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1er dimanche de l’Avent
Gricigliano, le 1er décembre 2013
Monsieur le Supérieur,
Messieurs les chanoines,
Messieurs les abbés,
Ma Sœur,
Mes bien chers frères,
Le saint temps de l’Avent est destiné par l’Église à préparer nos âmes à l’avènement de Notre-Seigneur. « Avent » est en effet synonyme « d’avènement. ».
On distingue deux avènements publics de Notre-Seigneur :
le premier dans lequel, s’étant fait homme, Il naquit à Bethléem dans une étable, pour mourir ensuite à Jérusalem sur la croix ;
le deuxième, à la fin du monde, quand Il viendra pour juger tous les hommes.
Dans le premier, Il apparaît revêtu de nos infirmités, sauf le péché ; Il se montre faible enfant, pauvre artisan, apôtre infatigable de la vérité, médecin charitable de toutes les infirmités du corps et de l’âme, mais méconnu par Sa nation, en butte à toutes les attaques, victime vouée à toutes les immolations : il s’agit alors de nous racheter par le sacrifice.
Dans le deuxième, Il se révèlera comme le Souverain Maître de l’univers ; Il paraîtra entouré de Ses anges, dans tout l’éclat de Sa gloire et de Sa majesté : Il viendra rendre à chacun selon ses œuvres.
Le premier de ces avènements est celui de la miséricorde ; le second sera celui de la justice.
En proposant aujourd’hui à nos méditations le second de ces avènements, l’Église veut nous amener à profiter tellement du premier, de l’avènement de la miséricorde, que nous n’ayons rien à redouter du second, l’avènement de la justice. Elle veut que nous préparions à Notre-Seigneur dans nos âmes un troisième avènement, tout d’intimité, dans lequel nous recevrons de telle sorte les fruits de la Rédemption que nous puissions paraître avec assurance au tribunal du Juge suprême.
Entrons dans la pensée de l’Église, en considérant successivement les trois parties du dernier avènement de Notre-Seigneur : sa manifestation, la résurrection générale, le jugement dernier.
I
Aussitôt après les signes avant-coureurs dont vous avez entendu les récits dans l’évangile de dimanche dernier, quand le soleil se sera obscurci, que la lune aura cessé de donner sa lumière, pendant que les bruits tumultueux de l’air, des profondeurs de la terre et de la mer répandront la consternation sur les peuples et que les hommes sécheront de frayeur dans l’attente de ce qui doit arriver à l’univers, le signe du Fils de l’Homme apparaîtra dans les cieux. Et ils verront le Fils de l’Homme venant sur une nuée avec une grande puissance et une grande majesté. Ainsi s’accomplira la prédiction faite par Notre-Seigneur au cours de Sa prédication : « Le Fils de l’Homme viendra dans la gloire de Son Père accompagné de Ses anges, et alors Il rendra à chacun selon ses oeuvres. »[1] ; et plus solennellement encore au cours de Sa passion quand le grand-prêtre L’adjura par le Dieu vivant de dire s’Il était le Fils de Dieu : « Tu l’as dit, répondit-il. De plus, je vous le déclare, un jour vous verrez le Fils de l’Homme assis à la droite de Dieu et venant sur les nuées du ciel. »[2]. Ainsi se réalisera la parole de l’ange aux disciples qui venaient de Le voir monter au ciel le jour de l’Ascension : « Ce Jésus qui du milieu de vous a été enlevé au ciel, viendra de la même manière que vous L’avez vu allant au ciel. »[3].
Dans cet avènement, deux caractères sont surtout à remarquer : l’appareil solennel et terrible dont il est accompagné et la soudaineté avec laquelle il se produira.
Pourquoi ce déploiement de puissance et de terreur autour de celui qui n’a paru à son premier avènement qu’entouré de faiblesses ? C’est que, mes chers amis, selon ce que nous chantons fort souvent dans l’Office divin, tiré des Saintes-Écritures, il faut qu’un jour les méchants tremblent et que les bons se réjouissent.
Assez longtemps les méchants auront abusé de la patience de Dieu qui les attendait à la pénitence ;
assez longtemps ils auront raillé les croyances et les enseignements des bons ;
assez longtemps ils auront opprimé les justes, Notre-Seigneur le premier, et Ses disciples après lui :
le jour sera venu pour eux de trembler à leur tour, de reconnaître dans Celui qu’ils poursuivent de leurs haines triomphantes, le Dieu du ciel et de la terre, dans ceux qu’ils accablent de leurs mauvais traitements et de leurs outrages, dont ils croient triompher à tout jamais, leurs véritables vainqueurs. Et ceux-ci, plus rassurés qu’effrayés, par l’appareil terrible qui entoure le Sauveur qu’ils auront suivi dans la voie des souffrances, lèveront la tête avec confiance, sachant par la parole même de Notre-Seigneur que l’heure de leur délivrance définitive est arrivée[4].
Gardons-nous donc, mes amis, de nous laisser scandaliser par les triomphes apparents des impies : ce ne sont que des triomphes éphémères. Ce que nous voyons dans le monde et dans l’Église n’est pas éternel, l’ « abomination de la désolation »[5] dans le temple ne durera pas toujours ; la défaite arrivera pour eux, certaine et terrible. S’il nous faut subir leur arrogance et leurs persécutions, assignons-les à ce jour inévitable où il sera fait bonne justice.
Le second caractère de l’avènement de Notre-Seigneur sera sa soudaineté. « Comme l’éclair qui part de l’Orient et paraît jusqu’à l’Occident, ainsi sera l’avènement du Fils de l’Homme. »[6] Le genre humain en masse laissera venir ce jour redoutable sans s’y préparer : « Comme aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il à l’avènement du Fils de l’Homme. Comme ils étaient aux jours d’avant le déluge, mangeant et buvant, se mariant et mariant leurs enfants, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; et qu’ils ne comprirent pas, jusqu’au jour où vint le déluge qui les emporta tous : ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’Homme. »[7] peut-on lire en saint Matthieu.
Heureux alors ceux qui sauront, au moins à l’heure suprême, faire pénitence et crier miséricorde comme le firent sous les eaux du déluge beaucoup de ceux qui avaient été incrédules aux avertissements de Noé[8] !
Mais plus heureux mille fois sont ceux qui, vivant perpétuellement dans l’attente de ce grand jour, se tiennent toujours prêts à paraître devant leur Juge ! Soyons, mes amis, de ces derniers : car le jour suprême nous surprendra si nous ne nous tenons sur nos gardes : la mort nous saisit, en effet, au moment où nous y pensons le moins et nous met en réserve pour le jour du jugement.
II
Le Sauveur s’étant manifesté au monde dans Sa Majesté, enverra Ses anges qui, d’une voix éclatante comme la trompette, rappelleront les morts à la vie et rassembleront les élus des quatre vents du ciel, d’une extrémité du monde jusqu’à l’autre. Avec les élus ressusciteront aussi les pécheurs.
« Car nous devons tous comparaître devant le tribunal du Christ pour recevoir chacun ce qui est dû à son corps selon ce qu’il a fait ou de bien ou de mal. »[9] lit-on en saint Paul. « Tous ceux qui dorment dans la poussière du tombeau s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre sans fin. »[10].
Si ceux qui ont fait le bien doivent ressusciter pour en recevoir la récompense, ceux qui ont fait le mal doivent aussi ressusciter pour en recevoir le châtiment. Aussi, « tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront-ils la voix du Fils de Dieu ; et ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien pour ressusciter à la vie, et ceux qui auront fait le mal pour ressusciter à la condamnation. »[11] lit-on en saint Jean.
Tous les hommes ressusciteront donc avec leurs corps, les mêmes corps qu’ils avaient pendant la vie : « Je sais, disait Job, qu’au dernier jour, je ressusciterai du sein de la terre ; je serai de nouveau revêtu de ma peau et c’est dans ma chair que je verrai mon Dieu. »[12] Ne craignez pas, mes bien chers frères, pour nos corps, ils n’échappent ni à la connaissance, ni à la puissance de Dieu qui a créé les infiniment petits comme les infiniment grands ; et il ne Lui est pas plus difficile de nous les rendre qu’il ne le Lui a été de nous les donner.
Il faut que chaque homme paraisse au jugement en corps et en âme. Car c’est en corps et en âme que l’homme accomplit les actes sur lesquels il doit être jugé.
Si le corps a été pendant la vie présente le compagnon, l’associé de l’âme, il faut qu’il partage avec elle la vie future, la vie définitive. L’âme est la substance principale de l’homme ; elle n’est pas l’homme tout entier. Il y faut le corps et l’âme unis en une seule nature vivante. C’est ainsi que Dieu l’a créé ; c’est ainsi que Notre-Seigneur l’a uni en sa personne à la nature divine ; c’est ainsi qu’Il l’a racheté et l’a élevé au jour de l’Ascension jusqu’au plus haut des cieux.
Si notre corps ici-bas nous est quelquefois un poids qui nous charge et nous entraîne vers la corruption, rappelons-nous qu’il doit un jour dépouiller toute sa pesanteur et sa corruption pour ressusciter glorieux, si toutefois nous nous ne le profanons par aucun péché mortel. Gardons-le donc avec soin comme le temple de Dieu destiné à partager la gloire et le bonheur de l’âme dans le ciel.
III
La résurrection sera suivie du jugement général.
Chaque homme, au moment de la mort, est déjà jugé : son sort éternel est fixé par une sentence qui ne sera jamais changée. Mais ce jugement, en quelque sorte privé et à huis clos si j’ose dire, ne saurait suffire à l’exercice de la justice divine.
Il faut que la bonté de Dieu à l’égard de tous les hommes, même de ceux qui ont abusé de Ses dons, soit manifestée aux regards de tout le genre humain ;
il faut que Dieu réforme, oui réforme publiquement tous les faux jugements portés en faveur des méchants ou au détriment des bons ;
il faut que le bien et le mal apparaissent dans toute leur fécondité, qu’on voie combien d’âmes ont été perdues à cause de doctrines néfastes et perverses, qu’elles soient philosophiques, théologiques ou politiques ; et qu’on voie combien d’âmes ont été sauvées par les prédications des saints, comme saint François de Sales, et par leur exemple ;
il faut que la séparation opérée dans le secret entre les bons et les méchants soit étalée au grand jour des assises universelles ;
il faut que la vertu qui s’est cachée dans l’humilité soit révélée dans la gloire, et que le vice qui s’est déguisé sous des voiles hypocrites soit étalé pour sa confusion aux yeux de tout le genre humain ;
il faut, la moisson étant mûre, que le père de famille sépare la paille destinée au feu et le bon grain réservé pour les greniers éternels.
Aussi les anges, par l’ordre de Dieu, sépareront-ils les bons des méchants « comme le berger sépare les brebis des boucs ; et Il placera les brebis », les bons, « à sa droite, et les boucs », les méchants, « à sa gauche. Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, posséder le royaume préparé pour vous depuis la constitution du monde… Alors il dira aussi à ceux qui seront à sa gauche : Allez loin de moi, maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges… Et ceux-ci s’en iront à l’éternel supplice, et les justes à la vie éternelle. »[13] : ainsi nous l’enseigne saint Matthieu.
Si nous avons à nous plaindre des jugements des hommes sans avoir mérité leurs censures, attendons avec confiance la sentence solennelle et définitive qui réformera toutes les autres.
Gardons-nous de juger qui que ce soit : c’est le moyen de n’être pas jugés nous-mêmes.
Si nous sommes tentés de commettre dans le secret quelque faute que ce soit, rappelons-nous qu’au dernier jugement ces actes que nous pensons cacher seront révélés à la face de l’univers. Et assurons-nous par une sainte vie la sentence des bienheureux.
Alors, chers séminaristes, profitez bien de ce temps de l’Avent en méditant sur ces vérités éternelles.
Vivez de l’humilité car le diable redoute l’humilité et Dieu résiste aux orgueilleux.
Que la Vierge Immaculée nous protège tous et qu’elle soit bien à nos côtés le jour de notre mort et le jour du jugement dernier.
Ainsi soit-il.