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« La Rose d’Or »
« La bénédiction
de la Rose d'or est un des rites particuliers du quatrième Dimanche
de Carême : et c'est ce qui lui a fait donner aussi le nom de
Dimanche de la Rose. Les idées gracieuses que réveille cette fleur
sont en harmonie avec les sentiments que l'Eglise aujourd'hui veut
inspirer à ses enfants, auxquels la joyeuse Pâque va bientôt ouvrir
un printemps spirituel, dont celui de la nature n'est qu'une faible
image: aussi cette institution remonte-t-elle très-haut dans les
siècles. Nous la trouvons déjà établie dès le temps de saint Léon IX
; et il nous reste encore un sermon sur la Rose d'or, que le grand
Innocent III prononça en ce jour, dans la Basilique de
Sainte-Croix-en-Jérusalem. Au moyen âge, quand le Pape résidait
encore au palais de Latran, après avoir béni la Rose, il partait en
cavalcade, la mitre en tête, avec tout le sacré Collège, pour
l'Eglise de la Station, tenant cette fleur symbolique à la main.
Arrivé à la Basilique, il prononçait un discours sur les mystères
que représente la Rose par sa beauté, sa couleur et son parfum. On
célébrait ensuite la Messe. Quand elle était terminée, le Pontife
revenait dans le même cortège au palais de Latran, toujours en
cavalcade, et traversait l'immense plaine qui sépare les deux
Basiliques, portant toujours dans sa main la fleur mystérieuse dont
l'aspect réjouissait le peuple de Rome. A l'arrivée au seuil du
palais, s'il y avait dans le cortège quelque prince, c'était à lui
de tenir l'étrier et d'aider le Pontife à descendre de cheval ; il
recevait en récompense de sa filiale courtoisie cette Rose, objet de
tant d'honneurs et de tant d'allégresse.
De nos jours, la fonction n'est plus aussi imposante; mais elle a
conservé tous ses rites principaux. Le Pape bénit la Rose d'or dans
la Salle des parements, il l'oint du Saint-Chrême, et répand dessus
une poudre parfumée, selon le rite usité autrefois; et quand le
moment de la Messe solennelle est arrivé, il entre dans la chapelle
du palais, tenant la fleur mystique entre ses mains. Durant le saint
Sacrifice, elle est placée sur l'autel et fixée sur un rosier en or
disposé pour la recevoir ; enfin, quand la Messe est terminée, on
l'apporte au Pontife, qui sort de la chapelle la tenant encore entre
ses mains jusqu'à la Salle des parements. Il est d'usage assez
ordinaire que cette Rose soit envoyée par le Pape à quelque prince
ou à quelque princesse qu'il veut honorer; d'autres fois, c'est une
ville ou une Eglise qui obtiennent cette distinction.
Nous donnerons ici la traduction de la belle prière par laquelle le
souverain Pontife bénit la Rose d'or : elle aidera nos lecteurs à
mieux pénétrer le mystère de cette cérémonie, qui ajoute tant à la
splendeur du quatrième Dimanche de Carême. Voici en quels termes
cette bénédiction est conçue :
« O Dieu, dont la parole et la puissance ont tout créé, dont la
volonté gouverne toutes choses, vous qui êtes la joie et
l'allégresse de tous les fidèles ; nous supplions votre majesté de
vouloir bien bénir et sanctifier cette Rose, si agréable par son
aspect et son parfum, que nous devons porter aujourd'hui dans nos
mains, en igné de joie spirituelle : afin que le peuple qui nous est
consacre, étant arraché au joug de la captivité de Babylone par la
grâce de votre Fils unique qui est la gloire et l'allégresse
d'Israël, représente d'un cœur sincère les joies de cette Jérusalem
supérieure qui est notre mère. Et comme votre Eglise, à la vue de ce
symbole, a tressaille de bonheur, pour la gloire de votre Nom ; vous
Seigneur, donnez-lui un contentement véritable et parfait. Agréez la
dévotion, remettez les pèches, augmentez la foi : guérissez par
votre pardon, protégez par votre miséricorde ; détruisez les
obstacles, accordez tous les biens : afin que cette même Eglise vous
offre le fruit des bonnes œuvres, marchant à l'odeur des parfums de
cette Fleur qui sortie et de la tige de Jessé, est appelée
mystiquement la fleur des champs et le lis des vallées, et qu'elle
mérite de goûter une joie sans fin au sein de la gloire céleste,
dans la compagnie de tous les saints, avec cette Fleur divine qui
vit et règne avec vous, en l'unité du Saint-Esprit, dans tous les
siècles des siècles. Amen. »
Dom Guéranger.
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