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Sermon de Mgr Wach pour la fête de l'Immaculée Conception.

 

 

Tota pulchra es Maria… et macula originalis non est in te ; Vous êtes toute belle, ô Marie, et la tache originelle n’est point en vous »[1]

 

Monsieur le Supérieur,

Monseigneur,

Messieurs les chanoines,

Messieurs les abbés,

Mes Sœurs,

Mes bien chers frères,

 

S’il est une époque de l’année où le nom de Marie revient très souvent dans les prières officielles de l’Église, c’est bien le mois de décembre, le saint temps de l’Avent, ce qui lui a valu d’être appelé le « mois de Marie liturgique ».

Le mois de mai devait pourtant être le mois de Marie, parce que s’il est parfois arrosé encore de quelques pluies et terni de quelques nuages, c’est aussi à cette époque de l’année que s’épanouissent les premiers bourgeons. Les premières fleurs, aubépines, lilas, muguet viennent réjouir nos yeux ; et ces fleurs, il nous plaît de les offrir en hommage à la Reine du ciel.

Soyons heureux des multiples occasions qui nous sont données de manifester à la Très Sainte Vierge notre amour filial, spécialement nous, membres de l’Institut du Chris Roi Souverain Prêtre, qui lui sommes consacrés et qui lui devons tant ! En automne, le mois du Rosaire nous a portés devant ses autels, et celui de décembre nous y conduit à nouveau. Tous ces mois sont beaux parce qu’ils nous introduisent auprès de Marie.

 

« Immaculata conceptio tua, Dei genitrix, virgo gaudium annuntiavit universo mundo ; votre conception immaculée, ô Vierge, Mère de Dieu, a rempli de joie le monde entier. »

Ces paroles sont tirées de la liturgie sacrée, l’Église les adresse à Marie pour célébrer avec des transports de joie l’incomparable privilège de son Immaculée Conception.

Puisque nous sommes ses enfants, puisque nous sommes heureux et fiers de lui appartenir et de nous abriter par une consécration solennelle renouvelée tous les ans sous son manteau maternel, prenons part aujourd’hui à la joie de toute l’Église et de toutes les âmes chrétiennes qui solennisent le triomphe de notre puissante Reine et de notre douce Mère.

Car Marie triomphe aujourd’hui, elle triomphe de l’ennemi le plus puissant et le plus pervers que le genre humain ait rencontré dans sa course à travers les siècles : elle triomphe de Satan et du péché.

 

Vous le savez, quand le premier homme se fut révolté contre Dieu, son péché, comme un poison mortel, pénétra pour ainsi dire dans son sang, et tous les enfants d’Adam furent condamnés à recevoir avec la vie, le virus de la faute originelle. Les siècles n’ont connu qu’une exception à la loi inexorable qui nous condamne à passer sous le joug du péché en entrant dans le monde. Un jour, mais un seul jour, d’un geste plein de grandeur et de bonté, Dieu a écarté cette loi fatale, et Marie est sortie pure et immaculée des mains du Créateur, qui s’est écrié en admirant Son œuvre : « tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te ; Vous êtes toute belle, ma bien-aimée, vous êtes sans tache »[2]. Tel est le glorieux mystère que nous célébrons avec liesse dans tout notre cher Institut en ce jour.

 

Elle est l’Immaculée et elle est pleine de grâce. Permettez que l’on contemple brièvement ce matin ce beau mystère de la plénitude de grâce en Marie. Certes, seul le Christ possède cette plénitude parfaite, absolue, sans limite qui ne peut comporter aucun progrès ni aucun accroissement puisqu’elle a tout à l’état immuable. La plénitude de grâce de Marie, par contre, n’a pas cessé de croître depuis sa conception jusqu’à sa mort. Et il en est de la charité comme de la grâce sanctifiante.

Rien ne peut nous donner une idée de la charité de Marie, de la perfection de son amour pour Dieu. Nous savons que le mérite est uniquement en proportion de la charité. Marie en un seul instant, par les actes les plus simples de sa vie quotidienne, méritait plus que tous les saints et tous les martyrs réunis parce qu’elle agissait avec plus d’amour, avec une charité plus parfaite. Et à chaque instant, sa charité augmentait en proportion de ses mérites, s’accroissait donc par la continuité de son propre élan. Et jamais ce progrès n’a été ralenti ou arrêté par la plus petite faute, même vénielle, par la plus petite imperfection : la mère de Dieu était impeccable et faisait tout parfaitement.

Si l’on songe à ce qu’était la plénitude de grâce et de charité de Marie au moment de sa conception, à ce que fut ce progrès continuel et toujours accru de sa charité et de ses mérites, si l’on pense quelle source de grâces toujours nouvelles fut pour elle le contact de Jésus quand elle Le conçut et Le porta dans ses entrailles et aussi le commerce quotidien avec Lui pendant sa vie, on se rend compte que la perfection de Marie au moment de sa mort est quelque chose d’inimaginable. Perfection accrue sans cesse et toujours davantage, perfection accrue d’une manière incomparable à l’Annonciation, à la naissance de Jésus, au pied de la croix, à la Résurrection, à la Pentecôte ; c’est un abîme insondable que la perfection de Marie.

Nous avons là, mes chers amis, une vague idée, dans les vérités que j’évoque, de la charité qui règne au paradis.

 

Mes bien chers frères, l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge a été voulue de Dieu de toute éternité pour une fin bien précise. Cette fin sublime, vous la connaissez : Dieu voulait préparer en Marie, pour son Fils, un tabernacle saint et pur. Marie a été conçue immaculée, toute belle et toute pure, tota pulchra est, parce qu’elle devait elle-même concevoir le Dieu de toute pureté et de toute sainteté. Elle était destinée à l’incomparable honneur de la Maternité divine, et voilà pourquoi elle eut l’incomparable privilège d’une conception immaculée.

 

Et nous, mes bien chers amis, n’avons-nous donc pas aussi, comme Marie, une destinée à remplir, une vocation à laquelle correspondre ? Est-ce que le Dieu infiniment saint et sage qui a imposé une mission à chacune de Ses créatures, n’en aurait point donné à chacun de nous ? Et quelle est-elle cette mission ? Oserai-je la comparer à celle de Marie ? Oui, mes frères ; si haut que soit placée la Vierge-Mère, et si petits que nous soyons, il existe entre elle et nous, chrétiens, de profondes et singulières harmonies. Ce qui s’est fait en elle, doit aussi s’accomplir en nous, et particulièrement en nous prêtres de Jésus-Christ ou futurs prêtres, dans des proportions moins hautes, sans doute, mais autant que le permet notre nature régénérée.

Marie doit concevoir et enfanter le Dieu Rédempteur ; et pour la mettre à la hauteur de cette destinée magnifique, Dieu la crée immaculée et toute pure.

Mais ne devons-nous pas, nous aussi, enfanter Dieu dans notre cœur de chrétien, dans notre âme sacerdotale ? Et n’est-ce pas pour nous rendre capables d’atteindre dignement cette fin, que Dieu nous avait créés dans l’innocence et la grâce ? N’est-ce pas pour cela, qu’Il nous a animés de Son souffle divin et faits à son image ? Je le sais : le péché a brisé cet auguste dessein que le Créateur avait gravé sur notre front, il a fait tomber de notre tête ce diadème de gloire, il nous a défigurés. Mais a-t-il changé pour autant notre destinée ?

 

Non ! Non, mes frères, sur les débris de notre innocence perdue s’élèvent toujours, immuables, les décrets divins. Nous avons détruit en nous l’édifice du Seigneur par la tentation du diable et le péché originel ; réparons-en les ruines. Nous avons profané, son saint temple ; purifions-le de ses souillures.

Mais que dis-je ? Dieu Lui-même n’a-t-Il pas tout relevé, tout réparé, tout purifié ? Ne nous a-t-Il pas rétablis dans nos privilèges ? N’a-t-Il pas réédifié notre dignité ? Et pourquoi, sinon pour nous replacer à la hauteur de notre mission ?

 

Nous sommes tous appelés à vivre en Dieu, pour Dieu et de Dieu. Et ce jour qui nous met à genoux devant Marie nous invite à considérer notre vocation particulière et pour vous, chers séminaristes, votre vocation à devenir d’autre Christ.

 

Oui ! chrétiens, concevoir Dieu et l’enfanter ; concevoir Dieu, c’est-à-dire, ouvrir notre esprit à Ses lumières et notre cœur à Son amour ; l’enfanter, c’est-à-dire, produire les fruits dont Sa grâce dépose en nous le germe divin, telle fut, telle est et telle sera toujours notre magnifique vocation de chrétiens ; enfanter Dieu dans les sacrements, telle est la vocation du prêtre, spécialement dans celui de l’Eucharistie et de la pénitence.

C’est à cette haute dignité que Dieu vous appelle ! Mais ne vous leurrez pas, surtout vous chers séminaristes, le diable ne laisse pas en paix ceux que Dieu à appeler à Le suivre dans le sacerdoce catholique ! Oui, surtout de nos jours où il semble que Satan soit déchaîné sur le monde et l’Église !

Alors, attention ! Le grand danger pour nous, chrétiens, futurs prêtres et prêtres, c’est de constater amèrement que nous ne sommes pas dignes ou que nous ne sommes pas capables d’atteindre une telle destinée. Cela est trop difficile pour nous, dans un siècle où peut-être la jeunesse a peu de générosité et de persévérance !

Attention ! attention au dépit qui n’est autre qu’un chagrin mêlé de colère, fruit de notre amour-propre. Devant nos échecs, furieux contre nous-mêmes, nous sommes tentés de baisser les bras et d’abandonner les dons reçus de Dieu. Seuls nous ne pouvons parvenir, malgré nos qualités et notre bonne volonté, à une telle perfection. Seuls non ! mais avec la grâce, oui !

 

Alors, en ce jour où nous contemplons le triomphe de la grâce et de la sainteté en Marie, tournons-nous vers celle qui est médiatrice de toutes grâces.

Supplions-la à genoux de protéger notre vocation de baptisé d’abord, de futur prêtre et de prêtre ensuite.

Promettons-lui de l’invoquer pieusement tous les jours de notre vie.

Et aujourd’hui, avec tout notre cher Institut, avec toute l’Église, demandons-lui de suppléer à nos carences, à nos errements et confions-lui cet amour que nous avons pour Dieu en se rappelant qu’il est véritablement amour que s’il se traduit par la fidélité dans le temps.

 

Ainsi soit-il.



[1] Antienne des 1res vêpres de la fête.

[2] Cant. 4, 7.