✠︎
Sermon du 29 octobre 2023 donné à l’occasion de la fête du Christ-Roi
par Mgr Wach, Prieur Général de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre
Monsieur le Supérieur,
Messieurs les Chanoines,
Chers Séminaristes,
Chers Fidèles,
Vivat Rex in æternum ! 
Quel est donc ce Roi que nous fêtons aujourd’hui ? Il est le plus beau des enfants des hommes, il est le Fils de Dieu, deuxième Personne de la Très Sainte Trinité, vrai Dieu et vrai Homme, unique Rédempteur du genre humain.
Chers amis, 
Comment en ce jour ne pas citer la belle encyclique Quas Primas de sa Sainteté le Pape Pie XI ?
Dans le langage courant, on donne au Christ le titre de Roi au sens métaphorique ; il l’est, en effet, par l’éminente et suprême perfection dont il surpasse toutes les créatures. Ainsi, on dit qu’il règne sur les intelligences humaines, à cause de la pénétration de son esprit et de l’étendue de sa science, mais surtout parce qu’il est la Vérité et que c’est de lui que les hommes doivent recevoir la vérité et l’accepter docilement. On dit qu’il règne sur les volontés humaines, parce qu’en lui, à la sainteté de la volonté divine correspond une parfaite rectitude et soumission de la volonté humaine, mais aussi parce que sous ses inspirations et ses impulsions notre volonté libre s’enthousiasme pour les plus nobles causes. On dit enfin qu’il est le Roi des cœurs, à cause de son inconcevable charité qui surpasse toute compréhension humaine et à cause de sa douceur et de sa bonté qui attirent à lui tous les cœurs : car dans tout le genre humain il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais personne pour être aimé comme le Christ Jésus.
« Mais, pour entrer plus à fond dans Notre sujet, dit toujours le Pape, il est de toute évidence que le nom et la puissance de roi doivent être attribués, au sens propre du mot, au Christ dans son humanité ; car c’est seulement du Christ en tant qu’homme qu’on peut dire : Il a reçu du Père la puissance, l’honneur et la royauté ; comme Verbe de Dieu, consubstantiel au Père, il ne peut pas ne pas avoir tout en commun avec le Père et, par suite, la souveraineté suprême et absolue sur toutes les créatures. »
Notre Seigneur est donc Roi, au sens propre du terme, en raison de son humanité. Alors, en cette belle fête du Christ Roi, si chère à notre Institut, admirons cette humanité royale de Jésus, admirons la beauté parfaite de notre Roi.
Nous comprendrons ainsi toujours plus toute la gratitude que nous devons envers Notre-Seigneur, le plus beau des enfants des hommes, qui est mort sur le bois de la croix, par amour pour nous, et qui, par ce sacrifice, a restauré la nature humaine au plus haut point.
❊
Le Vrai, le Bien, le Beau forment sur la terre, une Trinité inséparable, reproduction, image de l’éternelle et céleste Trinité.
« Lumière du monde1 », le Christ est Roi de la Vérité, Il éclaire les intelligences ;
« Perfection infinie2 », le Christ est Roi de la Sainteté ;
« Miroir de la Divinité3 », le Christ est Roi de la Beauté.
Le Christ est la Beauté idéale, c’est-à-dire sans rivale et sans comparaison. C’est Lui que saluait le roi David, en ces paroles prophétiques : « Specie tua et pulchritudine tua, intende prospere procede et regna4 ».
Jésus est la Beauté infinie, contemplez-la : « Aspice ». 
Que nous apprend-elle en effet ?
En général, la foi nous montre la personne de l’Homme-Dieu, concentrant dans sa beauté harmonieuse toutes les Beautés de la Création.
Il ne saurait être question pour le Christ de cette beauté qui parle seulement aux sens et n’a rien de divin. Nous entendons cette suprême beauté du corps, reflet d’une grande âme. C’est la juste proportion d’un instrument dont la forme est aussi parfaite que la musique qu’il doit exécuter.
Saint Jean Damascène a ces belles paroles : « La figure du Christ avait beaucoup d’expression. Ses yeux avaient un charme inexprimable… la gravité, la prudence, la douceur et une clémence inaltérable se peignaient sur ses traits5. »
Et saint Bernard : « à l’extérieur, le Christ était le plus beau des enfants des hommes : à l’intérieur comme splendeur du Père, il effaçait toute la beauté des Séraphins6. »
Oui, à la suite de ces grands saints, nous pouvons dire que le corps de Jésus-Christ était admirablement beau, que sa figure douce et grave, que son regard, où se peignait la beauté des Cieux attiraient les âmes, appelaient les âmes. Car le beau, dit saint Denis, vient d’un mot grec qui signifie appeler.
Mais si la chair du Christ, résume, en elle-même, la perfection de toute beauté physique, son âme la plus pure, la plus parfaite qui fut jamais, jettera sur ce corps privilégié son rayonnement de grandeur, d’amour et de pureté.
Enfin, sa divinité, perçant à travers toute cette beauté physique, toute cette beauté morale, fera à sa physionomie, comme une auréole dont l’éclat ira grandissant dans l’espace et dans le temps.
« Speciosus forma præ filiis hominum7 ! » Ô Christ Jésus, vous êtes le plus beau des enfants des hommes.
Entrons dans les détails de la beauté du Christ Roi. Il faut la prendre et la saisir spécialement à Bethléem et à Nazareth, à Jérusalem et au Golgotha, après sa victoire sur la mort et après sa résurrection.
❊
Bethléem, c’est le Christ au berceau. « Et invenerunt puerum cum Maria matre ejus8. » Comment ne pas s’arrêter un instant à contempler cette scène délicieuse ? À vous seul, ô divin enfant, vous présentiez tant de charmes, mais quel surcroît de grâce ajouté au tableau, « Ils trouvèrent l’Enfant avec sa Mère » !
Figurez-vous cette tête pudique de Marie, où le péché originel n’avait rien terni, rien dérangé, ou reluisaient, par un heureux mélange et dans une merveilleuse harmonie, les joies et les amours de la Mère, avec les chastes attraits de la Vierge.
Quels admirables reflets de beauté cette tête modeste de la Vierge, ne devait-elle pas envoyer sur la tête auguste du Sauveur, du Verbe fait chair, de Celui dont l’humanité sainte fut le chef-d’œuvre du doigt divin, qui épuisa pour en former toutes les proportions admirables, toutes les délicatesses de ses touches, toutes les industries et les ressources de son art infini ! Comme ces deux figures s’embellissent l’une par l’autre !
❊
Pendant les trente années de cette vie cachée, passée à Nazareth, Jésus était beau !
Il était beau, Jésus adolescent, dans sa grave et silencieuse obéissance, prévenant tous les désirs de sa tendre Mère, toutes les volontés de son Père adoptif, ne se livrant jamais aux folles joies de ses compagnons d’âge, mais les reprenant doucement de leur légèreté et de leur gaîté trop bruyante et trop turbulente, mais les instruisant, en maître consommé, sur les moindres détails de la loi de Moïse.
Comme les vieux docteurs de Jérusalem qui l’avaient entendu dans le temple, tous ces jeunes gens ne pouvaient se défendre de la stupéfaction et de l’admiration la plus profonde : « Stupebant autem omnes9 » lit-on dans saint Luc.
Il était beau, Jésus artisan, alors que subissant un pénible et dur apprentissage, il façonnait progressivement, à l’aide d’un labeur acharné, ce qu’il pouvait créer d’une seule parole ; alors que meurtrissant ses mains au dur maniement de l’outil, il passait sa journée comme les enfants de son peuple : il était beau, radieux !
Il était beau Jésus devenu soutien de la famille, vaillant à l’ouvrage, c’est lui qui maintenant pourvoyait sa Mère et saint Joseph dont la vieillesse faisait fléchir les membres. Là encore, il était beau, lumineux !
❊
Jérusalem et la Judée verront cette beauté s’épanouir encore, et la royauté de Jésus s’affermir davantage.
Il était beau, Jésus, docteur, y instruisant les foules avec ces gestes et son langage propre qui faisait dire à chacun : « Jamais personne n’a parlé ainsi10 ! »
Il était beau, Jésus, thaumaturge, commandant avec une puissance souveraine, aux éléments déchaînés, à la maladie, à la mort elle-même, au démon, à l’enfer ! oui beauté infinie !
Il était beau, Jésus, bon pasteur, multipliant les pains dans le désert, caressant les petits enfants, convertissant les pécheurs, à l’aide d’une parole ineffablement douce, réhabilitant les créatures les plus tombées et les plus dégradées, et pleurant sur Jérusalem, la ville obstinée et rebelle !
Il était beau toujours, dans sa colère et son indignation, Jésus jetant l’anathème sur les villes coupables, maudissant les scribes et les pharisiens pétris d’orgueil et d’hypocrisie, chassant du temple les vendeurs et les profanateurs avec le fouet et ces accents d’indignation qui nous remuent encore, après tant de siècles, jusqu’aux dernières fibres de notre être. « Domus mea domus orationis est. Vos autem fecistis illam speluncam latronum : ma maison est une maison de prières. Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs11. »
❊
Au sommet du Golgotha, le Christ parait plus beau encore !
Oui, mes frères, l’Idéal divin se manifeste davantage au monde dans le mystère de la Rédemption que dans celui de l’Incarnation. Dès les premiers jours de son existence, Notre-Seigneur pensa avec amour et désir à ce grand combat qui devait terminer sa vie, à cette lutte sublime contre le péché et contre la mort. Il s’y livra tout entier, quand le moment fut venu.
Il sacrifia la beauté de son corps, pour nous montrer la beauté de son âme. Ouvrons un instant les saints livres. Citons quelques-unes de ces paroles qui peignent au vif avec des flots de sang, cette beauté d’un nouveau genre :
« Ego autem sum vermis et non homo opprobrium hominum et abjectio plebis : mais moi je suis un ver, et non un homme, l’opprobre des hommes et l’abjection du peuple12. »
« Et vidimus eum et non erat aspectus : et nous l’avons vu, il n’avait pas d’apparence13. »
« A planta pedis usque ad verticem, non est in eo sanitas : de la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête, il n’y a rien de sain en lui14. »
❊
Pourtant, mes frères, il faut bien l’avouer, il est une beauté qui surpasse celle de Jésus martyr et qui le sacre incontestablement Roi, c’est la Beauté de Jésus triomphateur et vainqueur de la Mort, la Beauté enfin de Jésus glorieusement ressuscité, le grand et saint jour de Pâques.
Rappelons-nous tout particulièrement Saint Paul en ces temps difficiles pour le monde et l’Église : « si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine15. » La beauté lumineuse du jour de Pâques doit sans cesse illuminer, ravir, réconforter nos âmes souvent affligées par la tristesse des temps.
Un soir déjà ils l’avaient entrevue, les trois Apôtres privilégiés, le soir du Thabor, et le spectacle de la Transfiguration du Sauveur les jeta hors d’eux-mêmes. Rappelez-vous la magnifique description évangélique et les paroles de saint Pierre stupéfait : « Seigneur, il fait bon d’être ici. Si vous le voulez, nous y dresserons trois tentes : l’une pour vous, l’une pour Moise, l’autre pour Élie. »16
Un jour encore, elle était apparue durant quelques instants, aux gardes qui veillaient sur le tombeau du Christ. Épouvantés par les rayons d’aveuglante lumière qui s’échappaient de la personne du divin ressuscité, les gardes s’enfuirent, bouleversés par la terreur et par l’épouvante.
Douze fois et plus, tamisant les clartés glorieuses de sa Beauté céleste, Jésus ressuscité apparaîtra à ses apôtres et aux saintes femmes et il les plongera à chaque reprise dans un ravissement indicible.
Rappelez-vous Madeleine éplorée, tombant à ses genoux en s’écriant : « Rabboni17 ! ». Rappelez-vous saint Thomas terrassé, s’écriant à son tour : « Dominus meus et Deus meus18 ! ».
❊
Enfin, quel délicieux spectacle ce dut être, mes frères, que celui de la beauté de Jésus, au sommet de la montagne des Oliviers, apparaissant pour la dernière fois, à tous ses fidèles disciples, avant de prendre le Chemin du Ciel !
Tout-à-coup il s’élança vers les demeures éternelles et Jésus leur semblait si beau alors, qu’ils ne pouvaient détacher leurs yeux de cette splendide vision, présage et belle image de la vision béatifique.
Un Ange est obligé de venir mettre fin à leur admiration qui les pétrifiait et qui les immobilisait : « Viri Galilaei quid statis adspicientes in cælum ? Hic Jesus qui assumptus est a vobis in cælum » « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder au ciel ? Ce Jésus, qui du milieu de vous a été élevé dans le ciel19 ».
En attendant son retour promis à la fin des temps, Jésus au Ciel, par la contemplation de sa beauté divine, charme les neuf chœurs angéliques, les bienheureux et les élus. Rien d’équivalent sur la terre à ce ravissement éternel qu’éprouvent toutes les créatures célestes en adorant l’idéale Beauté du Christ.
Et pour tout résumer d’un trait rapide, voir la Beauté de Jésus au Ciel, constitue l’essence même de la vision béatifique : c’est là le Paradis, c’est la félicité infinie.
Car Jésus au ciel demeure à tout jamais, plus que jamais, dans toute l’énergie, toute la force de l’expression, le Christ Roi.
❊
Voilà brièvement exposée, chers amis, la beauté magnifique et pleine de grandeur de Notre Seigneur Jésus-Christ, la magnificence de notre Roi. « Le beau est l’éclat du vrai » enseigne notre vénéré maître à tous, saint Thomas d’Aquin. Notre Seigneur, la Vérité même, la Parole de Vie, est éclatant de beauté et de grâce !
Et à notre tour, nous devons être éclatants de la beauté de Dieu pour ainsi manifester la vérité divine. C’est notre devoir, régénérés d’abord par le baptême, puis sans cesse par les sacrements, spécialement de l’Eucharistie et de la confession, tout en nous, et même autour de nous, doit rayonner de la beauté de Dieu. C’est notre mission première, collaborer à la régénération, à la rédemption des créatures et de toute la création, abimée, défigurée par le péché originel.
Saint François de Sales enseigne que « le péché est venu briser le cœur humain ; mais par le sang de Jésus, en l’arrosement du sang de Notre Seigneur fait par l’hysope de la Croix, notre âme a été remise en une blancheur incomparablement plus excellente que celle de l’innocence. »
« Soyons conscients que la nature humaine a reçu plus de grâce par la rédemption du Sauveur, qu’elle n’en eût jamais reçu par l’innocence d’Adam, s’il eût persévéré en icelle20 » continue le prince-évêque de Genève.
L’âme ne s’unit à Dieu que dans la mesure de sa ressemblance à lui. Pour que Dieu l’attire et l’élève, il faut qu’il puisse, de quelque manière, s’identifier avec elle ; c’est pourquoi, dès l’origine, il l’avait créée à son image et à sa ressemblance.
Dom Columba Marmion nous explique que selon le plan divin, l’homme est le lien entre la pure spiritualité des anges et la matière corporelle ; il est destiné à refléter, plus parfaitement que la création matérielle, les perfections de Dieu : « Tu l’as fait de peu inférieur aux anges, tu l’as couronné de gloire et d’honneur21. » Dans ce cantique, le psalmiste contemple avec ravissement l’œuvre divine en sa beauté primitive ; il chante la gloire de Dieu qui se révèle dans l’univers.
Ce plan grandiose a été traversé par la faute d’Adam. Le péché a détruit dans l’homme la splendeur de l’image divine et a rendu l’homme incapable de s’unir désormais à Dieu.
Mais, dans sa bonté infinie, le Seigneur a décidé de réparer « merveilleusement » le mal du péché : Mirabilius reformasti. Et comment cette réparation devait-elle s’accomplir ? Vous le savez que trop bien mes bien chers frères : par la venue d’un second Adam, Jésus-Christ, dont la grâce toute de miséricorde nous rend fils de Dieu, conformes à son image, aptes à l’union divine : Et sicut in Adam omnes moriuntur, ita et in Christo omnes vivificabuntur.22
Ô felix culpa ! Défigurée par le péché, l’homme a été restauré par la grâce, mais cette grâce, c’est celle du Christ, de son humanité, celle du plus beau des enfants des hommes. Nous sommes, non plus seulement comme la création de la genèse ; mais à l’image du Fils, c’est l’image de la recréation, reflet de la splendeur du Père.
La nature a été perfectionnée au plus haut point puisque Dieu a pris une nature créée, une nature humaine. Saint François de Sales ne dit-il pas que « l’état de rédemption vaut cent fois mieux que celui de l’innocence23 » ?
« Mais afin que la douceur de sa miséricorde fût ornée de la beauté de sa justice, il délibéra de sauver l’homme par voie de rédemption rigoureuse ; laquelle ne se pouvant bien faire que par son Fils, il établit qu’icelui rachèterait les hommes, non seulement par une de ses actions amoureuses qui eût été plus que très suffisante à racheter mille millions de mondes, mais encore par toutes les innumérables actions amoureuses et passions douloureuses qu’il ferait et souffrirait jusques à la mort, et la mort de la croix à laquelle il le destina, voulant qu’ainsi il se rendit compagnon de nos misères, pour nous rendre par après compagnons de sa gloire, montrant en cette sorte les richesses de sa bonté, par cette rédemption copieuse, abondante, surabondante, magnifique et excessive, laquelle nous a acquis et comme reconquis tous les moyens nécessaires pour parvenir et arriver à la gloire, de sorte que personne ne puisse jamais se douloir, comme si la miséricorde divine manquait à quelqu’un24. »
Pour l’optimisme de notre saint patron, Dieu a mis en nous un attrait vers lui-même, et cet attrait demeure toujours malgré le péché. Cette « correspondance », à certains moments, est comme cachée et dormante, mais Dieu l’utilise pour attirer librement le pécheur vers la justification.
Il faut toujours nous souvenir que Dieu se sert de nos faiblesses pour nous amener à la vertu. Ceci fait dire au Docteur de la Charité : « Ce divin Artisan se plaît à faire de beaux édifices avec des bois fort tordus (…) Et tout ainsi qu’une personne qui ne sait pas ce que c’est que la menuiserie, voyant quelque bois tout tordu, en la boutique d’un menuisier, s’étonnerait d’entendre dire que de celui-ci l’on puisse faire quelque beau chef-d’œuvre (…) ainsi la divine Providence fait pour l’ordinaire de beaux chefs d’œuvre avec des bois tordus ; et en somme fait entrer en son festin les boiteux et les aveugles25. »
❊
À Gricigliano, chers séminaristes, vous êtes comme rentrés dans cette menuiserie ou le divin Artisan va bien œuvrer sur nos pauvres personnes. Alors, gardons cet optimisme chrétien malgré nos faiblesses, nos imperfections. Ayons conscience de la grandeur de notre nature humaine, et cette grâce faite par Notre Seigneur de nous racheter par son sang, cela nous engage à être généreux dans le culte, à pratiquer la vertu de munificence, la grandeur dans la générosité. Des termes bien démodés ou bien oubliés de nos jours. Qui sait encore ce qu’est la munificence et qui pratique encore et facilement la gratuité ?
Le Christ Roi, le plus beau des enfants des hommes, nous a racheté sur la Croix, montrons-lui en retour tout notre amour, spécialement dans la sainte liturgie, qui est non seulement de correspondre aux trois des premiers commandements divins mais également l’essence de notre être de chrétiens, baptisés et prêtres, le culte sacré, qui doit toujours être grandement digne et soignée jusque dans les moindres détails.
On nous critiquera pour cela, qu’importe ? notre cher et regretté Cardinal Siri répétait fort souvent que le culte catholique, romain, déployé sur toute la terre, ne sera jamais en adéquation disait-il avec les splendeurs du culte céleste, il ne sera qu’une pâle figure de celui que Notre Seigneur Jésus-Christ Roi reçoit au Ciel, sur le trône de gloire, entouré par des myriades d’anges et d’archanges, avec toute la communauté des saints ! il nous est impossible de décrire ces merveilles d’un autre monde, le langage moderne dirait « d’une autre dimension ! », mais bien réelle, et qui nous attend tous.
Soyons munificents, grandement généreux pour les choses de Dieu. Chers séminaristes, ne rentrez pas dans une logique matérialiste contemporaine qui nous construit un monde hideux, n’avez-vous pas remarqué, tout est laid, terriblement laid, mortellement laid. Ne faites pas de petits calculs, abandonnez-vous à la Divine Providence et vous verrez que Dieu vous récompensera pour cette confiance, au centuple même ! Si vous comptez dans les choses de Dieu, et du prochain d’ailleurs, Dieu comptera dans la dispensation des grâces.
En cette belle fête du Christ Roi, admirons la splendide beauté de Jésus et rendons grâce à Dieu car c’est bien le plus beau des enfants des hommes qui est mort sur la croix et qui nous a racheté. Nous sommes rendus à la sainte liberté des enfants de Dieu et Notre Seigneur, qui a brisé nos horribles chaînes d’esclavage, a acquis des droits sur nous.
Reconnaissons Jésus-Christ comme notre Seigneur et notre Roi. Cet état de choses durera éternellement, car la royauté du Christ n’aura pas de terme. Nous l’espérons et nous n’épargnerons rien dans ce but : nous serons pendant l’éternité les sujets de ce Roi plein de douceur, d’amour et de splendeur. À lui rendre nos hommages, nous éprouverons une joie qui surpasse notre entendement. Nous rayonnerons de beauté dans cet éblouissant paradis, nous lui répéterons sans nous lasser, comme la Sainte Église fait dire chaque jour à ses ministres au cours de l’office divin : « Au Roi immortel, à Dieu seul, honneur et gloire dans les siècles des siècles26 ».
Ainsi soit-il.
6 Serm. II., in Dom. I post Oct. Epiph. ↩︎
20 Saint François de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, II, 5. ↩︎
22 Dom Columba Marmion, Le Christ idéal du prêtre. ↩︎
23 Saint François de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, II, 5. ↩︎
24 Saint François de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, II, 4. ↩︎
25 Œuvres Complètes de Saint François de Sales, Annecy, Tome VI, Entretiens, p. 385-386. ↩︎