les Sœurs Religieuses de la Visitation. A Lyon, par Jaques Roussin, MDCXIX.

 

 

Les deux ouvrages suivants furent imprimés du vivant du Saint Evêque de Genève, mais sans aucun contrôle de sa part.

 

Demandes aux Ministres de la prétendue Religion reformée sur leur doctrine touchant la Cène[72]. (1597 Ou 1598. Imprimé dans La Conférence accordée, etc.)

 

Titulus primus, De Summa ninitate et Fide Catholica[73]. Dans le Codex Fabrianus, 1606.

 

Enfin le Saint eut une grande part à la composition de trois Theses[74], imprimées dans le livre La Conférence accordée, et intitulées :

 

1. Vertu du signe de la Croix, 2. Comme la Croix doit être honorée. 3. La Croix est saintement vénérée. (Publiées en Placard, 1597.)

 

Aussitôt après la mort du bienheureux Prélat on s'occupa de réunir les nombreux écrits qu'il avait laissés, soit dans les archives de l'Evêché, soit dans celles de la famille de Sales et de la Visitation d'Annecy; les recherches se continuèrent auprès des diverses personnes que l'on pouvait supposer avoir en leur possession quelques-uns de ces précieux autographes. On publia d'abord certains documents ascétiques, encadrés par le P. de la Rivière, Minime, dans la Vie du Saint (1624)[75] ; les mêmes fragments furent édités à part dans un petit recueil intitulé Les Sacrées Reliques du Bienheureux François de Sales... Lyon, Candy, MDCXXVI. C'est le point de départ de cette classe des Œuvres du saint Docteur, qui, depuis 1652, prit le nom d'Opuscules ; bientôt on comprit sous cette désignation d'autres écrits de peu d'étendue, et même des pièces officielles.

 

Le second ouvrage posthume de notre grand Docteur fut un choix de Lettres, au nombre de 520, recueillies et classées par sainte Jeanne-Françoise de Chantal - l'humilité de la Sainte lui fit mettre sa personnalité à couvert sous le nom de Louis de Sales, cousin du saint Prélat[76]. Cet ouvrage a pour titre :

 

Les Épitres du Bienheureux Messire François de Sales, Evêque et Prince de Genève, Instituteur de l'Ordre de la Visitation de Sainte Marie, divisées en sept Livres. Recueillies par Messire Louis de Sales, Prévost de l'Eglise de Genève. A Lyon, par Vincent de Cœursilly, et se vendent à Paris, chez Sebastien Huré, rue Saint Jacques, au Cœur-bon, MDCXXVI,

 

L'unique but de la Fondatrice de la Visitation était de répandre la doctrine ascétique de son saint Directeur ; elle voulait aussi cacher l'identité de plusieurs personnes, encore vivantes, dont il était question, dans ces écrits intimes. De là, bien des retouches et des suppressions considérables qui, toutefois, n'altèrent pas la substance de ces précieux enseignements.

 

Tandis qu'elle s'efforçait de réunir la correspondance de son bienheureux Père, sainte Jeanne-Françoise de Chantal s'occupait également à la rédaction d'un ouvrage de grande importance pour les Maisons de l’Ordre, ouvrage qui lui a souvent été attribué, mais qui est en substance une œuvre posthume de saint François de Sales. De toute la législation monastique donnée à ses filles, le saint Fondateur n'avait pu faire imprimer que les Constitutions, avec sa belle traduction de la Règle de saint Augustin, précédée d'une remarquable Préface ; il existait en outre un certain nombre de règlements, coutumes et avis spirituels dressés par le bienheureux Prélat, et depuis longtemps en vigueur dans les Monastères de l'Institut. Faciliter aux Religieuses de la Visitation l'usage de ce recueil était d'autant plus nécessaire qu'il contenait le Directoire spirituel, dont la pratique assidue, conjointement avec celle des Constitutions, imprime à la fille de saint François de Sales la physionomie qui lui est propre.

 

Le saint Auteur de ce code avait déjà commencé à en revoir les divers articles[77], et l'on en retrouve quelques fragments autographes. Sainte Jeanne-Françoise de Chantal le coordonna en un volume qui fut examiné par les premières Mères de l'Institut de la Visitation, convoquées à cet effet au Ier Monastère d'Annecy. Elles furent unanimes à affirmer qu' « il n'y avait rien en icelui que les avis spirituels, coutumes et intentions de notre Bienheureux Instituteur, Père et Fondateur[78]. » Le dit recueil fut publié en 1628 sous ce titre :

 

Coutumier et Directoire pour les Sœurs Religieuses de la Visitation de Sainte Marie. A Lyon, pour Vincent de Cœursilly, en rue Tupin, à l'Enseigne de la Fleur de Lis, MDCXXVIII.[79]

 

Dans plusieurs de ses Lettres[80] sainte Jeanne-Françoise de Chantal atteste que le Coutumier est l'œuvre de son bienheureux Père : rien n'est donc plus certain, du moins quant à la substance de ces documents spirituels et monastiques, et particulièrement en ce qui regarde le Directoire. Toutefois, les Lettres de la Sainte Fondatrice prouvent également que, de concert avec les premières Mères, elle se permit plusieurs retouches et quelques additions, particulièrement en ce qui concerne l'administration matérielle des Monastères. L’édition définitive du Coutumier ne fut imprimée qu'en 1637.

 

Peu après la publication des Lettres et du Coutumier, des circonstances particulières amenèrent sainte Jeanne-Françoise de Chantal à faire paraître les Entretiens. Il a été dit plus haut que ce dernier ouvrage ne fut pas rédigé par saint François de Sales, mais fidèlement recueilli par les Religieuses de la Visitation, qui écrivaient les paroles de leur bienheureux Père aussitôt qu'elles venaient d'être prononcées. Ces conférences avaient déjà, été réunies en un volume manuscrit à l'usage des Monastères de l'Institut, sainte Jeanne-Françoise de Chantal se proposait de faire imprimer ce recueil « pour la consolation particuliere de nos Maisons» dit-elle[81] ; mais le manuscrit inachevé tomba entre les mains de certaines personnes qui le livrèrent au public avec beaucoup de fautes et d'inexactitudes[82]. Pour réparer ce fait regrettable, la Sainte se vit contrainte de donner la même publicité au texte authentique qui fut édité sous ce titre :

 

Les vrais Entretiens spirituels du Bienheureux François de Sales, Evêque et Prince de Genève, Instituteur et Fondateur de l'Ordre des Religieuses de la Visitation Sainte Marie. A Lyon, par Vincent de Cœursilly, Marchand Libraire, en rue Tupin, à l'enseigne de la Fleur de Lys, MCDXXIX.

 

Il sera question des Sermons dans les Œuvres de 1641. Le mode de publication des Controverses a été apprécié plus haut ; elles furent éditées pour la première fois dans les Œuvres de 1672.

 

Parmi les ouvrages encore inédits de saint François de Sales, les plus importants sont :

 

1. - Les écrits de la jeunesse du saint Docteur, dont on a parlé dans la première partie de cette Introduction, Essais sur l'Ethique chrétienne, Observationes theologicæ.

 

2. - Une partie des Controverses.

 

3-  Une courte "Dissertation sur la Sainte Eucharistie et deux sur la Virginité de la Sainte Vierge.

                                         

4. - Un grand nombre de Sermons et de Lettres.

 

- Le Traité sur la Demonomanie, ou, des Energumenes[83].

 

6. - Les fragments du livre de l'Origine des Curés[84].

 

7- - Les fragments de l'Histoire théandrique, de l'Amour du prochain, de la Metanie[85]. Ces fragments n'ont pas encore été retrouvés.

 

 

 

§ 2. - Œuvres complètes, ou données comme telles

 

Une des plus chères ambitions de sainte Jeanne Françoise de Chantal était de réunir les Œuvres disséminées de son bienheureux Père[86] ; en 1626, le libraire Pierre Rigaud, de Lyon, s'offrit à réaliser ce dessein. Il ne fut pas possible pour lors de profiter de sa bonne volonté, mais le même projet fut repris par le Commandeur de Sillery, vers l'an 1633, avec l'agrément et le concours de la sainte Fondatrice de la Visitation. Tandis que le Commandeur poursuivait les préparatifs de sa grande entreprise, d'autres admirateurs du saint Evêque de Genève, mûs par la même inspiration et plus diligents à la suivre, firent paraître la première édition des Œuvres réunies, en un volume in-folio intitulé :

 

Les Œuvres de Messire François de Sales, Evêque et Prince de Genève, d'heureuse et sainte Mémoire, Fondateur de l'Ordre de Notre Dame de la Visitation : ci-devant séparément publiées, et imprimées en divers temps et en divers endroits, tant du vivant, comme après le décès de l'Auteur ; et à Présent recueillies dans un corps de Volume pour la Plus grande commodité des personnes qui aspirent à la Perfection chrétienne. Edition nouvelle[87], revue et plus exactement corrigée que les précédentes, et disposée selon l'ordre déduit dans l'Avertissement; avec la Table particulière des Chapitres et arguments, à la fin de chaque Traité. A Tolose, par Pierre Bosc et Arnaud Colorniez, MDCXXXVII.

 

Cette édition comprenait : L'Introduction à la Vie dévote, le Traité de l'Amour de Dieu, 532 Lettres, réparties en VII Livres, Les vrais Entretiens, la Simple Considération sur le Symbole, la Défense de l'Étendard de la sainte Croix, l'Avertissement aux Confesseurs et les Sacrées Reliques. C'est une reproduction des ouvrages imprimés séparément; on y remarque des corrections intelligentes, surtout en ce qui concerne la traduction des Lettres faite par Charles-Auguste de Sales.

 

Il ne semble pas que sainte Jeanne-Françoise de Chantal ait eu connaissance de cette édition[88] ; quoi qu'il en soit, elle continua à seconder le Commandeur de Sillery dans la préparation de la sienne. Le décès de cet illustre ecclésiastique (26 septembre 1640) n'arrêta pas la publication dont l'impression était terminée; elle parut en deux volumes in-folio sous le titre :

Les Œuvres du Bienheureux François de Sales, Evêque et Prince de Genève : revues et augmentées d'un grand nombre de Pièces qui n'ont jamais paru avant cette Edition. Ou est ajoutée la Vie de ce parfait Prélat, composée nouvellement par le P. Nicolas Talon, de la Compagnie de Jésus. A Paris, chez Arnould Cottinet, rue des Carmes, proche la Mazure; jean Roger, au Carrefour Sainte Geneviève, à l'image Notre Darne ; et Thomas Lozet, rue des Amandiers, aux deux Dauphins. Et se vendent chez Gervais Alliot, rue Saint Jacques, à la Prudence, et en sa boutique au Palais, proche la Chapelle saint Michel ; et Robert Bertault, en la Galerie des Prisonniers, MDCXXXXI.

 

Cette édition contenait les mêmes ouvrages que la précédente, avec l'addition de 53 Lettres et des Sermons, dont 25 avaient été trouvés écrits de la main du saint Docteur, et les autres, au nombre de 33, recueillis par les Religieuses de la Visitation. Quelques-uns de ces derniers, de même que les Entretiens, exhalent tout le parfum du style de saint François de Sales, mais la lecture des autres ne laisse pas la même impression d'entière authenticité. Sainte Jeanne-Françoise de Chantal, peu satisfaite de la manière dont ces Sermons avaient été reproduits, en fit préparer une nouvelle édition qui fut publiée seulement en 1643. On y joignit les 53 nouvelles Lettres et la Déclaration Mystique du Cantique des Cantiques. Le nouveau texte des Sermons diffère peu de l'ancien, et les changements adoptés ne sont pas toujours des améliorations : aussi l'édition des Sermons de 1641 demeure, malgré tout, préférable à celle de 1643. Les Œuvres de 1647 (Paris, Jacques Dallin), reproduisent l'édition de 1641, avec le nouveau texte des Sermons ; la Déclaration Mystique y est ajoutée, et les 53 Lettres classées et distribuées entre les VII livres des Épitres Spirituelles.

 

Une nouvelle édition, d'autant plus importante qu'elle devait servir de base à toutes celles qui l'ont suivie, parut en 1652[89], en un volume in-folio, avec ce titre :

 

Les Œuvres du Bienheureux François de Sales, Evêque et Prince de Genève, Instituteur des Religieuses de la Visitation de Sainte Marie : revues et très exactement corrigées sur les premiers et plus fidèles exemplaires; enrichies nouvellement de plusieurs Emblèmes et Figures Symboliques, des citations de l'Écriture Sainte et d'annotations en marge. Avec un abrégé de sa Vie, et une Table très ample des matières et des choses Plus remarquables, qui manquait ci-devant à cet ouvrage. A Paris, chez la veuve de Sebastien Huré et Sebastien Huré, rue Saint Jacques, au Cœur-bon, MDCXXXXXIL

 

C'est une reproduction de l'édition de 1647, si ce n'est qu'elle ne renferme pas les Sermons ; pour la première fois le titre de Sacrées Reliques est changé en celui d'Opuscules. Le texte de cette publication est épuré d'un certain nombre de fautes qui s'étaient introduites dans les précédentes ; mais, d'autre part, les éditeurs se permirent certains changements peu avantageux, et c'est à cette époque que remonte l'origine de plusieurs regrettables altérations et substitutions de mots.

 

Les deux éditions de 1663 et celle de 1669, par Léonard, reproduisent l'édition de 1652, avec la réinsertion des Sermons d'après le texte de 1643. Les Œuvres de 1672, aussi par Léonard, en huit volumes in-12°, donnant le même texte que celles de 1669, ont un intérêt spécial en ce qu'elles renferment le livre des Controverses, édité alors pour la première fois. Cette édition, réimprimée en 1683, clôt la liste des éditions générales des Œuvres de saint François de Sales publiées au XVIIe siècle.

 

On ne retrouve pas de traces d'Œuvres dites complètes du grand Docteur pendant le XVIIIe siècle, mais en 1758, Hérissant, à Paris, publia les Lettres en six volumes par ordre chronologique, et en éleva le nombre à 84o. En 1768, le même imprimeur édita les Opuscules en quatre volumes ; un bon nombre de ces pièces ne sont que des répétitions et adaptations de certains passages déjà donnés ailleurs.

 

Le XIXe siècle a été fertile en éditions des Œuvres de saint François de Sales, soit imprimées séparément soit réunies en un corps : il ne sera question ici que des trois principales de cette dernière catégorie.

 

La première édition moderne des Œuvres complètes fut celle de Blaise (Paris, 1821) : elle forme seize volumes in-8°, avec six tomes supplémentaires. Cette publication (réimprimée en 1833) reproduit les éditions de 1663-1672, dont elle suit le texte, sauf pour les Lettres et les Opuscules où elle se conforme à l'édition Hérissant. Dans un des volumes supplémentaires une section des Controverses est répétée avec un texte amélioré ; un nombre assez considérable de lettres inédites, recueillies par le chevalier Datta (1835), en élève le total à 1100 environ. L'impression de ces volumes est peu soignée : ils renferment de nombreuses erreurs, les Lettres inédites surtout fourmillent d'inexactitudes. L'éditeur prétendait suivre l'orthographe ancienne, mais il le fait avec beaucoup d'inconséquence et d'irrégularité.

 

Les nombreux défauts de l'édition Blaise et de celles qui s'y conformèrent déterminèrent l'apparition de l'édition Vivès (Paris, 1856-1858), en douze volumes in-80 : les deux premiers volumes furent publiés sous la surveillance de M. l'Abbé Crelier qui a bien rendu le Traité de l'Amour de Dieu selon l'édition originale, et donné un bon texte de l’Introduction à la Vie dévote. M. Crelier fut le premier à émettre le vœu d'une fidèle reproduction de l'orthographe personnelle de saint François de Sales. Diverses circonstances ayant amené la retraite de ce savant ecclésiastique, l'impulsion qu'il avait donnée aux deux premiers volumes de cette édition ne se soutint pas : sauf quelques légères améliorations, elle reproduit le texte donné par Blaise, avec l'addition des Règles et Constitutions de la Visitation et de quelques Lettres. La disposition des matières, adoptée dans les précédentes publications des Œuvres réunies en un corps, subit une notable modification dans l'édition Vivès : les divers écrits de notre Saint sont distribués en cinq classes, les Lettres et les Opuscules suivant la section à laquelle ils semblent se rattacher; il résulte de la difficile application de ce principe de classement une grande confusion dans les six derniers volumes.

 

La dernière édition qui porte un caractère distinctif est celle de Migne (Paris, 1861, 1862), en six volumes, grand in-8°, à deux colonnes, plus un volume supplémentaire publié en 1864. Environ 250 Lettres, plusieurs Sermons et divers fragments sont ajoutés aux Œuvres déjà connues de saint François de Sales ; le premier Titre du Code Fabrien y est introduit pour la première fois ; mais la plupart des autres additions aux écrits de notre Saint ne sont que la répétition de pièces déjà données sous une autre forme[90]. Le texte est celui des éditions précédentes, à l'exception toutefois de l'orthographe moderne, adoptée pour toutes les Œuvres, malgré la marche traditionnelle généralement suivie jusqu'alors dans les publications antérieures : le texte d'un certain nombre des Lettres inédites est altéré par son adaptation au style et à l'orthographe moderne. Les Œuvres du saint Docteur sont réparties en sept classes. La distribution des diverses matières contenues dans les derniers volumes n'est pas mieux ordonnée dans cette édition que dans celle de Vivès, à l'exception de la Correspondance épistolaire dont la principale partie retrouve un ordre relatif.

 

Les détails qui viennent d'être donnés sur ces éditions successives montrent l'état actuel des Œuvres de saint François de Sales au point de vue de leur publication : plusieurs sont encore inédites ; celles même publiées par le saint Docteur, à l'exception du Traité de l'Amour de Dieu, exigent une révision plus ou moins minutieuse sur les textes authentiques ; pour les Œuvres posthumes surtout, il est indispensable de remonter aux sources. Il reste maintenant à traiter de l'Édition actuelle, du travail des éditeurs et des précieuses ressources dont ils disposent pour répondre à la légitime attente du public.

 

 

 

IV

 

Edition actuelle des Œuvres de saint François de Sales

 

Les premières pages de cette Introduction ont assez clairement exposé le but de la présente Edition : publier tous les écrits du saint Docteur, les reproduire dans l'intégrité des textes originaux, avec tout le soin et la perfection typographique que méritent des enseignements d'un ordre si élevé[91] : en un mot, faire connaître saint François de Sales tel qu'il s'est dépeint lui-même dans ses Œuvres et tel qu'il est offert à l'admiration de la sainte Eglise de Dieu.

 

Ainsi qu'il a été également dit plus haut, cette Edition authentique et définitive doit, d'une part, exclure les additions introduites sans examen suffisant et tout ce qui n'émanerait pas directement du saint Auteur, et, d'autre part, offrir toutes les garanties désirables pour assurer l'entière véracité des pièces qui doivent en faire partie, et surtout des pages inédites qui viennent prendre place au milieu des chefs-d'œuvre déjà connus de notre grand Docteur.

 

Il est maintenant nécessaire de donner sommairement quelques détails relatifs aux ouvrages contenus dans la présente Edition, aux principes suivis pour la reproduction du texte et de l'orthographe de saint François de Sales, et à l'ordre dans lequel ses Œuvres seront publiées.

 

 

§ 1. - Ouvrages du Saint.

 

L'Edition actuelle des Œuvres du saint Docteur ajoute à tous les ouvrages précédemment publiés, d'importants et nombreux documents inédits.

 

Les Controverses, reproduites intégralement d'après les autographes, complétées et enrichies de pages inédites d'une haute valeur, classées selon l'ordre indiqué par le saint Auteur lui-même, deviennent, en quelque sorte, une nouvelle création.

 

Le texte de la Défense de l'Étendard de la Croix sera éclairé et complété par de nombreuses variantes tirées des autographes ; ces variantes, qui renferment des passages inédits très importants, offrent un grand intérêt littéraire et permettent au lecteur de suivre le travail de saint François de Sales, l'élaboration de sa pensée, les diverses nuances de son style.

 

L'Introduction à la Vie Dévote, donnée d'après la dernière édition revue et corrigée par le Saint (1619), sera enrichie de variantes et de nouveaux documents recueillis des Manuscrits autographes. La remarquable édition princeps de 1609, vu son importance littéraire, sera reproduite en appendice.

 

Le Traité de l'Amour de Dieu sera orné d'intéressantes variantes et de parties inédites prises sur les autographes mêmes.

 

Les Entretiens., reproduits d'après la Ière édition, seront également enrichis de variantes et de diverses pièces pleines d'intérêt.

 

De nombreux Sermons, récemment découverts, deviennent une nouvelle révélation du cœur et de l'âme du saint Docteur, aussi bien que de son génie et de son talent oratoire.

 

Un nombre considérable de Lettres inédites seront jointes à celles qui ont été données jusqu'ici dans les collections générales et particulières.

 

Différentes pièces appartenant à la classe générale des Opuscules, seront aussi publiées pour la première fois dans la présente Edition.

 

Pour compléter les détails relatifs à la publication actuelle des ouvrages du saint Docteur, il est nécessaire de donner un aperçu du travail complémentaire des éditeurs.

 

1. Les textes de la Sainte Ecriture et des auteurs cités par saint François de Sales seront indiqués partout[92]. La Patrologie de Migne, plus complète et plus généralement connue, servira de base aux éditeurs pour leurs Indications des saints Pères, sans exclure toutefois les autres sources qui pourraient fournir d'utiles renseignements.

 

2. Des Notes explicatives et bibliographiques seront données lorsqu'elles paraîtront nécessaires.

 

3. Des Préfaces ou Introductions, jointes à chacun des principaux ouvrages ou section d'écrits du saint Docteur, contiendront tous les éclaircissements désirables.

 

4. Un Glossaire placé à la fin de chaque volume facilitera l'intelligence du texte.

 

5. Lorsque des motifs particuliers sembleront le demander, des catalogues d'auteurs ou d'autres Tables analogues fourniront d'intéressantes explications,

 

6. Des Pièces justificatives et documents importants seront donnés en appendice.

 

 

§ 2. - Texte.

 

La présente Edition doit se montrer fidèle à sa devise, le Non Excidet du saint Docteur. Il ne suffirait pas de reproduire les textes originaux dans toute leur intégrité, de rétablir ceux qui ont subi quelque altération : il faut rendre le style de saint François de Sales tel qu'il est sorti de sa plume en même temps que de son cœur. Ses Œuvres, pour conserver leur cachet d'authenticité, doivent être publiées sous leur forme primitive; ce cachet, trait distinctif de l'Edition actuelle, doit être fidèlement apposé sur chacune de ses pages. Le même principe de fidélité s'appliquera également à la reproduction de l'orthographe personnelle de notre grand Docteur, c'est à dire, l'orthographe de ses Manuscrits , qui diffère en plusieurs points de celle même des éditions originales. Cette question, déjà effleurée plus haut, demande ici de plus amples développements et se présente à un double point de vue : Quelle est l'orthographe personnelle de saint François de Sales ? Peut-on et doit-on adopter ce type pour une Edition authentique et définitive de ses Œuvres ? Il ne sera pas difficile de répondre à ces deux interrogations.

 

L'étude soigneuse des autographes de l'éminent Auteur initie aux moindres détails de la composition de ses ouvrages. On aime à retrouver dans ces pages, non seulement les charmes de son style, mais encore les procédés de son esprit. Ses corrections, surcharges, ratures mêmes, sont un indice du perfectionnement qu'il poursuivait dans tous les détails de sa vie. Cette tendance, constamment soutenue dans les nombreuses pages manuscrites du saint Ecrivain, permet aux éditeurs de reproduire intégralement son orthographe personnelle, sans l'asservir à une froide régularité ni la soumettre aux principes généraux de la langue du XVIe siècle : car, nous venons de l'indiquer en passant, l'un des traits caractéristiques de l'orthographe de notre Saint est d'être progressive. Notre grand Docteur ne demeura jamais stationnaire : de même qu'il croissait en justice et en sainteté tous les jours de sa vie, il acquérait aussi de nouveaux degrés de science et, comme on l'a déjà dit, son style revêtait chaque jour des formes plus simples et plus claires ; son orthographe suit la même impulsion et ce travail de perfectionnement se divise en quatre phases distinctes, parallèles aux principales époques de sa vie. Cette intéressante observation, fruit de longues recherches et d'une étude très suivie des autographes du Saint, mérite quelques éclaircissements.

 

La diction de saint François de Sales, d'abord assujettie aux principes qu'il venait de recevoir dans ses cours universitaires, subit bientôt l'influence des divers dialectes qui l'entouraient. Souvent les traits sublimes de son éloquence empruntent les formes classiques les plus pures ; quelquefois on y remarque certaines particularités d'orthographe et certaines incorrections qui vont disparaître par suite de ses nouvelles relations avec la France, où déjà le mouvement littéraire est plus accentué. En 1602, les intérêts du diocèse de Genève conduisent à Paris le jeune Coadjuteur; ses affaires l’y retiennent pendant de longs mois, le mettent en contact avec la cour de Henri IV et le monde lettré de la capitale, lui donnent toute facilité de former son goût, d'épurer son langage dont les charmes lui gagnent déjà tous les cœurs. La célèbre Oraison funèbre du duc de Mercœur inaugure cette seconde époque, qui s'étend jusqu'en 1608, et pendant laquelle on aime à rencontrer çà et là, comme jalons, les lettres intimes que notre Saint écrivait à son, ami Deshayes. La troisième période (1608-1619), est marquée par la composition des deux chefs-d'œuvre du saint Docteur : l'Introduction à la Vie dévote et le Traité de l'Amour de Dieu. De fréquents voyages à Lyon et en Bourgogne, divers séjours à Dijon, Chambéry, Grenoble lui permettent de développer de plus en plus son goût, de perfectionner son langage déjà si correct et si plein d'attraits. L'année 1619 ouvre la quatrième phase littéraire : la résidence prolongée de saint François de Sales à Paris eut sous ce rapport, comme en tout, une influence considérable sur les dernières années de sa vie. Les devoirs de sa position l'obligeaient à fréquenter la cour de Louis XIII, à entretenir des relations avec les personnages les plus remarquables et les plus érudits de la grande ville ; son style prend sa forme définitive, l'orthographe se perfectionne encore. C'est dans les lettres autographes de cette période que l'on peut constater ce dernier progrès.

 

Pour répondre complètement à la première question que nous nous sommes posée, il faudrait maintenant résumer les traits saillants, les caractères distinctifs et personnels de l'orthographe de saint François de Sales, par une étude comparative avec les principes de la langue du XVIe siècle. Il serait surtout intéressant de constater l'influence que la lecture de tel ou tel auteur, les relations avec tel ou tel lettré ont pu avoir sur notre Saint, quant à l'élocution, au choix des mots et à la manière de les écrire; mais le cadre de cette Introduction ne s'y prêterait point : nous nous bornerons donc à indiquer sommairement quelques traits distinctifs. Le lecteur intelligent, le grammairien érudit se livreront sur ce sujet à de plus amples recherches ; elles leur seront facilitées par la lecture des ouvrages du saint Docteur, grâce à l'ordre adopté pour leur publication et à la parfaite intégrité du texte.

 

Saint François de Sales ne s'écarte pas des principes généralement admis à son époque : les particularités orthographiques de son style se font remarquer lorsque les licences, les hésitations de la langue du XVIe siècle laissent un plus libre cours à sa plume, lui permettant le choix d'une forme qu'il s'approprie et rend sienne, en quelque sorte.

 

Ainsi, par exemple, il admet le pluriel par z, dans les mots terminés par l, t ; ce principe est régulièrement suivi dans les autographes du Saint, sauf quelques exceptions.

 

Il emploie ordinairement cette même forme de pluriel par z dans les mots terminés par c, d, f, p, u, etc., bien qu'il l'y remplace souvent aussi par s, dont il forme le pluriel ordinaire des autres mots.

 

L’usage de son temps lui laissant à choisir entre z ou s pour la seconde personne du pluriel des verbes, le saint Auteur adopte l’s, d'une manière très uniforme.

 

L’emploi, également permis à son époque, du y pour i et vice versa lui est habituel.

 

Il garde aussi la liberté d'une double forme pour quelques mots, tels que : donq, donques ; encor, encores ; tous-jours, tousjours; des-ja, desja, etc., etc.

 

L’accent grave, qui commence à paraître vers le milieu du XVIe  siècle sur à préposition, où et là adverbes, ne se trouve jamais sous la plume de saint François de Sales.

 

On pourrait difficilement indiquer ici d'autres principes régulièrement suivis par le saint Ecrivain, ses autographes offrant les variations admises à son époque, et suivant les phases progressives désignées plus haut. Il sera donc préférable de signaler dans la préface particulière à chacun de ses ouvrages, certaines spécialités de l'orthographe de notre Saint se rattachant à la période littéraire de telle ou telle de ses compositions.

 

Ce court exposé des caractéristiques de l'orthographe de saint François de Sales suffira pour prouver que la reproduction n'en présente pas une difficulté insurmontable. En effet, ces variations étranges, ces irrégularités choquantes qui défigurent les pages autographes des plus grands écrivains d'une époque même postérieure à celle de notre Saint, ne se trouvent pas sous sa plume. Rien dans ses Manuscrits qui puisse en rendre la lecture difficile et fatigante. Quant à la convenance, au devoir même, de publier le texte intégral des autographes de saint François de Sales, il devient incontestable, dès qu'il y a possibilité d'entreprendre cette reproduction, par le fait même qu'il s’agit de l'Edition authentique des Œuvres d'un Docteur de l'Eglise, dont aucune parole ne doit être livrée à une interprétation arbitraire. Un motif secondaire, mais non moins réel, se trouve dans l'intérêt qu'offre l'exacte reproduction des Manuscrits d'un écrivain tel que saint François de Sales. Régulière dans ses irrégularités mêmes, son orthographe marque une étape dans l'histoire de la littérature française, et pour cette raison encore, mérite d'être fidèlement gardée[93].

 

Les plus puissants encouragements de personnages éminents par leur science, comme par le rang élevé qu'ils occupent dans la hiérarchie ecclésiastique, sont venus appuyer cette détermination ; les vrais admirateurs de la doctrine de saint François de Sales, les appréciateurs de son style désirent le retrouver tout entier dans ses Œuvres, aussi bien quant à l'orthographe que relativement à la naïveté de l'expression, ces deux conditions étant inséparables. En effet, le style du saint Auteur ne saurait subir la moindre retouche sans perdre de sa grâce et de sa beauté ; d'une harmonie inimitable, chacune de ses notes doit être fidèlement gardée : substituer à son orthographe les formes modernes serait détruire cette harmonie ; plusieurs de ses expressions mêmes seraient altérées en subissant l'influence des règles grammaticales actuelles[94].

 

La lecture de l'orthographe ancienne n'est plus une difficulté à une époque comme la nôtre, où l'étude des transformations successives de la langue occupe une si large place dans tous les cours littéraires. Déjà plusieurs éditeurs modernes des Œuvres de saint François de Sales ont adopté l'orthographe ancienne ; quelquefois même, tout en prenant pour base la langue du XVIe siècle, ils ont prêté à la plume du grand Ecrivain des termes surannés, des formes orthographiques dont il ne s'est jamais, ou très rarement servi ; leurs éditions ont cependant obtenu de grands succès, elles sont recherchées par les hommes de goût et par les personnes pieuses. Présentés avec leur caractère d'intégrité, harmonisés dans leur ensemble, les écrits du saint Docteur offrent un intérêt nouveau. Les lecteurs de la présente publication sauront donc gré aux éditeurs, d'avoir respecté avec la plus scrupuleuse fidélité les moindres traits de la physionomie littéraire du saint Evêque de Genève, dont « les termes de langage, choisis par son cœur plus encore que par son esprit, ne peuvent être changés, dérangés, sans qu'on défigure l'ouvrage, sans qu'on énerve la céleste éloquence dont dépend son utilité[95]

 

La question du texte des autographes de saint François de Sales ne saurait être terminée sans dire quelques mots de la Ponctuation, qui en constitue une partie relativement importante. Le Saint emploie les signes ordinaires usités au XVIe siècle, avec les variations et licences alors permises. Dans les passages difficiles, la ponctuation intelligente des autographes devient souvent un trait de lumière éclairant la pensée du saint Docteur ; d'autres fois encore, on est surpris de voir sa plume anticiper avec une remarquable précision sur les règles modernes. Malgré ces avantages justement appréciés dans une étude particulière, il n'a pas été possible d'adopter d'une manière absolue la ponctuation des autographes de notre Saint, l'uniformité n'en étant pas assez soutenue : le texte imprimé présentera donc une ponctuation régulière s'harmonisant avec le style et la pensée du saint Auteur. La tâche n'est pas sans difficulté - on sait combien les tournures de phrases du XVIe siècle diffèrent du style moderne !, et combien il est malaisé d'y adapter les règles de la ponctuation actuelle ; souvent même il est nécessaire de les sacrifier pour assurer l'intelligence du texte.

 

Quant à la ponctuation des éditions originales, elle est à rectifier en plusieurs points : irrégulière et souvent fautive, elle jette parfois sur le texte une véritable obscurité qui disparaîtra dans la présente publication.

 

 

§ 3. - Ordre de publication.

 

Parmi les nombreuses productions du cœur et de l'esprit de notre saint Docteur, quatre grands traités, deux polémiques et deux ascétiques, occupent le premier rang et méritent d'être signalés tout d'abord à l'attention du lecteur. Dans les précédentes publications, soit qu'il s'agisse des classifications plus précises de Vivès et de Migne, ou des compilations moins déterminées des anciens éditeurs, on avait assigné un ordre de préséance aux deux principales œuvres ascétiques de saint François de Sales, en reléguant ses traités polémiques à une place inférieure. Malgré cet usage traditionnel, il a paru préférable, dans cette Edition authentique, de suivre l'ordre de la composition pour la publication de ces quatre ouvrages principaux : cette disposition permettant de suivre, non seulement le développement intellectuel du saint Ecrivain, mais encore l'épanouissement de ses dons surnaturels. Quant aux autres œuvres de notre Saint, elles seront réparties selon les quatre grandes divisions qui les distinguent. D'après ce classement, la collection des Œuvres de saint François de Sales se subdivise naturellement comme il suit

 

1° Les Controverses

Défense de l'Étendard de la sainte Croix

Introduction à la Vie dévote

Traite de l'Amour de Dieu

Entretiens

Sermons

Lettres

Opuscules

 

Pour la reproduction des Lettres, l'ordre chronologique s'impose de lui-même dans une édition authentique et complète : la correspondance du saint Evêque de Genève forme son histoire la plus belle et la plus vraie, en disperser les pages serait la détruire entièrement. Le manque d'ordre dans la classification des Lettres est un des plus regrettables défauts de quelques éditions précédentes, il importe d'y remédier dans celle-ci. Des groupements de Lettres, déterminés par l'analogie des matières traitées, sont tolérables dans un recueil destiné à une simple lecture de piété, ou dans une collection de Lettres choisies ; mais une édition complète ne peut admettre cette marche contraire à l'histoire et à la logique. Semblables à des perles disséminées, les Lettres de saint François de Sales ont perdu, au milieu de classifications arbitraires, une grande partie de leur doux rayonnement : l'heure est venue de leur rendre l'intérêt qu'elles avaient en sortant de l'inimitable plume qui les traça. Aucun soin ne sera épargné pour atteindre ce but : toutefois, malgré les diligentes recherches faites jusqu'ici, cette correspondance si riche et si attachante présente encore de nombreuses lacunes ; les éditeurs, pour les combler, sollicitent le concours bienveillant de tous les admirateurs du saint Evêque de Genève. Les personnes qui auraient le bonheur de posséder quelques-uns de ces précieux manuscrits sont instamment priées de les communiquer au Monastère de la Visitation d’Annecy. Ces pièces, reçues avec vénération, seront immédiatement copiées et renvoyées à leurs possesseurs. Toutes les précautions seront prises pour éviter la plus légère détérioration. Cet appel n'est pas spécial aux Lettres de notre grand Docteur, il s'étend à tous ses autographes, de quelque sujet qu'ils traitent, et lors même qu'ils sembleraient de peu d'importance ; car, ainsi qu'on a pu le voir plus haut, un certain nombre de ses écrits ne sont pas encore retrouvés. La plus vive reconnaissance accueillera cette communication ; celle des manuscrits déjà connus et édités n'est pas moins utile, tant il importe de rétablir le texte authentique en remontant aux sources.

 

Ainsi que l'on a pu s'en convaincre, le but unique de cette Introduction générale a été de faire mieux apprécier le mérite et l'excellence des Œuvres de notre grand Docteur, afin d'exciter les lecteurs à s'en nourrir avec plus d'avidité; car, pour comprendre l'âme et le cœur de saint François de Sales, pour pénétrer dans l'intime sanctuaire de sa pensée, ce n'est pas un commentaire de ses Œuvres, ce sont ses Œuvres mêmes qu'il faut lire et méditer. Pendant les jours de sa vie mortelle, la seule approche, la seule vue de cet aimable Saint calmait les passions agitées, relevait les courages abattus; une seule de ses paroles, le son même de sa voix suffisait à toucher, éclairer, ravir! L’influence céleste qu'exerçait le contact du saint Evêque de Genève dure encore, elle s'échappe de chacune des pages de ses écrits : que d'âmes y ont puisé le courage, la paix, les nobles inspirations, les généreux dévouements ! Il est impossible d'appliquer son intelligence à ces admirables ouvrages, sans être fortifié, sans devenir meilleur.

 

Les historiens de saint François de Sales nous apprennent que, lorsque l'on ouvrait son glorieux tombeau, les parfums surnaturels qui s'en exhalaient envahissaient toute sa « bien aimée ville d'Annecy » et s'étendaient aux alentours : ce divin arôme se fait encore sentir, il s'échappe surtout des « reliques de l'esprit » de notre grand Docteur, et déjà toute l'Eglise de Dieu est remplie de l'odeur de ce Parfum. Cette bienheureuse effusion doit s'étendre encore davantage, de là l'immense désir et l'extrême jalousie qui animent les éditeurs des Œuvres de saint François de Sales : désir de faire toujours mieux connaître, toujours plus aimer notre grand Docteur, jalousie qui n'admet aucune addition, aucune altération, aucun mélange qui puisse gâter la douceur du baume de ses écrits. Toutefois, les « artisans de cette grande œuvre[96] » n'ont garde d'attribuer aux soins qu'ils prennent, au zèle qu'ils déploient, à la sévère exactitude qu'ils se sont prescrite les augustes encouragements et la haute approbation qui leur sont donnés ; ils préfèrent se rappeler les paroles de jean Miget, dévoué postulateur de la cause de Canonisation du vénérable Evêque de Genève, lorsque, étant sollicité de s'appliquer en même temps à une autre poursuite, il répondait : « Les faveurs que le Saint Esprit a inspiré à Sa Sainteté de protéger notre cause sont fondées sur des raisons si hautes, relevées, surnaturelles et à nous inconnues, lesquelles je ne sais pas si elles auront des corrélatifs transcendants pour s'appliquer à une autre cause... où les raisons seront bien différentes[97]. » On peut croire, sans trop de présomption, que c'est sous l'influence de semblables divines inspirations que notre Très Saint Père le Pape Léon XIII a pris sous son patronage spécial « cette œuvre, aussi importante pour les services qu'elle est appelée à rendre, qu'elle est élevée par son objet[98]. »

 

Cette Edition est, en effet, une hymne de louange entonnée à la gloire de la Sagesse éternelle se communiquant à une intelligence créée, digne de refléter son rayonnement divin sur l'Eglise et le monde; c'est l'éloge le plus vrai qui puisse être fait des enseignements de notre grand Docteur lui-même, la plus complète réalisation des paroles inspirées[99] qui lui furent appliquées par Clément VIII - Bibe, fili mi, aquam de cisterna tua et fluenta Putei tui; deriventur fontes tui foras et in Plateis aquas tuas divide : Buvez, mon fils, des eaux de votre citerne et de la source de votre Puits ; faites que l'abondance de vos eaux se répande sur toutes les places publiques.

 

Dom B. MACKEY, O. S. B.

 

 



NOTES

[1] Bref du Doctorat, par le Pape Pie IX le 16 novembre 1877

[2] La date de 1566 a été récemment proposée, avec beaucoup de vraisemblance. Cette question sera discutée dans l'Histoire du Saint.

[3] Se trouvant un jour sur le petit plateau de Saint-Germain, le saint Evêque contemplait toutes ces beautés de la nature, réunies en un seul point de vue; ravi d'admiration il s'écria : « 0 Dieu ! que ne sommes-nous pour ne plus partir de ce lieu ! Voici une retraite toute propre à bien servir Dieu et son Eglise avec notre plume ; » et, s'adressant au Prieur de l'Abbaye de Talloires qui l'accompagnait - « Savez-vous, notre Père Prieur, les conceptions descendraient et pleuvraient dru et menu ainsi que les neiges y tombent en hiver. » (Le P. de la Rivière, Vie de l’Illustrissime et Révérendissime François de Sales, liv. III, chap. XVIII.)

[4] Charles-Auguste de Sales, Histoire du B. François de Sales (Lyon, La Bottiere et Juillard, MDCXXXIV), liv. I.

[5] Il est difficile d'indiquer exactement la date de l'arrivée de saint François de Sales à Paris ; on ne pourrait, toutefois, la reculer au delà de 1581. Ce qui peut être affirmé avec certitude, c'est que le saint jeune homme y demeura jusqu'à l'été de 1588 : Jean Pasquellet, de Moyrans, et Antoine Bouvard, d'Annecy, secrétaire du duc de Nemours, déposent dans le premier Procès de Béatification et Canonisation, ad art. 4-, qu'ils ont visité le Saint à Paris en 1 588; le second précise même le jour de cette entrevue aux « grands Barricades » (mai 12-16, 1588), date mémorable. Cf. Mugnier, Les Evêques de Genève-Annecy depuis la Réforme (Pièces justificatives, III). Peut-être M. de Boisy agréa-t-il cette prolongation de séjour, afin de permettre à M. Déage de prendre son grade de docteur de la faculté de théologie en Sorbonne, dont les cours duraient six ans.

[6] « En l'année mil six cens, » dit M. Deshayes, « ayant a passer dans la ville de Necy, quantité de personnes me donnèrent des lettres et des livres pour lui ; entre autres, un docte traité des Energumènes, composé par Monsieur de Bérulle. » (Process remiss. Parisiensis, ad art. I.)

[7] Dans son discours aux docteurs de Padoue. Ch.-Aug., liv.I.

[8] Chronographia, lib. IV, ad ann. 1577.

[9] Ch.-Auguste se trompe cri affirmant (liv. 1) que son saint Oncle eut Maldonat pour professeur et suivit ses cours sur le Cantique des Cantiques. Ce grand homme avait quitté Paris en 1576, et n'y revint qu'une seule fois, en qualité de visiteur, pour organiser les classes de 1579-1580 (voir le P. J.-M. Prat, Maldonat et l'Université de Paris au XVIe siècle, liv. IV, chap. 2). L'exposition des Cantiques suivie par notre Saint fut celle de Génébrard (voir le Traité de l’Amour de Dieu, liv. XI, chap. XI),

[10] Il est nécessaire pour la clarté du récit de donner quelques renseignements sur les divers Procès de Canonisation de saint François de Sales, qui seront souvent cités dans le cours de cette Edition. En 1626, une commission pontificale destinée à l'enquête officielle des témoins (sur les vertus et les miracles du Serviteur de Dieu), fut instituée pour les diocèses de Genève (Processus remissorialis Gebennensis), de Paris (Process. remiss. Parisiensis) et d'Orléans (Process. remiss. Aurelianensis). Les dépositions furent portées à Rome par Dom juste Guérin en 1633 ; mais certaines formalités, exigées depuis peu par la S. Congrégation des Rites, n'ayant pas été observées, ce vice de procédure arrêta, pour le moment, la poursuite de la cause. A la reprise du Procès en 1656, les premières dépositions furent examinées à nouveau, et il fut formellement déclaré que, pour assurer leur validité, il suffisait de rectifier et ajouter les formes nécessaires. Mais le désir de glorifier davantage le Serviteur de Dieu engagea le Saint-Siège à instituer une nouvelle commission, afin de recueillir d'autres témoignages et de former un nouveau Procès, tout en y insérant quelques parties choisies de l'ancien - cette commission fut désignée pour le diocèse de Genève seulement. Dans le premier Procès les informations furent prises sur 6 interrogatoires et 55 articles, dans le second il y a 22 interrogatoires et 85 articles. Dans le cours de la poursuite de la cause il y avait eu encore deux enquêtes distinctes, l'une en 1648, l'autre en 1653 : elles forment les Procès De non-cultu.

Tous ces Procès, originaux ou copies certifiées conformes, se conservent aux Archives du il, Monastère de la Visitation d'Annecy. Bien que chaque Procès rémissorial compte plusieurs volumes, il suffira, pour l'ordinaire, de citer le nom du témoin, sans préciser le tome, excepté lorsqu'il s'agira des écrits du Saint. Dans le premier Procès ces écrits ont un titre particulier : Scripturqe et jura compulsata; ils seront cités ainsi : Process. remiss. Gebenn. J), Script. compuls. Les écrits produits dans le second Procès sont contenus dans le tome V, sans aucun titre.

[11] Une note auto-biographique dans l'Analyse de droit civil, nous apprend que le jeune docteur quitta Padoue le 8 octobre 1591, avec son frère Gallois et M. Déage, et fit voile de Venise à Ancône afin de se rendre à Rome ; mais trouvant les routes infestées par des brigands, les voyageurs revinrent à Padoue pour l'hiver, après avoir visité le sanctuaire de Lorette.

[12] De la Rivière, liv. I, chap. IX.

[13] « Le B. H. Prélat, » dit Mr André de Sauzea, Evêque de Bethléem, « portait ordinairement un petit livre appelé ‘Le Combat spirituel’, et me disait que jamais il ne le lisait qu'il n'apprit quelque chose de beau ; et me fit voir comme il l'avait tourné d'italien en français, mais ayant su qu'on en avait mis une autre version sur la presse pour la faire imprimer, il retira la sienne qu'il avait envoyé à Lyon pour la faire imprimer, quoique sa version fut beaucoup meilleure que l'autre. » (Process, remiss. Parisiensis, ad art. 43.)

[14] Propositas hinc inde difficultates, suis cum argumentis, in libello describebat. Ch.-Auguste, De Vita et rebus gestis... Francisci Salesii (Lugduni, apud Bottierum et julliardum, MDCXXXIV), lib. I. Cette édition latine de l'Histoire du Saint contient plusieurs particularités qui ne se trouvent pas dans l'édition française.

[15] « Atque hæc tremens timensque notabani, anno 1590, 15 Decembris, ut pro sententia quam Ecclesia Catholica, Apostolica et Romana, Mater mea et columna veritatis, amplexa est, aut deinceps amplectetur, non modo omnes, omnino omni meo renitente intellectu, quas habeo aut habiturus sum conclusiones, sed etiam caput ipsum a quo manant prorsus abjicere sum paratissimus, nec quidquam unquam dicturus sum, dum Deus dabit intellectum, nisi quod fidei Catholicæ conformius videbitur. Credidi enim, propter quod loculus sum, non, locutus sum propter quod credidi ; hoc est : fides debet esse regula credendi ; sed claudat omnia humilitas, ego autem humiliatus sum nimis. Amen, amen. Mense primo Pontificatus Sanctissimi Domini Nostri Gregorii XIV.»

[16] Process. remiss. Parisiensis, ad art. 10.

[17] Mr de Sauzea, qui appartenait à la maison de saint François de Sales de 1602 à 1608, dépose qu'il lui a « vu composer un très docte traité en latin, De Trinitate, qui est inséré au commencement du livre de jurisprudence de M. Favre, son frère d'alliance. » (Process. remiss. Parisiensis, ad art. 44.)

[18] « Se faisaient dans ce temps la, » dit Georges Roland, « des assemblées de personnes dévotes au logis du seigneur Acarie, où il fut appelé et prié d'être leur père spirituel. » (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 21.)

[19] « J'ai vu, » dit Louis de Genève, curé de Vyuz en Faucigny, « une infinité d'écrits et traités par lui dressés pour la conduite des âmes, lesquels sont demeurés entre ses papiers sans être imprimés. » (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 27.)

[20] Préface du Traité de l’Amour de Dieu..

[21] Saint Vincent de Paul. (Process. remiss. Parisiensis, ad art. 26.)

[22] Œuvres de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, Lettre MCDLXXVI.

[23] Amblard Comte, professeur au Collège d'Annecy. (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art, 44.

[24] Les Controverses, Epître à Messieurs de Thonon.

[25] Process. remiss. Parisiensis, ad art. 24.

[26] Process, remiss. Gebenn. (I), ad art- 44. Voir la Lettre de saint François de Sales à l'Archevêque de Vienne, [1609]. Cf. Ch.-Aug. ; liv. X et Table des preuves, 64-66,

[27] M. Godefroy, Hist. De la littérature française, XVIe siècle.

[28] Process. Remiss. Parisiensis, ad art.27

[29] « J’appris à connaitre tout plein de prélats et particulièrement Mr l’Evêque de Luçon, qui me jura toute amitié, et me dit qu’en fin il se rangerait à mon parti, pour ne penser plus qu’a Dieu et au salut des âmes. » Lettre (inédite) de saint François de Sales (octobre 1619). (Archives de la Visitation de Westbury on Trym, Angleterre).

[30] Bref du Doctorat.

[31] Œuvres complètes de saint François de Sales, Paris, 1821.

[32] Panégyrique de saint François de Sales, Partie II.

[33] Concessio tituli Doctoris S. Franc. Salesii, postulatio XXXVII.

[34] Ibidem, postul. XXVII.

[35] Bref du Doctorat.

[36] Mémoires de Trévoux, juillet 1736.

[37] Préface du Traité de l’Amour de Dieu.

[38] Cette Épitre (adressée à Mgr l’Archevêque de Bourges, 5 octobre 1604) est en réalité un Traité d’éloquence sacrée, et, selon toute probabilité, reproduit en substance le document mentionné en ces termes par Jean-François de Blomay, Prieur de Saint-Paul en Chablais : « Le saint Prélat conformait ses sermons à un Directoire qu’il avait fait, lequel il m’a communiqué, étant écrit en sa main. » (Process. Remiss. Gebenn. (I), ad art. 35). Ce Directoire, destiné à l’usage personnel du saint Auteur, était sans doute en latin ; toutefois, la version latine actuellement connue de l’Épitre sur la Prédication émane de la plume du célèbre docteur Martin Steyaert, professeur royal de théologie à l’Université de Louvain (1647-1701), qui traduisit cette Épitre comme un des plus utiles documents qu’il pouvait offrir à ses disciples : Sancti Francisi Salesii epist. XXXI, ad quendam Antistitem, de prædicandi methodo, nunc Latine versa (inter Opuscula D. M. Steyaert, tom. III, Lovanii, Denique, 1703).

[39] Lettres sur la manière de prêcher évangéliquement.

[40] Concessio tituli Doctoris S. Franc. Salesii, Responsio ad animadv., 33.

[41] Épitre sur la Prédication, §5.

[42] Bref du Doctorat.

[43] Épitre sur la Prédication, §5.

[44] Voir le Sermon sur saint François de Sales, par M. Olier. Œuvres, édition Migne, tome unique.

[45] Comme on a reproché à saint François de Sales d’avoir cité Montaigne avec éloge, il est bon de rappeler ici que cet écrivain est resté fils dévoué de la sainte Eglise. S'il fut coupable, ce fut surtout par ignorance ; il hasarda des opinions téméraires sur des questions importantes de foi et de morale, sans les avoir préalablement soumises à l'autorité de l'Eglise, qu'il ne cessa cependant jamais de révérer. « Je propose, » dit-il, « des fantaisies informes et irrésolues... je les soumets au jugement de ceux à qui il touche de régler, non seulement mes actions et mes écrits, mais encore mes pensées... tenant pour absurde et impie si rien se rencontre ignoramment ou inadvertamment couché en ceste rapsodie, contrayre aux sainctes résolutions de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, en laquelle je meurs et en laquelle je suys né. » (Essais, liv. I, chap. LVI, Des Prières.) Dans son Histoire de la Littérature française, XVIe siècle, M. Godefroy parle de Montaigne dans le sens que nous venons d'indiquer. Le livre intitulé, Le Christianisme de Montaigne, Blaise, Paris, 1819, reproduit par Migne dans les Démonstrations Evangéliques, tom. II, contient une juste appréciation de cet auteur.

[46] Essais, liv. 111, chap. XII.

[47] Les Controverses, Partie II, chap. I, art. IV.

[48] Ce catalogue sera publié à la fin du second volume de cette Edition.

[49] Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 24.

[50] Dans l'Introduction au Traité de l’Amour de Dieu.

[51] Bref et Décret du Doctorat.

[52] Panégyrique de saint François de Sales, Partie II.

[53] Voir le Sermon Cité P. LXII, note (i).

[54] Bref et Décret du Doctorat.

[55] Epistre sur la Prédication, § 7

[56] Voir l'opuscule Axiomata ex Aristotele collecta, sub littera F (inter dubia S. Bedœ, tom. I Operum, p. 966). Cf. lib. II Physicorum

[57] Epistre sur la Prédication, §5.

[58] Process. remiss. Parisiensis, ad art. 35.

[59] Concess. tituli Doctoris S. Franç. Sal., postulat. XXXV.

[60] Préface du Traité de l’Amour de Dieu.

[61] Epistre sur la Prédication, § 7.

[62] Process. remiss. Parisiensis, ad art. 24,

[63] Lundis, 3 janvier 1853

[64] M. Godefroy, Hist. de la Littérature franç., XVIe siècle

[65] Lettre à un Père Feuillant, 15 novembre 1617.

[66] Epistre sur la Prédication.

[67] Mémoires de Trévoux, juillet 1736.

[68] Tournemine, ibidem.

[69] En 1635. Voir la Préface de la VIe édition du Dictionnaire de l'Académie, (2) Process. remiss. Parisiensis, ad art. 24.

[70] Hist. de la Littérat., franç., XVIe siècle.

[71] La date (8 août 16o8) de la Préface de cette première édition, s'accordant avec ces mots du Saint, « Ce livret sortit de mes mains en 16o8 », semblerait montrer que l'Introduction à la Vie dévote parut effectivement pendant cette même année. Toutefois, la date du Privilège du Roy (10 novembre 1608) et les termes de cette pièce prouvent que l'édition princeps ne put être publiée avant la fin de 1608.

La seconde édition porte également le millésime MDCIX; la préface est datée - « Annecy, jour sainte Magdeleine, 1609. »

[72]  Cet opuscule a été faussement attribué au P. Chérubin, et reproduit à ce titre par M. l'Abbé Truchet dans sa Vie du Père Chérubin de Maurienne, chap. IX. On ne peut cependant douter qu'il n'émane de la plume de saint François de Sales: 1.- A cause des paroles qui le terminent : « Ce qui soit dit attendant que l'ample réponse dressée sur un petit traité de la Croix, « naguères imprimé à Genève, sorte de la main des imprimeurs. » Ces dernières paroles ont été supprimées dans la reproduction que M. l'Abbé Truchet a faite de l'écrit en question. On devine que cette « ample réponse » n'était autre que la Défense de l’Etendard de la sainte Croix qui parut peu après. 2. - L'opuscule, publié en placard (voir la brochure : Réponses Chrétiennes à un Placard intitulé: Demandes aux Ministres, etc. 1598), fut imprimé par Binet, conjointement avec la Simple Considération sur le Symbole. Or saint François de Sales déclare ouvertement qu'il est l'auteur de ce dernier écrit (voir la Préface du Traité de l’Amour de Dieu). Mais M. l'Abbé Truchet n'hésite pas à l'attribuer également au P. Chérubin. 3. - Enfin, le style de cet opuscule ne laisse aucun doute sur son auteur.

[73] Dans la publication de cet ouvrage, les modifications que le Président Favre semble lui avoir fait subir seront, autant que possible, distinguées de l'œuvre même du Saint.

[74]  Cette question sera traitée dans la Préface de la Défense de l’Estendart de la sainte Croix.

[75]  Liv. I, cc. X-XII; III, XXX-XXMIII; IV, XL.

[76] Cette édition ne donne pas le texte des Lettres italiennes et latines, mais seulement la traduction faite par Charles-Auguste de Sales. La seconde édition (1628) publia le texte original.

[77] Lettre CDLXVIII de sainte Jeanne-Françoise de Chantal.

[78] Acte capitulaire en date du 21 juin 1624.

[79] En 1631, le Directoire spirituel fut imprimé à part, par les soins de la Mère Marie-Jacqueline Favre, sous le titre : Vive Jésus. Directoire des choses spirituelles pour les Sœurs de la Visitation, MDCXXXI. Donné pour la première fois à la suite de la Règle et des Constitutions en 1633, il les suivit, dès lors, inséparablement, comme en étant le complément nécessaire. On n'en trouve plus aucune édition authentique à laquelle le Directoire ne soit joint. Il est également reproduit dans chaque édition du Coutumier.

[80] Lettres CDLXVIII, CDLXXVII, DCIV

[81] Entretiens, épître des Religieuses de la Visitation.

[82] Entretiens et Colloques spirituels du B. François de Sales, Lyon, 1628.

[83] Tout porte à croire que cet opuscule a été livré par son Auteur au Cardinal de Bérulle, qui l'aurait reproduit dans son Traité des Energumènes. En effet, l'identité des matières et la ressemblance de la forme semblent être absolues dans ces deux ouvrages, et les extraits du Traité de la Démonomanie que Charles-Auguste donne dans son Histoire du B. François de Sales (liv. III), se retrouvent littéralement dans le Traité des Energumènes du Cardinal de Bérulle. Le Marquis de Cambis (Vie manuscrite de saint François de Sales, 1762) a moins d'autorité que Charles-Auguste, puisqu'il semble n'avoir pas vu l'opuscule dont il parle ; toutefois, son analyse de la Démonomanie s'accorde en plusieurs points avec l'ouvrage du Cardinal de Bérulle. Quant à l'objection qui résulte de ce que Bérulle s'est donné comme auteur du Traité des Energumènes, ainsi qu'il se voit dans ses Œuvres et que Deshayes le rapporte, loin d'infirmer notre supposition elle l'appuierait au contraire, en prouvant que notre Saint, mû par sa modestie et son désintéressement habituel, se dépouilla de son ouvrage et le céda en toute propriété à son ami, le Cardinal de Bérulle, de même qu'il donna au Président Favre son Premier Titre du Code Fabrien.

[84] Il existe dans la Bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris, un manuscrit intitulé : Traité des Paroisses, du B. François de Sales. Revendiqué. Suivi de plusieurs passages... souvent imprimés au commencement, et après omis. Ce manuscrit, d'un auteur inconnu et sans intérêt intrinsèque, démontre toutefois (par ces mots « revendiqué » et «  imprimés ») l'existence d'un livre attribué à saint François de Sales, qui aurait eu pour titre : Traité des Paroisses. Aucun exemplaire de ce livre n'a pu être retrouvé ; peut-être contenait-il les fragments de l'ouvrage sur l'Origine des Curés.

[85] Voir Charles-Auguste, Histoire, etc., Table des Preuves, n, 64- Plus tard Charles-Auguste lui-même écrivit un livre sous ce titre : Metanie, petit traité mystique de la Pénitence. Annecy, par André Leyat, MDCXLV,

[86] Lettre MDCCXLVIII de sainte Jeanne-Françoise de Chantal.

[87] Il n'y a aucune trace d'une édition générale des Œuvres de saint François de Sales avant celle-ci; la désignation, Edition nouvelle, se rapporte sans doute à une révision du texte des Œuvres imprimées séparément.

[88] Lettre MDCCXLVIII de sainte Jeanne-Françoise de Chantal.

[89] Les Œuvres de 1648 sont citées dans le second Procès de Canonisation; mais, en admettant que la date soit exacte, cette édition de 1648 n'est qu'une réimpression de celle de 1647, comme le prouvent les chiffres de renvoi.

[90] On peut citer comme spécimen les additions faites aux Opuscules de spiritualité (tome III, §§ XIV-XXIII) et surtout la section III du tome IV, intitulée Théologie polémique, Pièces inédites. Cette section n'est qu'une reproduction de certains passages des Controverses et d'autres écrits polémiques du Saint, avec les adaptations de M. de Baudry.

[91] L'Edition des Œuvres du Docteur qui est une des plus pures gloires de la Savoie devait avoir un cachet de nationalité : outre qu'elle est imprimée à Annecy même, par les soins intelligents et dévoués de M. Niérat, le papier spécial, dont chaque feuille porte (en filigrane) le chiffre de saint François de Sales et sa devise, Non Excidet, est fabriqué à Cran près d’Annecy, dans l'usine appartenant à la maison Aussedat.

[92] Les indications ajoutées par les éditeurs seront distinguées de celles du Saint par leur insertion entre parenthèses.

[93] La reproduction intégrale des autographes n'interdit cependant pas de légères modifications que la clarté semble exiger. C'est ainsi que l'on ne s'est pas cru obligé de conserver l'emploi très irrégulier des majuscules. Cette particularité, intéressante pour un fac-simile, est sans importance intrinsèque. De même la difficulté, purement typographique, résultant de l'emploi indistinct de u pour v, de i pour j, et vice versa, a été résolue par l'adoption des types modernes.

[94] Ces principes ne peuvent évidemment s'appliquer aux traductions des Œuvres latines et italiennes de saint François de Sales. Pour ces traductions on adoptera l'orthographe des sources d'où elles proviennent. Quant aux nouvelles versions, elles seront reproduites d'après l'orthographe moderne, en gardant toutefois, le plus possible, le style du saint Docteur.

[95] Tournemine, Mémoires de Trévoux, juillet 1736.

[96] Lettre d'approbation de Mgr l’Evêque d'Annecy.

[97] Lettre autographe, 30 Octobre 1656. (Archives de la Visitation d'Annecy).

[98] Bref de Sa Sainteté Léon XIII.

[99] Prov., v, 15, 16.