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Obsèques de Bruno Valadier

13 juillet 2006

 

Mgr

M. le Chapelain

Cher M. le curé de St Wandrille

Monsieur le supérieur du séminaire

Mes R.P.

Messieurs les abbés

Merci d’être présents, malgré votre ministère écrasant.

 

Bien chers amis,

Avec Claire, nous savions que au-delà de notre famille charnelle, nous avions une grande famille spirituelle ; avec cette épreuve nous en avons reçu la manifestation tangible et votre présence aujourd’hui en témoigne.

 

Merci à vous tous.

Du MJCF, de RC, de l’école Saint Dominique, du CEE, de St Louis de PM, merci aux chorales, de l’Institut du Christ Roi souverain prêtre et enfin du Pecq, notre ville d’adoption ; permettez-moi de remercier nommément le premier magistrat de notre ville, le sénateur Alain Gournac.

Vous êtes présents et cela nous touche beaucoup, surtout en cette période de villégiature ; nombreux sont les messages d’amitiés et d’union dans la prière que nous avons reçus. Merci pour vos lettres si enrichissantes. Merci aux prêtres pour les nombreuses messes qui ont déjà été célébrées pour le repos de l’âme de Bruno, afin de hâter sont entrée dans le Paradis.

 

Je vais maintenant vous lire quelques lignes préparées par Claire, qui comme la Ste Vierge, se tient debout devant la croix Stabat mater dolorosa ; attitude, non pas d’orgueil, mais de courage extraordinaire.

 

Ton départ, Bruno, m’a permis d’entrapercevoir chez ta mère des qualités dont je n’avais même pas remarquées l’existence – après 25 ans de mariage – Quelle leçon !

 

C’est elle qui parle :

« Tout est grâce, disait Ste Thérèse. NSJC a un plan sur chacun d’entre-nous, même si humainement, on ne le comprend pas toujours.

Nous pouvons témoigner ici que le Bon Dieu nous donne les grâces nécessaires pour supporter sereinement l’insupportable ; il nous reste à dire : Fiat ! Que Sa volonté soit faite.

Je peux tout en celui qui me fortifie dit St Paul.

La foi et l’espérance nous ont portés, m’ont portée, dans cette épreuve. Nous avons été particulièrement soutenus moralement et spirituellement par l’ICRSP et par SE Mgr Burke.

Il est des liens qui se créent dans la joie et dans l’action. Mais ceux qui se tissent aujourd’hui, par le rappel à Dieu de notre Bruno, augmentent l’amitié spirituelle entre-nous.

Il est bien difficile de vous parler de Bruno.

Bruno était un bon garçon, bon camarade, un peu secret, doté d’un sens critique aiguisé, un peu caustique parfois ; il savait être irritant et à cause de cela, faillit ne jamais être CP. Il avait un faciès d’ange, ou de tête de mule, c’était selon.

Il fut, je crois un très bon CP.

Nous, parents chrétiens, recevons nos enfants, comme un don de Dieu ; et une responsabilité : les mener vers le ciel en les élevant et en les aidant à trouver leur vocation, sans y mettre d’obstacles.

Nous espérons avoir rempli notre mission.

Notre grande consolation est de savoir qu’il était spirituellement prêt.

Nous aimerions vous parler ici de l’importance de la direction spirituelle pour les jeunes, beaucoup croient qu’elle est réservée à ceux qui pressentent une vocation religieuse ou sacerdotale. C’est inexact.

Tous nos grands enfants en ont un.

Nous avons mis un an à convaincre Bruno de prendre un directeur spirituel : il avait choisi M. l’abbé Cristofoli. En quelques mois, les progrès furent importants et si aujourd’hui notre cœur est brisé, notre âme est sereine ; parce que nous savons qu’il était prêt à entrer dans l’éternité.

Prions pour les prêtres, pour les vocations sacerdotales : le prêtre est un passeur d’âme, s’ils viennent à manquer, qui nous fera passer de la mort à la vie ?

 

 

Que s’est-il passé ?

Le 6 juillet dernier, en Italie, nous devions prendre la route de notre chère terre de France, après une semaine passé au paradis : la liturgie romaine classique avait déployé tous ses fastes, sa beauté et sa splendeur pour les prises de soutane, les tonsures, les ordres mineurs et majeurs avec l’ordination de deux prêtres pour la Sainte Eglise.

Le 5 juillet, nous assistions tous ensemble à la messe célébrée par SE Mgr Burke, au cours de laquelle Paul fut confirmé. Ce fût la dernière messe de Bruno.

Le soir nous chantions le Te Deum d’action de grâces.

Le 6 au matin, donc, il est 9 h 15 ; Philippine, une amie de Bruno arrive en courant, essoufflée, au séminaire : « venez vite, Bruno se baignait, il a touché un fil et a coulé ».

Après avoir demandé que l’on appelle du secours, j’emprunte en courant le chemin le plus court pour monter la colline et atteindre le petit lac situé à 700 mètres. Pendant ce temps, Claire plus réfléchie prend la voiture et passe par le chemin routier, plus long, mais elle arrivera avant moi.

700 mètres, c’est beaucoup dans ces circonstances, on a le temps de réfléchir et de supplier le ciel ! Enfin, j’aperçois le petit lac, dont la surface est très calme - et le fil électrique qui – à son point le plus bas - est désormais à 40 cm de la surface de l’eau.

 

Passant devant claire, qui était assise sur l’herbe, au dessus du lac, je pose ma main sur son épaule en lui disant à l’oreille :

« ma chérie, sois courageuse, je pense qu’il n’y a plus rien à faire ». Elle me répond très digne : « je sais »

Une intime conviction s’était formée dans nos deux cœurs : le Bon Dieu vient de nous reprendre Bruno.

Malgré tout, il faut tout tenter ; avec Blanche, restée seule sur place pendant 10 interminables minutes, les séminaristes arrivés sur les lieux et mes fils Guillaume et Louis, nous plongeons pour essayer de retrouver Bruno, le fond est à 4 mètres et l’eau est trouble. Après quelques minutes d’efforts vains, nous sortons de l’eau et commençons à prier : Pater, ave, gloria, et le magnifique Ps 129, le De profundis :

Du fond de l’abîme, je crie vers vous Seigneur, écoutez ma prière.

Si vous faites le compte des fautes Seigneur, qui subsistera ?

Mais, auprès de vous on trouve le pardon : j’espère en vous Seigneur.

Nous pleurons.

Les secours arrivent progressivement et enfin un plongeur va chercher notre Bruno. Il revient vers le rivage où nous attendons tous : prêtres, famille, amis et secouristes. Quand il se trouve au bord de l’eau, nous apercevons Bruno, qu’il cachait de son propre corps.

Avec Solange et Louis, nous nous précipitons et nous le portons sur la partie plane de la berge.

Là, les secouristes déposent un drap blanc, j’essuie le visage de mon fils, il semble dormir.

M. l’abbé Landais met son chapelet dans les mains de Bruno.

SE Mgr Burke, accompagné de Mgr Wach et du supérieur du séminaire, M. l’abbé Mora, nous ont rejoint quelques instants plus tôt.

Le soleil brille, le cadre est verdoyant, magnifique.

Mgr Burke administre l’extrême onction, le saint viatique à Bruno, nous nous mettons tous à genoux, les carabinieris se découvrent, nous sommes en Italie !

Pendant ce temps, toutes les personnes restées en bas récitent le chapelet dans la chapelle du séminaire.

A la fin de la cérémonie, nous embrassons Bruno et il est emmené par les secouristes vers Florence.

 

Bruno est mort électrocuté. Un affaissement de terrain a fait bougé les poteaux qui supportent le fil électrique et celui-ci s’est abaissé à un mètre de la surface de l’eau. Bruno s’est amusé à l’attraper comme s’il s’agissait d’un élastique inoffensif et a entraîné le fil dans l’eau. Grâce à Dieu, il était seul dans l’eau à ce moment-là, sinon…

 

Le Bon Dieu nous a donné huit enfants, il en a – semble-t-il - choisi un pour qu’il devienne prêtre, il en a rappelé un autre à 16 ans, près de lui dans l’éternité.

Il a Ses raisons, nous ne les connaissons pas, mais nous sommes certains quelle sont bonnes.

 

Oui, mais une vie à peine entamée et déjà fauchée ?

Bien sûr, ce n’est un âge naturel pour mourir, mais quelle est le critère d’une vie remplie, très chers amis ?

Est-ce sa longueur ? Non bien sûr !

Qui oserait prétendre que Ste Jeanne d’Arc, Ste Thérèse de l’EJ ont raté leur vie ? Elles sont mortes respectivement à 19 et 24 ans.

Plongeons encore une fois dans la Sainte Ecriture, la parole de Dieu, au livre de la sagesse, chap IV, 7-19 :

 

Le juste, même lorsqu’il meurt avant l’âge trouveras le repos.

Car, ce qui rend la vieillesse vénérable, ce n’est ni la longueur de la vie, ni le nombre des années…

Il a su plaire à Dieu qui l’aima, et comme il vivait parmi les pêcheurs, il fut emporté.

Il fut enlevé, de peur que la malice n’altéra son intelligence ou que la perfidie n’égarât son âme.

Car la fascination du mal obscurcit le bien et le tourbillon de la convoitise gâte une âme sans malice.

Mûri en peu de temps, il a fourni une longue carrière.

Son âme était agréable au Seigneur, aussi l’a-t-il retiré en hâte du milieu de l’iniquité.

Les foules voient cela sans comprendre ; il ne leur vient pas à l’esprit que les élus du Seigneur trouvent grâce et miséricorde et qu’Il a souci de Ses saints…

Ce texte inspiré est bouleversant.

 

Terminons :

Chers amis, priez pour Bruno, il a réussi l’essentiel : sauver son âme ; ensemble hâtons le moment béni de son entrée dans le paradis, là où, saint parmi les saints, avec les anges, il verra Dieu devant lui.

Un jour, un aumônier de camp MJCF, M. l’abbé Tournyol du Clos, nous a parlé du ciel en des termes qui restent gravés dans ma mémoire :

« Bien entendu, nous verrons Dieu face à face, disait-il, mais nous retrouverons aussi nos parents, nos ancêtres, la Ste Vierge, St Joseph, les Prophètes, St louis, Ste Thérèse, Ste Jeanne d’Arc, St Dominique, St Benoît, St Thomas d’Aquin, St François de Sales, etc. Et il termina son exposé en racontant qu’un jour la maman de Sainte Thérèse lui parlait du ciel. Elle le fit si bien qu’à la fin, la petite Thérèse de Lisieux, lui dit : « Oh, maman, je voudrais que tu meurs ! »

 

Mgr Bougaud, cité au dos d’une belle image dédiées aux morts de l’Institut dit ceci :

La grande et triste erreur de quelques-uns, même bons, est de s’imaginer que ceux que la mort emporte nous quittent. Ils ne nous quittent pas, ils restent !

Où sont-ils ? Dans l’ombre ? Oh non, c’est nous qui sommes dans l’ombre. Eux sont à côté de nous sous le voile, plus présents que jamais.

Nous ne les voyons pas parce que le nuage obscur nous enveloppe, mais eux nous voient. Ils tiennent leurs beaux yeux pleins de gloire arrêtés sur nos yeux pleins de larmes.

O consolation ineffable, les morts sont des invisibles, ce ne sont pas des absents.

 

Alors, Bruno, puisque nous savons que tu es présent, prends sous ta protection tes parents, tes frères et sœurs qui ont été si prévenants et si courageux, toute notre famille, les personnes qui sont réunies ici, et aussi tous ceux qui se sont manifestés et ont prié pour toi.

 

A Dieu, mon fils et à très bientôt !