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Quelques textes de Saint François de
Sales
sur l’Immaculée Conception
Traité de l’Amour de Dieu.
Livre II, c.
6 : De quelques faveurs spéciales exercées en la Rédemption des hommes
par la divine Providence.
« Dieu, certes, montre
admirablement la richesse incompréhensible de son pouvoir, en cette si
grande variété de choses que nous voyons en la nature, mais il fait
encore plus magnifiquement paraître les trésors infinis de sa bonté, en
la différence non pareille des biens que nous reconnaissons en la grâce.
Car, Théotime, il ne s'est pas contenté, en l'excès sacré de sa
miséricorde, d'envoyer à son peuple, c'est‑à‑dire au genre humain, une
rédemption générale et universelle, par laquelle un chacun peut être
sauvé; mais il l'a diversifiée en tant de manières, que sa libéralité
reluisant en toute cette variété, cette variété réciproquement embellit
aussi sa libéralité.
Ainsi il destina premièrement pour sa très sainte Mère
une faveur digne de l'amour d'un Fils qui, étant tout sage, tout
puissant et tout bon, se devait préparer une Mère à son gré : et
partant, il voulut que sa rédemption lui fût appliquée par manière de
remède préventif, afin que le péché, qui s'écoulait de génération en
génération, ne parvînt point à elle. De sorte qu'elle fut rachetée si
excellemment, qu'encore que par après le torrent de l'iniquité
originelle vint rouler ses ondes infortunées sur la conception de cette
sacrée Dame, avec autant d'impétuosité comme il eût fait sur celle des
autres filles d'Adam, si est-ce qu'étant arrivé là, il ne passa point
outre, mais s'arrêta court, comme fit anciennement le Jourdain du temps
de Josué (Josué III, 16,17), et pour le même respect: car ce fleuve
retint son cours en révérence du passage de l'Arche de l'alliance, et le
péché originel retira ses eaux, révérant et redoutant la présence du
vrai Tabernacle de l'éternelle alliance.
De cette manière donc, Dieu détourna de sa glorieuse Mère
toute captivité (Ps CXXV,1) lui donnant le bonheur des deux états
de la nature humaine, puisqu'elle eut l'innocence que le premier Adam
avait perdue, et jouit excellemment de la rédemption que le second lui
acquit; en suite de quoi, comme un jardin d'élite qui devait porter le
fruit de vie, elle fut rendue florissante en toutes sortes de
perfections, ce Fils de l'amour éternel ayant ainsi paré sa Mère de
robe d'or, récamée en belle variété, afin qu'elle fût la Reine de
sa dextre (Ps XLIV,10), c'est‑à-dire la première de tous les
élus, qui jouirait des délices de la dextre divine (Ps XV,11). Si
que cette Mère sacrée, comme toute réservée à son Fils, fut par lui
rachetée, non seulement de la damnation, mais aussi de tout péril de la
damnation, lui assurant la grâce et la perfection ; en sorte qu’elle
marchât comme une belle aube qui, commençant à poindre, va
continuellement croissant en clarté jusqu’au plein jour. Rédemption
admirable, chef-d’œuvre du Rédempteur et la première de toutes les
rédemptions, par laquelle le Fils, d'un cœur vraiment filial,
prévenant sa mère ès bénédictions de douceur, il la préserve non
seulement du péché, comme les anges, mais aussi de tout péril de péché,
et de tous les divertissements et retardements de l'exercice du saint
amour. Aussi proteste‑t‑il qu'entre toutes les créatures raisonnables
qu'il a choisies, cette Mère est son unique colombe, sa toute
parfaite, sa toute chère Bien‑aimée, hors de toute
comparaison. »
Sermon pour la fête de la
présentation de la sainte Vierge, le 21 novembre 1619
Tome IX, sermon XXVI, page 231 (Edition Annecy, 1898)
« La
Sainte Vierge eut l'usage de raison dès l'instant de sa conception, et
au même instant elle vit comme la divine Bonté la préserva du précipice
du péché originel, où elle allait tomber si sa main toute puissante ne
l'eut retenue. Pour reconnaissance de cette grâce, elle se dédia et
consacra dès lors si absolument à son service, que la parole qu'elle
donna à la divine Majesté fut irrévocable. Mais nonobstant cela, elle
tint l'espace de trois ans sa résolution close et couverte sous les
apparences de l'enfance. Je dis sous les apparences, parce qu'en effet
elle n'était point enfant, mais ayant l'usage de raison, elle menait une
vie purement contemplative; c'était un si sage enfant qu'il ne s'en peut
jamais imaginer un semblable, excepté son Fils bien aimé. »
Tome X,
sermon LXIV pour le Dimanche des Rameaux, le 20 mars 1622
« Entre
toutes les créatures raisonnables il n'y a que la Sainte Vierge qui ait
eu toutes sortes de biens en elle sans aucun mélange de mal, car elle a
été seule exempte de toutes tares et souillures de péchés et
imperfections. Elle seule a été toute pure et toute belle (Cant.
I,14 ; IV,1-7) sans que jamais elle se soit flétrie ni fanée. Je dis
seule entre toutes les pures créatures, car quant à son Fils Notre
Seigneur il n'était pas simple créature, étant Dieu et homme tout
ensemble ; je n'entends donc pas parler de lui, d'autant qu'étant la
source de toutes les perfections il ne pouvait y avoir en lui rien
d'imparfait. Mais la très Sainte Vierge, qui tenait son extraction du
néant comme les autres créatures, a été la seule en laquelle il ne s'est
jamais trouvé aucune imperfection. »
Tome X, sermon LXVII pour la fête de
l’Immaculée Conception, le 8 décembre 1622
« Quant
à Notre Dame, la très sainte Vierge, elle fut conçue par voie ordinaire
de génération ; mais Dieu l'avant de toute éternité prédestinée en son
idée pour être sa Mère, la garda pure et nette de toute souillure, bien
que de sa nature elle pouvait pêcher. Il n'y a point de doute en cela
pour ce qui est du péché actuel. Il me faut servir d'une comparaison
pour vous le faire entendre. Savez‑vous comme se font les perles ?
(Plusieurs dames désirent des perles, mais elles ne se soucient pas du
reste.) Les mères perles font comme les abeilles : elles ont un roi, et
prennent pour cela la plus grosse d'entre elles et la suivent toutes.
Elles viennent sur les ondes de la mer au temps de la plus grande
fraîcheur, qui est à la pointe du jour, principalement au mois de mai;
comme elles sont là, elles ouvrent leurs écailles du coté du ciel, et
les gouttes de la rosée tombant en icelles, elles les resserrent ensuite
en telle sorte qu'elles couvent cette rosée dans la mer et la
convertissent en perles, dont puis après l'on fait tant d'état. Mais
remarquez qu'elles ferment si bien leurs écailles, qu'il n'y entre point
d'eau salée ; cette comparaison sert bien à mon propos. Le Seigneur en a
fait de même pour la Sainte Vierge Notre Dame, parce qu'à l'instant de
sa conception il se mit entre deux, ou bien, en quelque façon, au
dessous d'elle pour l'empêcher de tomber dans le péché originel. Et
comme si la goutte de rosée ne trouvait pas l'écaille pour la
recevoir elle tomberait dans la mer et serait convertie en eau amère et
salée, mais l'écaille la recevant elle est changée en perle, de même la
très sainte Vierge a été jetée et envoyée en la mer de ce monde par
voie commune de génération, mais préservée des eaux salées de la
corruption du péché. Elle devait avoir ce privilège particulier, parce
qu'il n'était pas raisonnable que le diable reprocha à Notre Seigneur
que celle qui l'avait porté en ses entrailles eut été tributaire de lui.
C'est pour cette cause que l'Evangéliste ne fait point mention des père
et mère de la Vierge, mais seulement de Joseph, époux d'une Vierge
nommée Marie, de laquelle est né le Christ (Mt I,16). Aussi, par une
spéciale grâce, son âme ne tenait‑elle rien de ses parents pour ce qui
est ordinaire aux autres créatures. »
« Dieu destina premièrement pour sa très
sainte Mère une faveur digne de l’amour d’un fils, qui étant tout sage,
tout-puissant et tout bon, se devait préparer une mère à son gré, et
partant il voulut que sa rédemption lui fût appliquée par manière de
remède préventif, afin que le péché, qui s’écoulait de génération en
génération, ne parvint point à elle; de sorte qu’elle fut rachetée si
excellemment, qu’encore que par après le torrent de l’iniquité
originelle vint rouler ses ondes infortunées sur la conception de
Notre-Dame avec autant d’impétuosité comme il eût fait sur celle des
autres filles d’Adam, si est-ce qu’étant arrivé là il ne passa point
outre, mais s’arrêta court, comme fit anciennement le Jourdain du temps
de Josué, et pour le même respect; car ce fleuve retint son cours en
révérence du passage de l’arche de l’alliance, et le péché originel
retira ses eaux, révérant et redoutant la présence du vrai tabernacle de
l’éternelle alliance. » Saint François de Sales, Traité de l’Amour de
Dieu, Livre II, 6 |